GABON : Et si la Cour constitutionnelle décidait d’un report ?

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Le Gabon s’est réveillé, vendredi, 23 septembre, avec la peur de nouvelles violences et dans l’incertitude la plus totale alors que la Cour constitutionnelle (notre photo) doit trancher le contentieux électoral entre le président sortant Bongo Ondimba Ali (BOA) et son rival Jean Ping.

Aux abois depuis des semaines, les Gabonais ne savent même pas si la Cour rendra sa décision vendredi, dans les délais prévus par la Constitution, soit quinze jours après le recours de Jean Ping contre la réélection de BOA.

La présidente de la Cour, Marie-Madeleine Mborantsuo, a laissé, elle-même, planer le suspense jeudi en fin de soirée à l’issue d’une séance publique, où les avocats de BOA et Ping ont procédé à une dernière passe d’armes. Il faut signaler que Jean Ping s’est fait représenter par des avocats de qualité, qui ont fait dresser la crinière au bataillon des avocats de BOA, habitués à donner des cours de droit à leurs collègues, en pleine audience. Cette fois, les avocats de Ping ont, complètement, écrasé la plaidoirie de Me Francis Nkéa dont le lyrisme cachait mal l’ennui de plaider une situation mal engagée.

« L’affaire est mise en délibéré. En principe, la décision pourrait être rendue à l’audience du 23 septembre, mais, je demande au greffier de communiquer la date exacte, l’heure exacte aux conseils des deux parties », a déclaré Marie-Madeleine Mborantsuo, la femme la plus haïe du Gabon, qui a préféré cacher son visage derrière des lunettes sombres. Une première !

Saisie par Jean Ping, la Cour peut soit valider l’élection de BOA, soit, annuler l’élection présidentielle à un tour du 27 août, soit donner gain de cause au requérant qui se proclame le « président élu ». Dans tous les cas, le peuple gabonais s’attend à une seule chose : que BOA ne soit pas déclaré vainqueur. Sinon, ce serait la catastrophe pour le Gabon. Et Mborantsuo le sait, elle, qui a été accusée, hier, et ce pour la première fois par un Maître du droit constitutionnel gabonais, JABO (Jules Aristide Bourdes Ogounliguendé) d’user d’artifices juridiques pour avantager le camp présidentiel. C’est la première fois que Jabo sortait de sa réserve en invitant, par ailleurs, les juges à « un sursaut patriotique pour sauver le Gabon ». Mborantsuo (qui devient un cas d’école dans les facultés de droit et un exemple à ne pas suivre pour la nouvelle Afrique qui se dessine) est-elle prête à se réhabiliter ?

Dans les rues de Libreville, la tension est déjà palpable. A quelques centaines de mètres de l’imposant siège de la Cour, la Garde républicaine (qui garde BOA mais aussi les juges constitutionnels, ce qui accroît leur dépendance envers le régime) avait coupé jeudi en fin d’après-midi la circulation sur le front de mer devant le palais présidentiel.

Vendredi matin, la circulation était rétablie mais des forces de sécurité étaient en position dans plusieurs carrefours de la capitale.

L’exécutif redoute de nouvelles violences à l’annonce de la décision de la Cour, surtout, si elle confirmait la victoire de BOA.

« Dès la proclamation des résultats, il vous est demandé d’éviter tout déplacement jusqu’à nouvel ordre », a indiqué l’ambassade de France sur son site, dans un message à la communauté française.

Quatre ministres ont déjà prévenu Jean Ping, 73 ans, qu’il pourrait être arrêté s’il franchissait « la ligne rouge » dans l’hypothèse où il n’obtiendrait pas gain de cause en justice. Deux camions militaires stationnent devant son domicile depuis jeudi, 22 septembre. C’est comme si les militaires savaient que le recours de Ping va être rejeté par la « Tour de Pise » (Cour constitutionnelle).

Vendredi matin, les derniers retardataires se pressaient dans les commerces encore ouverts. Entre énervement et fatalisme, certains ne cachaient pas leur lassitude. « Ça gave déjà. Ça dure trop. On attend les résultats, une bonne fois », commentait Fété, commerçante. « Pourquoi ils font traîner, traîner, traîner… », s’interrogeait une cliente.

Me Jean-Rémy Bantsantsa, l’avocat de Jean Ping, pourrait être appelé dans quelques heures, juste pour s’entendre dire que la Cour constitutionnelle a opté pour un report des délais, pour se donner du temps, de bien faire. Cette hypothèse bien que marginale n’est pas totalement à exclure.

Avec AFP

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