FRANCOPHONIE DES AFFAIRES : LE MEDEF ENTRE CAPITALISME PUR ET DUR ET DEVOIR DE SOLIDARITÉ (ET SURTOUT DE MODESTIE)

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Les 24 et 25 août, 2021, à l’hippodrome de Paris Longchamp, les organisations patronales francophones ont signé une déclaration commune, sous l’égide du MEDEF (Mouvement des entreprises de France) dont la vision se veut moderne, loin du paternalisme économique  de l’ex-CNPF (Conseil national du patronat français) d’Yvon Gattaz et autres pour qui, faire affaire d’égal à égal avec les Africains  relevait d’une vue chimérique.  Cela dit, soyons honnête : Geoffroy Roux de Bézieux, le chef du MEDEF, n’est pas non plus un enfant de choeur, encore moins, un philanthrope. Encore que les philanthropes comme Bill Gates, on connaît… Le fait que la Chine et d’autres pays grignotent, continuellement, les parts de marché français dans les pays francophones d’Afrique, ne doit pas lui faire plaisir. Il y aurait cependant beaucoup à dire à ce sujet qui n’est pas seulement économico-économique. De Bézieux ne devrait-il pas entreprendre une campagne auprès des entreprises françaises désireuses d’investir dans les pays francophones d’Afrique pour qu’elles le fassent sans esprit de supériorité, en mettant de côté la mentalité coloniale, et en acceptant de se frotter aux interlocuteurs locaux sans a priori négatifs comme le font les Chinois, les Turcs et bientôt les Indiens et les Brésiliens ? Voilà la première condition pour investir dans cette partie de l’Afrique. Si un chef d’entreprise français est incapable de s’abaisser, en ce début de 21e siècle, au même niveau qu’un Africain, qu’il aille s’établir ailleurs.

Geoffroy Roux de Bézieux (notre photo) n’est ni Bolloré ni Bouygues dont l’image n’est pas bonne en Afrique (c’est une litote) au regard de leur performance passée de grands prédateurs. Ils ne sont pas les seuls. Loin de là. Le discours des Chinois, lui, est différent, voire, séduisant : les Chinois disent aux Africains : « La Chine est un pays en développement comme ceux d’Afrique ». « Le niveau de vie est parfois plus élevé en Afrique qu’en Chine ». « Nous avons tous été colonisés par le grand capital occidental ». « Nous appartenons tous aux pays non-alignés ». « Nous sommes des frères bien que n’ayant pas la même couleur de peau ». « Nous soutenons la non-ingérence dans le fonctionnement des Etats, notamment, ceux d’Afrique », etc, etc. C’est vrai que c’est cette Chine « en voie de développement » qui est devenu le premier atelier industriel du monde, c’est elle qui est le trésor public de la terre, c’est elle qui dispute la maîtrise de l’espace aux Américains, etc. Bref, elle aussi bien développée qu’un pays occidental que sous-développée qu’un pays d’Afrique noire francophone.

Honneur au président du MEDEF d’insuffler des idées neuves et des pratiques novatrices dans son action, en ressuscitant un partenariat au sein de la Francophonie des affaires qui en fait, n’a jamais existé que sur du papier. Le fait de dire que 16% du PIB mondial est produit en zone francophone, a-t-il un sens concret quand on sait que les 4/5e de ce PIB sont produits dans les pays francophones du Nord ? Présenter les choses ainsi pour vendre une idée, ne veut absolument rien dire. A la limite, c’est contreproductif.

Le président malgache Andry Rajoelina est bien entouré par Geoffroy Roux de Béziers ainsi que par les hiérarques du Quai d’Orsay et de Bercy : il y a quelques jours, il a accusé la France d’avoir voulu lui faire un coup d’état militaire. Un tel climat peut-il aider à faire prospérer les affaires ? Que non !

Il faut plutôt saluer des perspectives prometteuses si les uns et les autres y travaillent. Il en est de l’annualisation d’une rencontre économique francophone et la transformation du comité de pilotage en une plateforme permanente de dialogue et de coordination des patronats francophones. Ce serait la préfiguration d’une structuration plus profonde des actions à mener à condition que toute cette architecture ne repose point sur les dirigeants politiques, mais sur une organisation patronale comme le MEDEF dont la vision ne change pas comme le vent du désert change souvent de direction.

Si la mission de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie) se borne à payer les billets d’avion à certains entrepreneurs qui viendraient assister à ce genre d’assise, c’est une perte sèche d’argent car un chef d’entreprise qui dit venir chercher des partenariats d’affaires et autres opportunités, et qui ne peut pas s’offrir un billet d’avion, aura difficilement des capacités d’investir, réellement, dans un secteur.

Mention Bien à Andry Rajoelina, le dynamique président de Madagascar, qui n’a pas hésité à honorer cette invitation, quelques jours après avoir accusé la France d’avoir voulu lui faire un coup d’état militaire qui aurait fait couler beaucoup de sang. Pendant qu’il assistait à ces assises, au moins, cinq généraux malgaches et des officiers supérieurs dont un colonel français à la retraite, sont en prison à Antananarivo où ils subissent des interrogatoires musclés des enquêteurs de la procureure générale. Si une telle mentalité coloniale perdure, quid du développement des réseaux d’affaires, principal cheval de bataille du patron des patrons français.

Patrick Achi, le premier ministre de Côte d’Ivoire, a invité les entrepreneurs francophones en 2022 à Abidjan.

De son côté, Patrick Achi, le premier ministre de Côte d’Ivoire, a invité les entrepreneurs francophones (surtout français) à « ne plus craindre d’agir ou d’investir » en Afrique après avoir suggéré d’organiser une fois sur deux cette réunion en Afrique. Tenue ainsi à Paris en 2021, elle se transportera en 2022 sur les bords de la lagune Ebrié à Abidjan, ce que tout le monde a apprécié. En fait, qui n’aime pas l’Afrique (quand il faut changer l’air) ?

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