MADAGASCAR : Vers une Refondation sans la Gen Z ?

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Après avoir composé son gouvernement, constitué de visages connus de la sphère politique, le colonel-président, Michaël Randrianirina, lui a donné deux mois pour faire ses preuves. Cet ultimatum est un mauvais signal qui rappelle, curieusement, une pratique de son prédécesseur, qualifiable d’effet d’annonce, puisque dans les faits, aucun ministre ne fut jamais inquiété, pas même le très incompétent, Olivier Jean Baptiste. On est donc loin de la rupture prônée par la Refondation, ce qui n’est pas de nature à rassurer une Gen Z aux aguets. 

Depuis la fin du mois d’octobre, une véritable chasse aux sorcières est menée contre les proches d’Andry Rajoelina. Motivés par une soif de vengeance et de justice, les limogeages par décret, les perquisitions à domicile et les interdictions de voyager se systématisent, aussi bien, sur le territoire qu’en dehors. Si faire la lumière sur le passif hérité de l’ère Rajoelina est un prérequis pour refonder, il ne faudrait pas oublier les revendications d’une jeunesse malgache dont le sang a coulé, de peur de raviver le sentiment de récupération politique exposé par nombre d’experts.

Et c’est précisément à ce niveau que Michaël Randrianirina et son premier ministre, Herintsalama Rajaonarivelo (sur notre photo, son gouvernement de 60 jours), ne rassurent pas. L’une de leurs premières mesures phares porte sur une hausse de 14% des salaires des agents publics dès janvier 2026. Une initiative visant à redonner plus de pouvoir d’achat, et qui serait aussi assortie de la création de plus de 13 200 postes budgétaires. Mais, elle exclut les 42% de jeunes Malgaches recensés par Afrobarometer dans son enquête de juin 2025, pourtant, en ligne de front pendant des semaines lors des manifestations. 

Pour ajouter à la confusion autour des objectifs de Randrianirina, la ministre d’Etat chargée de la Refondation, Hanitriniaina Razafimanantsoa, aurait déclaré urgent de rétablir l’ordre constitutionnel à Madagascar, afin d’éviter les sanctions internationales et le blocage des financements. Désormais au gouvernement, elle semble avoir retourné sa veste, son combat portant désormais sur la préservation des ressources de l’Etat. Bien que sur le terrain de sa collègue des Affaires étrangères, ses propos controversés n’ont pas été rectifiés par celle-ci. 

Le nouveau chef de l’Etat a ôté son treillis militaire au profit d’un costume de ville. Bonne chance à lui !

A l’heure de la rédaction de cet article, rien de concret n’a encore été proposé à la Gen Z, ni en termes d’accès continu à l’eau et à l’énergie, ni par rapport aux dizaines de morts qu’elle a enregistrés suite à la violente répression du mouvement social qui avait éclaté dans les rues du pays. Plutôt, le nouveau régime s’adonne à une vendetta publique envers l’ancien régime, tout en essayant de redorer son image à l’international. Mais viendra un moment où la jeunesse de la Grande Ile estimera en avoir suffisamment vu, et décidera de reprendre les choses en main.

Paul-Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)

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