FRANCE-CAMEROUN : Emmanuel Macron fera TROIS jours à Yaoundé (une première pour un président français)

Emmanuel Macron débarquera à Yaoundé, lundi, 25 juillet, et y séjournera jusqu’au mercredi, 27 juillet, à l’invitation de son homologue, le président du Cameroun, Paul Biya. Il s’agit d’une visite officielle en bonne et due forme. Les visites des chefs d’Etat français sont plutôt rares au Cameroun. Sous Paul Biya, arrivé au pouvoir en 1982, le Cameroun reçut François Mitterrand en 1983, puis, Jacques Chirac en juillet 1999. Mais cette visite qui se fit en deux séquences entre Yaoundé et Garoua où une fantasia fut organisée en son honneur, fut écourtée à cause du décès du roi du Maroc, Hassan II. Finalement, ensemble, Biya et Chirac se rendirent à Rabat pour les dites obsèques. Diplomatiquement, le courant passe entre Paris et Yaoundé où les observateurs notent que l’ambassadeur, Christophe Guilhou, est la personnalité étrangère la plus reçue par le président camerounais. Mais cela veut-il dire quelque chose alors que le peuple camerounais s’est, déjà, détourné de la France au profit de la Chine, de la Russie, de la Turquie, des Etats-Unis, sans parler des autres partenaires traditionnels comme l’Union européenne ? Emmanuel Macron arrive au Cameroun où les pénuries en carburant dans les stations service, ont, ces derniers jours, cloué beaucoup d’automobilistes chez eux alors que le Cameroun est producteur de pétrole depuis les années 80 avec plus de 100.000 barils/jour. Comprenne qui pourra que la raffinerie nationale, la Sonara, produise l’essence uniquement pour l’exportation et non pour le marché national. Entre Emmanuel Macron, le charmeur qui cherchera à séduire Paul Biya et ce dernier, que de sujets difficiles sur la table : d’abord, l’économie. La France n’investit plus au Cameroun. Ses caisses sont d’ailleurs vides. Sur dix méga-projets structurants, la Chine seule en finance huit, voire, neuf. Côté France, ses entreprises comme Bolloré, Perenco (qui conseille la SNH), et d’autres, ont une très mauvaise image, et ne font rien du tout pour l’améliorer. L’esprit colonial ne les quitte pas, bien que les Camerounais leur montrent tous les jours que nous ne sommes plus dans les années 60. Seul succès de la France au Cameroun, son contrat de désendettement; qui fournit bon an mal an, 65 milliards de F CFA à l’économie et au social camerounais, sous forme de dons, et ce depuis une dizaine d’années. Pour un pays comme le Cameroun, c’est une goutte d’eau. Mais, on comprend que la France ne possède plus les moyens de ses ambitions au Cameroun. Sur le plan militaire, le Cameroun vient de signer un (important) accord de défense, qui englobe tous les aspects de la question (jusqu’au renseignement) avec la Russie. Et les Camerounais y tiennent beaucoup parce qu’ils savent que la France ne leur veut pas du bien. Ce qui nous amène à la question politique. La France a soutenu, grossièrement, le candidat de l’opposition, Maurice Kamto, à l’élection présidentielle d’octobre 2018. Sur ce plan, l’ingérence du prédécesseur de l’ambassadeur actuel, se faisait sans aucun complexe. Emmanuel Macron ne doit pas s’occuper des questions intestines du Cameroun comme l’alternance à la tête de l’Etat. Ce n’est pas son problème. Ce ne sont pas les Camerounais qui l’ont choisi à la tête de l’Etat français tout comme ils ne choisiront pas son successeur dans cinq ans. Les Camerounais sont, totalement, mûrs et avertis pour s’occuper de l’alternance chez eux. Si le président français déroge à cette règle de bonne conduite, il n’aidera pas à améliorer la très (très) mauvaise image actuelle de la France au Cameroun. Autre préoccupation de taille pour les Camerounais : Alors qu’elle cherchait à se maintenir de force au Cameroun, avant l’indépendance obtenue de haute lutte le 1er janvier 1960, la France, dans les années 50, à travers son armée et ses représentants locaux, avait tué plus de 400.000 Camerounais. Gratuitement. Pour se maintenir de force au Cameroun. Parmi ses assassinats (qui n’ont pas commencé avec Kadhafi en 2011), des leaders historiques comme Ruben Um Nyobe, le secrétaire général de l’Union des populations du Cameroun, tué dans le maquis de Boumnyébel le 13 septembre 1958. Il faudra (absolument) que Camerounais et Français puissent s’asseoir pour en parler. Ce génocide car c’en est un n’a jamais été jugé. Il n’y a pas qu’au Rwanda où la politique française a provoqué de gros dégâts. C’est aussi le cas au Cameroun et bien avant le Rwanda. Les historiens camerounais (et pas que) attendent toujours que les archives de cette triste période confisquées par les Français, soient, enfin, mises à leur disposition. François Hollande lors de son voyage officiel de six heures en 2015, à Yaoundé, avait promis de les rendre disponibles, mais rien ne s’est passé. Bref, il y a tant de sujets à évoquer avec le président français. Certains de ces sujets sont d’ordre africain tels que l’exigence des Africains à voir les Français quitter la zone franc (où ils perpétuent leur colonisation). Il y a aussi l’exigence que les Français ferment leurs bases militaires au Tchad, au Gabon, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Niger et partout où elles sont implantées. Car elles apportent l’insécurité dans tous les sens du terme au continent africain.

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