CAMEROUN : Le silence du Vatican et de son nonce sur l’assassinat d’un évêque perpétré le 31 mai 2017

Date

Il y a 5 ans, Mgr Jean-Marie Benoît Bala disparaissait de façon tragique. En effet, le corps de l’évêque de Bafia était retrouvé dans les eaux de la Sanaga. Dans son véhicule garé sur le pont d’Ebebda, il y avait cet étrange message : “Je suis dans l’eau”.

Le 4 juillet 2017, le procureur général auprès de la Cour d’appel camerounaise livre les résultats de l’autopsie de Mgr Bala pratiquée par deux médecins légistes étrangers arrivés au Cameroun, le 29 juin. Pour Jean-Fils Kléber Ntamack, Mgr Bala s’est noyé. La thèse du suicide est rejetée par Mgr Samuel Kleda, le 8 juillet. L’archevêque de Douala et président de la Conférence épiscopale du Cameroun soutient que l’évêque de Bafia a été torturé, puis, tué avant d’être jeté dans l’eau. Si jusqu’à aujourd’hui on ignore qui sont les assassins de Mgr Bala (notre photo), on sait au moins qu’il fut “violemment assassiné” parce qu’il avait remis au nonce apostolique d’alors, Mgr Piero Pioppo, un rapport dénonçant l’homosexualité pratiquée par certains barons du régime Biya sur des jeunes séminaristes de Bafia.

Ni le nonce italien ni le Vatican n’avaient protesté contre cet assassinat comme si Rome était complice du régime, comme si Rome haïssait la vérité, comme si Rome était d’accord avec l’homosexualité que la Bible considère pourtant comme une abomination (Lévitique 18, 22). Mgr Joseph Akonga Essomba, ancien condisciple de Mgr Bala, s’était montré courageux dans son homélie, le jour des funérailles, en révélant que Bala était un excellent nageur et donc, qu’il ne pouvait pas se noyer, en confessant que “notre église est livrée aux forces des ténèbres d’une part par des suppôts de Satan et, d’autre part, par certains faux membres de cette église”, en tançant les prêtres qui font semblant de compatir.

« Je préfère être crucifié pour la vérité plutôt que de crucifier la vérité », disait le cardinal, Joseph Malula, premier archevêque noir de Kinshasa. Mgr Akonga refusa de crucifier la vérité parce que la parole du Père est vérité et c’est dans cette vérité que le fils a consacré ses disciples.

Chez nous, en Côte d’Ivoire, Mgr Marcellin Yao Kouadio fut déplacé de Yamoussoukro à Daloa pour avoir dit certaines vérités à Ouattara et Bédié, le 11 décembre 2013, à l’occasion des 20 ans de la mort d’Houphouët. Entre autres choses, Mgr Kouadio avait dit ceci : “Nanan, malheureusement, bon nombre de tes enfants qui prennent ton nom mais n’ont pas ton esprit, préfèrent la guerre à la paix, la mort à la vie, le mensonge à la vérité, l’aumône au travail.” Si les fonctionnaires du Vatican et les membres de la Conférence épiscopale ivoirienne étaient des hommes vrais et attachés à la vérité, ils auraient plutôt félicité et remercié Mgr Kouadio d’avoir dit tout haut ce que la majorité des Ivoiriens pensait tout bas, ils l’auraient donc maintenu dans la capitale politique. Si la vérité et la vie humaine étaient des valeurs pour eux, jamais, ils n’auraient assisté à l’investiture d’un individu qui s’était rendu coupable de plusieurs massacres avant d’être installé au pouvoir par la France. Jamais nos prêtres et évêques n’oseront dire comme le cardinal, Laurent Monsengwo, parlant de Joseph Kabila et de sa bande de crapules, le 1er janvier 2018 : « Il est temps que les médiocres dégagent et que règnent en RDC la paix et la justice ».

Les choses changeront-elles un jour dans notre église ? Bernard Yago, premier archevêque et premier cardinal ivoirien, était capable de tenir tête à Houphouët. Il pouvait dire ce qu’il pensait au premier président, le désavouer comme dans l’affaire Ernest Boka dont l’assassinat dans la prison d’Assabou avait été maquillé en suicide, parce qu’il ne mangeait pas dans sa main, parce qu’il était libre par rapport à l’argent, parce qu’il vivait simplement et savait se contenter de peu de choses. Le Seigneur suscitera-t-il d’autres Bernard Yago ? On ne peut que l’espérer. En attendant, comme le disait un ami, nos clercs préfèrent crucifier la vérité et sécher leurs soutanes là où brille le soleil.

Jean-Claude DJEREKE

est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

Envie d’accéder aux contenus réservés aux abonnés ?

More
articles

×
×

Panier