COTE D’IVOIRE : Un gouvernement (inopportun) qui prépare le 4e mandat de Ouattara en 2025

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A la demande (pressante) d’Alassane Ouattara, le premier ministre, Patrick Achi, a présenté, mercredi, 13 avril, sa démission ainsi que celle de son gouvernement, pour des raisons qui tiennent à la seule volonté du maître du pays, qui fait exactement ce qu’il veut et quand il le souhaite. Les raisons officiellement avancées d’une nouvelle équipe gouvernementale « resserrée » destinée à faire du social et à combattre le djihadisme, ne sont que de la poudre aux yeux : les Ivoiriens qui sont considérés comme le peuple le plus docile de l’Afrique de l’Ouest, devraient voir plus loin. En effet, l’ancien fonctionnaire du FMI qui voit très loin, est en train de préparer la campagne présidentielle de 2025 car il briguera sa succession. Avant cette mère des batailles, il entend roder son dispositif des alliances lors des élections municipales et régionales de 2023.

Depuis le retour en Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo alors qu’il avait prévu qu’il finirait ses jours dans une prison de la CPI, Alassane Ouattara a peur, même de son ombre. Un simple bruit de porte mal fermée le fait sursauter, comme s’il était question d’une attaque du palais. Les coups d’état réussis, comme un jeu, en Guinée (chez son complice Alpha Condé qui n’a pas assez de mots durs à son égard), au Burkina Faso, son pays de nationalité et d’origine, et surtout, au Mali où il est l’initiateur de dures sanctions édictées par l’UEMOA et la CEDEAO pour faire trébucher la junte, ne sont pas là pour le rassurer. Même si on sait depuis Félix Houphouët-Boigny que la Côte d’Ivoire n’a jamais compté sur une armée digne de ce nom et que sa défense repose, essentiellement, sur l’armée française. Cela n’a pas changé sous Ouattara même si pour calmer les corps habillés de l’armée et de la police, pendant la tumultueuse élection d’octobre 2020, il avait arrosé la haute hiérarchie de celles-ci (généraux, colonels et ComZones en centaines de millions de F CFA) pour faire passer sa fraude comme une lettre à la poste, ce qu’il a réussi à faire sans difficulté, ses maîtres français assurant sa couverture et sa protection à l’international.

Mais avec le retour de Gbagbo et son alliance avec Henri Konan Bédié dont la déception à l’endroit de Ouattara est inversement proportionnelle à la roublardise dont il a été victime, le danger est clairement dans le camp de Ouattara ou si l’on veut du RHDP, ce parti sans âme que Bédié a abandonné à Ouattara préférant se replier dans son PDCI-RDA historique.

Avec les tournées que Gbagbo entreprend à l’intérieur du pays, Alassane Ouattara, tout président qu’il est, n’est pas tranquille à Abidjan. Il a perdu le sommeil. A ses côtés, Bédié, Ouattara ne peut rien malgré le fait qu’il est au pouvoir. Il ne peut faire la majorité face à l’opposition actuelle. Voilà pourquoi il a organisé un dialogue pour « réconcilier » les Ivoiriens, mais, en prenant soin d’y exclure des Ivoiriens non « réconciliables », à savoir, Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, pour ne citer que ces deux là. Une réconciliation à la carte ! Cette grand-messe a duré plus de deux mois, sous la supervision du premier ministre Patrick Achi. Cela donne, aujourd’hui, l’occasion à Ouattara d’ouvrir son gouvernement, au nom de la réconciliation nationale, en y intégrant certains ténors de l’opposition comme Pascal Affi N’Guessan (ou ses amis), Mabri Toikeusse (ou ses amis), etc. Objectif, les enlever des griffes du duo Bédié/Gbagbo. Ce n’est pas mal pensé. Cela dit, ces deux leaders de l’opposition de la jeune génération ont vu comment Ouattara les a malmenés pendant la dernière élection présidentielle. Mabri n’a eu son salut qu’en se réfugiant au Ghana tandis que Affi a été arrêté et mis en prison comme un vulgaire délinquant malgré les supplications des ONG des droits de l’homme.

Alassane Ouattara qui se croit la personne la plus intelligente de Côte d’Ivoire, peut même diviser son gouvernement par cinq, voire, par dix. Le problème n’est pas là. Sa chance, c’est d’avoir un peuple faible (contrairement au peuple burkinabé, malien ou guinéen) où le président sait ce qu’il peut advenir de lui s’il abuse de la nonchalence de ses populations. En Côte d’Ivoire, en revanche, le pouvoir use et en abuse sans limite. Mais, comme partout, chaque chose a une fin. La preuve, c’est que même Blaise Compaoré, le tout puissant ancien faiseur de paix et de discorde en Afrique de l’Ouest, est, aujourd’hui, méconnaissable. Quelque part en Abidjan.

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