CONFLIT ISRAELO-PALESTINIEN : Et si l’on se souciait un peu plus d’humanité ?

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« Et je m’en fous de cette Palestine dont on me rebat les oreilles et qui n’est qu’une toute petite poignée de terre. »
— Driss Chraïbi, La Mère du printemps, Editions du Seuil, 1982, p. 170.

Ainsi s’exprimait, de façon abrupte et provocante, l’écrivain marocain Driss Chraïbi dans *La Mère du printemps*. Une phrase qui choque — volontairement — et qui semble renvoyer aux oubliettes des causes de cette lutte qui, depuis des décennies, cristallise l’attention internationale.

Mais faut-il la balayer si vite ? Ou bien faut-il y lire, dans cette phrase, l’expression d’une fatigue morale, celle d’un monde saturé de violences, de récits tragiques en boucle, et d’impuissance politique durable ?

Depuis 1948, le conflit israélo-palestinien ne cesse de revenir dans les journaux, sur les écrans, dans les discours. Des guerres éclatent, des cessez-le-feu échouent, les colères montent et retombent. Et toujours, des morts par milliers. Et toujours, la paix semble hors d’atteinte.

Israël a décrété la mort du droit international

C’est cette répétition infernale, cette lassitude des esprits que Chraïbi pointe du doigt. Non pour l’encourager — mais pour la nommer.

Une poignée de terre, vraiment ?

Sur le plan géographique, cette « poignée de terre » est minuscule. Mais, elle concentre tant d’histoires, de douleurs, de récits croisés. Terre Sainte pour trois religions, théâtre d’un colonialisme tardif, miroir d’injustices mondialisées.

Pour les Palestiniens, l’histoire est celle d’une dépossession : de la terre, de la souveraineté, du droit au retour, de la parole. Pour les Israéliens, c’est une quête de sécurité dans un monde perçu comme hostile. Deux récits qui s’entrechoquent, se nient parfois, et rendent le dialogue presque impossible.

Et pourtant, il faudrait bien commencer par là : par réentendre les récits, sans les réduire à des slogans.

Fatigue morale et saturation médiatique

Dans un monde surconnecté, où chaque frappe est filmée, chaque cri relayé, l’horreur devient quotidienne. On ne s’indigne plus, on s’habitue. Pire : on choisit nos morts. Ceux qui nous ressemblent. Ceux qui confirment notre opinion.

C’est cette banalisation du mal qui ronge nos démocraties. Quand tout devient polémique, plus rien ne choque vraiment. Et quand tout le monde a raison en criant, personne n’écoute plus.

Que faire alors ? Faut-il se taire ? Détourner le regard ?

Non. Mais il faut apprendre à mieux regarder. A écouter. A refuser le confort du désengagement.

La justice n’est pas un slogan

Ce que ce conflit exige, ce n’est pas davantage de bruit, mais davantage de clarté. Il ne s’agit pas de prendre parti aveuglément, mais de reconnaître les rapports de force, les responsabilités, les violations de droit.

Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahu : Ils ne se comprennent pas parce que chacun parle à l’autre dans sa langue. Pas de traducteur…



L’occupation reste une occupation. Le droit international, un cadre que l’on ne peut brandir à géométrie variable. Les civils, quels qu’ils soient, méritent la protection. Et les crimes de guerre, où qu’ils soient commis, doivent être condamnés.

Une telle exigence suppose une rigueur morale. Elle suppose de ne pas instrumentaliser les souffrances. Ni celles des Palestiniens, ni celles des Israéliens.

Sortir de l’indifférence

La phrase de Chraïbi est donc un électrochoc. Elle dit : attention, le monde se lasse. Et cette lassitude devient complice du pire.

A nous de ne pas céder. De refuser l’indifférence comme réflexe. De ne pas transformer ce conflit en arrière-fond sonore. De redonner un visage à chaque victime. Une voix à chaque silence.

Et peut-être, dans cet effort, une forme de paix pourra réapparaître. Non comme une illusion diplomatique, mais comme une exigence humaine — commune à tous.


Dr Lahcen Benchama

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