Entré dans la dernière ligne droite de son second mandat, le président, Patrice Talon, s’est mué en faiseur de rois, juste après avoir résisté à la tentation d’une nouvelle prorogation (anticonstitutionnelle) de son bail au Palais de la Marina. Mais, cette décision fut difficile à prendre, et arriva assez tardivement, découlant de la dissuasion issue des critiques nationales et internationales sur cette éventualité. Ainsi, en avril 2026, il ne sera, officiellement, plus à la tête du Bénin, mais, devrait le rester officieusement.
L’une des principales leçons apprises par les Béninois de la décennie de règne de Patrice Talon est son double langage. Véritable maestro dans cet art, le leader sortant a peaufiné cette technique au fil des années, si bien qu’il a été contraint de marteler, publiquement, à maintes reprises, qu’il ne briguerait pas un troisième mandat. Malgré cela, beaucoup de ses compatriotes lui prêtent toujours cette intention, probablement, à cause de sa promesse jamais tenue de 2016 de ne faire qu’un mandat et de s’en aller.
Dans la même veine, il fut interrogé par LCI, une télévision française, en mars 2023, sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine, et se déclara, formellement, opposé à la guerre sous toutes formes comme moyen de résolution des conflits internationaux. Quelques mois plus tard, le même individu, qui avait condamné la Russie pour son opération en Ukraine, étalait son hypocrisie au grand jour, par le biais de son appui solennel à la proposition d’intervention militaire de la CEDEAO au Niger, après le coup d’état du 26 juillet 2023, pour y sauver un homme désavoué par son propre peuple.
D’autres exemples de retournement de veste existent, mais, revenons sur celui auquel le départ du Palais de la Marina par l’actuel dirigeant béninois, est en train de progressivement donner place. A défaut de pouvoir conserver sa haute fonction, la faute à la limitation des mandats, Patron Talon entrevoit un scénario à la Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, lorsque celui-ci devint président de la Russie en 2008. A la différence qu’il ne prendrait pas ses ordres d’un Romuald Wadagni (sur notre photo avec Patrice Talon) qu’il a introduit en politique, et qui pourrait, littéralement, être son fils, au vu de leur écart d’âge.
Selon la mouvance au pouvoir, le choix porté sur l’actuel ministre des Finances de candidater au prochain scrutin présidentiel relèverait d’une volonté de stabilité et de continuité. Une volonté si forte qu’elle justifie le climat de répression instauré dans la nation, où les règles électorales ont été taillées sur mesure, et la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) investie de l’autorité pour traquer les dissidents, y compris ceux au sein de la majorité. L’opposition béninoise n’était déjà pas très organisée. Aujourd’hui, elle a, totalement, disparu.

Même s’il n’est pas exempt de tout reproche dans la situation politique actuelle du Bénin, Yayi Boni a raison d’accuser son successeur de ne plus vouloir d’opposition. Patrice Talon avait tout planifié, de manière à avoir une alternative en cas d’échec de barrage pour un troisième mandat. C’est dans ce contexte que le dauphinat de Romuald Wadagni prend tout son sens, puisque celui-ci ne risque pas d’aller à l’encontre des ordres d’un mentor, dont l’ombre sera omniprésente au Palais de la Marina. Une mascarade démocratique entraînant la conservation et la confiscation du pouvoir.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)





