GABON : Le protectionnisme comme arme contre la passivité des jeunes (Oligui veut réveiller les Gabonais)

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Brice Oligui Nguema fait face à un dilemme. Ayant vanté l’idée d’un Gabon géré par des Gabonais, l’actuel président, démocratiquement élu, avait rompu avec la pratique controversée de faire appel à nombre d’étrangers dans l’appareil de l’Etat, contrairement, à son prédécesseur, Ali Bongo Ondimba, d’ailleurs accusé de leur avoir carrément donné le pays. Toutefois, après avoir réformé la gouvernance étatique, le nouvel homme fort a interdit aux autres Africains l’accès au secteur informel local, alimentant ainsi les spéculations d’une dérive protectionniste.

Différentes sources évaluent à 20-30% la proportion de la jeunesse gabonaise au chômage. C’était bien plus que les 14% de la camerounaise, le plus bas taux de la CEMAC. Voulant faire diminuer ce pourcentage, le président, Oligui Nguema, essaye de pousser ses jeunes concitoyens vers l’entreprenariat. Sauf que cela fait des décennies entières que ces derniers se sont, volontairement, détournés de certains secteurs d’activité qu’ils jugent dégradants, parmi lesquels les petits commerces, les ateliers de réparation, ou les salons de coiffure (sur notre photo, le président rencontre les jeunes chômeurs le 1er mai 2024 à l’occasion de la fête du travail).

Informés de l’existence de telles opportunités, qui ne nécessitent pas trop de capitaux, les ressortissants des pays voisins, voire même, ceux issus d’autres zones sous-régionales, comme la CEDEAO, ne se sont pas fait prier pour en profiter. Leur demander aujourd’hui de s’en aller, au nom de l’intérêt supérieur de la nation, pourrait se justifier si les jeunes Gabonais étaient réellement disposés à jouer leur partition dans la création de richesses sur le plan domestique. Ce qui est très loin d’être gagné.  

Les attentes sont immenses mais il faudra aller pas à pas : commencer par changer les mentalités. Mais Oligui n’a pas peur…

On ne reprochera, en tout cas, pas au chef de l’Etat d’avoir tracé la route afin de leur permettre de sortir de la précarité et la pauvreté dont ils se plaignent, aucun gouvernement n’ayant vocation à se substituer aux PME, ni à leur capacité innée de créer des emplois pour les jeunes diplômés. Pour d’autres observateurs plus sceptiques, l’inquiétude porte sur la progression des mesures protectionnistes en Afrique, à un moment où les pays sont appelés à davantage d’intégration économique dans le cadre de la Zone de libre échange continentale africaine.

Paul-Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)

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