CENTRAFRIQUE : Bruno Foucher (grand connaisseur du Tchad) prendra ses fonctions à Bangui le 1er août

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Ce n’est pas un illustre inconnu qui va atterrir, bientôt, en République centrafricaine où la firme Wagner est bien positionnée, et personne ne le regrette dans les cercles du pouvoir. Emmanuel Macron semble faire le tout pour le tout pour ramener le Centrafrique dans le giron français. Il devra transpirer… Il utilise tous les moyens dont le premier est l’envoi d’un diplomate expérimenté, à Bangui, comme ambassadeur. Bruno Foucher qui est chargé de cette mission, ne se voit pas attribuer un cadeau. La France, au mieux des cas, risque d’être invitée à trouver (juste) UNE place (et non LA place) dans le dispositif centrafricain où on n’est pas prêt de changer les équilibres en présence. Les mercenaires de Wagner sous les ordres de Moscou et les soldats rwandais envoyés par le président, Paul Kagamé, font bien le job pour le président, Faustin-Archange Touadéra. Un job que l’armée française faisait, dans le passé, dans de bonnes conditions, avant de tout laisser tomber au grand désespoir du président centrafricain. Le nouvel ambassadeur français, du reste diplomate expérimenté, trouvera, certainement, une voie pour la France car en Oubangui, il y a tellement de choses à faire et tellement de besoins à satisfaire.

Bruno Foucher (notre photo) est un nom connu dans la sous-région. Très (très) bien même. Fait significatif : Il était ambassadeur au Tchad de 2006 à 2011 quand le président, Idriss Déby Itno, vit son palais attaqué par les rebelles en 2008 alors que Nicolas Sarkozy présidait aux destinées de la France. Voyant une situation critique pour le pouvoir en place, le président français proposa, alors, à Déby l’exfiltration pour la base française implantée à l’aéroport de N’Djamena. Il reçut une fin de non recevoir du président Déby qui lui annonça, urbi et orbi, vouloir mourir, aux côtés de ses soldats. Les rebelles de manière incontestable, prenaient le dessus sur ces derniers. Le palais rose était assiégé. C’est l’intermédiation politique du patriarche, Ondimba, du Gabon, qui permit à Déby de sauver sa peau, ainsi que, son pouvoir. Le président du Gabon qui avait une grande connaissance de sa sous-région et qui avait une influence certaine sur Nicolas Sarkozy, réussit à le convaincre de donner un coup de main militaire à Déby parce qu’il était un pion essentiel dans le dispositif sécuritaire en Afrique centrale. Il était, donc, impardonnable qu’il fût assassiné avec ses hommes d’autant plus que personne ne savait comment allaient, se comporter, par la suite, les vainqueurs. C’est ainsi que le président, Sarkozy, ordonna une intervention de l’armée française qui repoussa les rebelles dont des dizaines d’entre eux campaient, déjà, dans les alentours du palais, parfois, à moins de 300 mètres.

Ce récit relaté, ici, est de première main. C’est pendant cet assaut des rebelles dans N’Djamena que Déby, soupçonnant ses opposants être de mêche avec eux, avait commencé à les arrêter, un à un, pour les liquider. C’est ainsi que le mathématicien et homme politique proche du parti socialiste français, Ibni Oumar Mahamat Saleh, fut assassiné. Ngarlejy Yorongar (encore en vie aujourd’hui), lui aussi, arrêté, brutalement, à son domicile, vers 17 heures, heure de N’Djamena, n’eut, finalement, la vie sauve que grâce à une intervention, dans la même nuit, du patriarche, Ondimba, depuis Libreville. Le président gabonais dit, clairement, à Déby qu’il était au courant qu’il venait d’arrêter Ngarlejy Yorongar, et qu’il portait la responsabilité de sa sécurité personnelle. Dès lors, Déby ne pouvait plus le tuer comme il l’avait fait pour Ibni Oumar Mahamat Saleh.

Le patriarche, Ondimba, joua un grand rôle aux côtés de son homologue français, pour permettre à Déby de se sortir de cette situation. L’ambassadeur, Bruno Foucher, qui suivait tous ces événements était en poste à N’Djanema. C’est, donc, un grand connaisseur des dossiers (chauds) de l’Afrique centrale qu’Emmanuel Macron, envoie à Bangui où il va croiser le fer avec les Russes.

Ministre plénipotentiaire, il devra, cependant, s’adapter au paysage diplomatique banguissois dont la gestion est assurée par la dynamique ministre des Affaires étrangères, Sylvie Baïpo-Temon, connue pour être souvent malmenée par les services français à Roissy Charles de Gaulle. Avec une complicité certaine du Quai d’Orsay. Car on a parfois ignoré ses documents diplomatiques, qui la mettent à l’abri de certaines fouilles.

Cela dit, Bruno Foucher est un habitué des dossiers compliqués. D’où son passage en Iran de 2011 à 2016, ce qui lui permit de collaborer à l’Accord sur le nucléaire iranien signé à Vienne en juillet 2015, et plus tard, au Liban, de 2017 à 2020.

Bruno Foucher, en 2022, fut le grand facilitateur avec le Qatar du dialogue intertchadien. Celui-ci a débouché sur la mise en place d’un gouvernement d’union présidé par le général-président, Mahamat Déby Itno. Mais, l’issue de ce processus reste incertaine parce que ce dernier est décidé à se présenter à l’élection présidentielle pour se maintenir au pouvoir alors que les textes de la transition spécifient qu’il doit céder la place à un autre chef d’Etat démocratiquement élu.

Professeur Paul TEDGA

est docteur de l’Université de Paris 9 Dauphine (1988)

auteur de sept ouvrages

fondateur en France de la revue Afrique Education (1993)

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