GUINEE-BISSAU : Le petit président (voyageur) Umaro Sissoco Embalo et la dérive autoritaire

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En mi-juin, lors d’un déplacement dans le Nord de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo déclarait devant des médias que son pays pourrait intervenir en cas de poursuite des tensions entre l’Iran et Israël. Passés inaperçus, pour des raisons évidentes, les propos du président bissau-guinéen visaient, en réalité, à annoncer le changement de mentalité au sein de son gouvernement, à savoir, l’introduction de l’idée selon laquelle il n’y a plus de petit Etat. 

Les Etats-Unis ayant décidé de prendre les choses en main pour prévenir toute escalade dans le conflit israélo-iranien, son message n’eut, malheureusement, pas l’effet escompté, et tomba dans la catégorie “humour” de la rubrique des déclarations insolites. Mais, deux mois plus tard, sa décision de fermer les trois médias portugais présents sur son territoire, et de leur demander de plier bagages, au plus tard, le 19 août 2025, donne un peu plus de contexte.

La Guinée-Bissau entretient des liens coloniaux avec le Portugal, tout comme l’Angola, le Cap-Vert et le Mozambique. Dans une volonté de s’affirmer face à l’ancien colon, l’Etat de Bissau a mené une première offensive, d’autant plus que les relations entre les deux nations ne sont pas très bonnes. Aucune explication n’a été donnée aux autorités de Lisbonne, très remontées face à ce qu’elles considèrent comme étant un acte totalement injustifié.

Pourtant, Umaro Sissoco Embalo (sur notre photo dans sa mine des mauvais jours) est pleinement conscient de ses agissements. Autrefois, critique acerbe des trois juntes du Sahel, il en est progressivement devenu l’un des admirateurs secrets, et n’hésite pas à les suivre dans leur élan de souveraineté arrachée de la main des anciennes puissances coloniales, même s’il ne le crie pas encore haut et fort. Mais, sa manière de faire à l’encontre de la presse portugaise est plus radicale que celle des juntes sahéliennes.

A cause du coup de tête du petit dictateur, les trois confrères portugais plient bagages.

En effet, bien que ces dernières se plaignaient de faire l’objet d’attaques régulières de médias à la solde de leurs ennemis impérialistes, elles procédaient à des avertissements, et allaient, parfois, jusqu’à les suspendre pendant quelques mois. En Guinée-Bissau, par contre, les autorités ont purement et simplement ordonné le départ des sociétés concernées, sans fournir une once d’explication. Un acte extrême destiné à inciter une réaction de la part de leurs consœurs portugaises.

En matière de controverses, le leader bissau-guinéen est un fin connaisseur. Sauf que jusqu’ici, ses provocations se limitaient aux niveaux national et sous-régional. Maintenant qu’il a pris conscience que son Etat n’est petit que de taille mais en reste un, et qu’il a, ainsi, décidé de se dresser contre le Portugal, il cherchera aussi à se brouiller contre toute nation occidentale qui ose le contredire, et dont il a été le vassal. A quand le tour de la France d’Emmanuel Macron ?

Paul-Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)

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