CONGO-BRAZZAVILLE : 28 ans après

Date

25 octobre 1997- 25 octobre 2025.

28 ans de question sans réponse.

28 ans d’attente de réparation.

28 après, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Mais pas une eau digeste pour tout le monde.

A la faveur de la fin de la guerre, fort meurtrière du 5 juin 1997, qu’a connue la République du Congo, le président, Denis Sassou Nguesso, prête le serment de nouveau chef d’Etat, le 25 octobre 1997, devant la Cour suprême, au palais des Congrès à Brazzaville. Simple coïncidence, fait du hasard, ou acte prémédité, ma résidence de l’OCH Moungali 3 sera, les heures qui suivent l’événement, l’objet d’une foudroyante démolition à l’aide d’explosifs.

La ville de Brazzaville détruite par la guerre de 1997 : Des résidences méconnaissables.

La guerre du 5 juin 1997 terminée, les dirigeants congolais montants ayant pris possession des postes officiels, je n’ai toujours pas réalisé, jusqu’à ce jour, les motifs pour lesquels ma résidence, demeurée malgré tout debout, après les affrontements, avait être totalement détruite.

A la place de ce bâtiment de l’OCH Moungali 3, avec un étage complet, que j’avais construit, dans les années 87- 89, pendant que j’étais secrétaire général auprès du premier ministre, Ange Edouard Poungui, il n’en restait, au moment où je regagne Brazzaville, le 1er octobre 2001, qu’un amoncellement de gravats, dans une concession envahie d’herbes hautes. Des voisins du quartier que j’avais approchés m’ont livré, la peur au ventre, par crainte de représailles, le contexte militaire l’obligeant, leur incompréhension face à un tel plasticage qui pour eux n’avait plus sa raison d’être après la cessation des hostilités.

En effet, dès la semaine qui a suivi le déclenchement des affrontements entre la force publique nationale et les alliés armés du camp du président, Denis Sassou Nguesso, je ne sais de quelle manière les choses s’étaient passées, la structure d’ensemble de ma résidence avait été fracturée, les murs ployés, la toiture brisée, les portes et les grilles emportées, les biens à l’intérieur sauvagement pillés.

Par ailleurs, je ne comprends pas, non plus, pourquoi malgré la déclaration de fin des hostilités annoncée par le président, Denis Sassou Nguesso, le 15 octobre 1997, des individus n’en finissaient pas avec des actes de violence. Continuant de se placer dans la logique d’exécution de tous ces actes d’une extrême gravité que des adeptes de la brutalité prenaient pour des méthodes de guerre. Une posture qui, pourtant, soulevait dans le pays, une totale réprobation.

La ville de Brazzaville détruite par la guerre de 1997 : Jamais plus ça !

Pour des milliers de Congolais dont moi, la question des réparations constituées par les compensations destinées à couvrir les dommages ou les blessures occasionnées par les violences du 5 juin 1997, n’a jamais été résolue. Et il y a lieu d’ajouter celles des crises de 1993, 1998 et 1999. Ayant été moi-même en plus affecté par les événements de 1993.

Je perds, en effet, en novembre 1993, une villa de construction récente que je venais d’occuper au quartier Mpissa Bacongo. Une perte qui survient à la suite de gros dommages opérés par une bande de criminels, qui répondaient aux mots d’ordre de désobéissance civile lancés par les militants de l’opposition congolaise du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président, Pascal Lissouba, le 17 novembre 1992, s’appuyant sur l’article 81 de la Constitution. De ce mot d’ordre, une marche sur le palais présidentiel est organisée le 30 novembre 1992 pour exiger le rétablissement de l’Assemblée nationale ou la démission du président de la République.

Partie de l’avenue de l’OUA, la marche débouche sur le rond-point du Centre culturel français. De ce lieu, des coups de feu éclatent. Ils font, parmi les manifestants, trois morts dont la clameur de la responsabilité a reposé sur moi, les manifestants estimant que les tirs étaient partis de mon bureau du travail, en ma qualité de directeur de Cabinet du Ministre de l’Intérieur, Martin Mbéri.

Les réparations dont il s’agit ici reposent sur une obligation de solidarité, au sein de la communauté nationale. Des compatriotes, quel qu’en soit leur statut social ou leur camp supposé, pendant les violences ci-dessus relevées, ont-ils été indemnisés ? Peut-être oui. Peut-être non. Je n’ai pas de preuves établies dont la véracité pourrait être démontrée et fondée sur les faits.

Me concernant, aussi bien, pour la villa de Mpissa que pour celle de l’OCH Moungali 3, je n’ai empoché aucun centime, par une voie ou une autre. De nombreux Congolais aussi victimes des mêmes tragédies que moi, n’ont bénéficié de la moindre réparation, alors qu’il semblerait, du moins par le bruit du couloir, que des cas spécifiques de compatriotes se sont vus indemnisés.

Au nom de la paix, le président Denis Sassou Nguesso doit indemniser les victimes oubliées de la guerre de 1997. Mieux vaut tard que jamais !

Si la rumeur s’avère exacte, cette injustice dans le traitement des sinistrés, pour les mêmes causes, serait un mauvais signe pour la cohésion nationale. Une injustice qui pourrait inclure des préjugés profondément ancrés, qui affectent des aspects de la société congolaise.

Les rideaux étant tombés sur ces affaires des violences, il est nécessaire que par esprit de justice, l’objectif demeure de régler les dossiers de compensation avec un profond souci d’équité et d’apporter une réponse appropriée aux intéressés dans les délais aussi satisfaisants que possibles.

Depuis 28 ans, nous attendons en vain ces réparations.

Joseph Ouabari Mariotti

était l’ancien Garde des Sceaux du président démocratiquement élu le professeur Pascal Lissouba

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