Pour les Africains, il n’y a pas beaucoup de bonnes choses à dire sur les initiatives prises par le premier ministre anglais, Keir Starmer, à l’exception, peut-être, de la rupture de l’accord de sous-traitance migratoire entre son pays et le Rwanda. Prendre cette décision dès son arrivée au 10 Downing Street fut courageux. Tout comme celle de mai dernier de restituer les Iles Chagos à Maurice. Une querelle de très longue date, délibérément, ignorée par les gouvernements successifs de Londres, mais loin d’être réglée du fait de la détermination des Chagossiens anglais.
L’une des raisons pour lesquelles ce dossier peine tant à aboutir est l’opposition multiforme qu’il suscite, et en première ligne, de laquelle figurent les Chagossiens britanniques. Dans les années 60 et 70, ces ressortissants avaient été expulsés de Diego Garcia, la partie du territoire disputé sur laquelle fut construite la base militaire utilisée conjointement par les Etats-Unis et le Royaume Uni, moyennant un loyer annuel de 115 millions d’euros. Son atout principal étant son positionnement stratégique par rapport au Moyen Orient, Diego Garcia fait beaucoup d’envieux (sur notre photo, le premier ministre britannique avec son homologue indien qui soutient sa démarche).
Chassés de leurs terres vers d’autres contrées, et séparés des membres de leurs familles depuis des décennies, les Chagossiens, dont la plupart fut envoyé à Londres, en sa qualité de capitale de l’ancienne puissance coloniale, se battent pour faire entendre leurs griefs. Ceux-ci ont été pris en compte par la Commission des Nations-Unies en charge de l’élimination de la discrimination raciale, qui, dans son rapport publié début décembre, s’est opposée à la ratification, en son état actuel, du traité de restitution des Iles Chagos par l’Angleterre à l’Ile Maurice.
La question centrale porte sur le droit à l’autodétermination de ces populations, qui redoutent d’être les grandes perdantes de l’histoire de leur pays, et, potentiellement, de contempler de leurs propres yeux la disparition progressive de leur existence. Encouragés par la recommandation onusienne allant dans leur sens, et ayant obtenu l’attention de la Chambre des Lords, ils ont créé un gouvernement en exil parallèle à celui de Port Louis, et nommé Misley Mandarin à sa tête. Une initiative que le pouvoir mauricien n’a pas tardé à dénoncer avec une grande fermeté.

Même si la menace portée par les Chagossiens ne constitue aucun danger juridique pour les parties audit accord, elle permet de pointer concrètement du doigt une problématique relativement méconnue jusqu’à ce jour. L’objectif ici est d’obliger le gouvernement de Keir Starmer à assumer la responsabilité du passé colonial du Royaume-Uni vis-à-vis des populations chagossiennes déplacées à tort et à travers, sans jamais recevoir d’excuses, ni de réparation quelconque. Aujourd’hui, elles exigent d’être une partie à part entière à l’accord.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)





