MISE EN PLACE DE L’ECO : La résistance d’Alassane Ouattara pas totalement vaincue

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Réunis le 29 juin, à Abuja, au Nigeria, lors d’un Sommet de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), les chefs d’Etat ont, définitivement, mis les points sur certains « i » concernant leur future monnaie unique, qu’ils ont décidé d’appeler « ECO ». Autre décision importante : Mahamadou Issoufou, chef de l’Etat du Niger, qui supervise le processus conduisant à la mise en place de cette future monnaie commune de la CEDEAO en collaboration étroite avec son homologue du Ghana, Nana Akufo-Addo, a été porté, pour un an, à la présidence en exercice de la CEDEAO. Une position qui lui permettra de « batailler », fermement, avec le président de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, qui a dû accepter, malgré lui, la création de l’ECO du bout des lèvres, et qui a monopolisé la présidence en exercice de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) depuis 2016, afin de mieux défendre le F CFA, alors que cette présidence est annuelle et tournante.

C’est la preuve qu’il est loin d’avoir abdiqué. Ayant raison contre tout le monde, il a obtenu, chez lui, à Abidjan, lors du Sommet du 12 juillet de l’UEMOA (notre photo), qu’il soit (en quelques sorte) leur Monsieur ECO, qui puisse parler en leurs nom et place, dans les négociations et mises en place conduisant le F CFA à l’ECO. Alassane Ouattara est, donc, depuis le 12 courant de manière très officielle, le « porte parole » de l’UEMOA dans ce processus.

Il n’a pas tardé à montrer la couleur de ses orientations. Alors qu’à Abuja, le texte visant la création de l’ECO indique que cette monnaie sera liée à un panier de plusieurs monnaies (et pas uniquement à l’euro) et que sa parité serait flexible (aujourd’hui cette parité est fixe avec l’euro sous le contrôle du trésor français), Alassane Ouattara a laissé entendre que le F CFA changerait, plutôt, d’appellation en 2020, au niveau des pays membres de l’UEMOA, pour adopter l’appellation ECO, et que cette monnaie serait à parité fixe, rattachée à l’euro et au trésor français.

Si le président ivoirien a tout à fait raison de faire remarquer qu’il n’y aura pas une révolution et que le processus ira avec méthode et assurance, il va tout de même très vite en besogne quand il force la main de ses homologues de l’UEMOA en cherchant à les fourguer, à nouveau, dans le giron français d’où ils ambitionnent de sortir, en acceptant la création de l’ECO. Car si l’ECO n’est qu’une simple métamorphose du F CFA, pourquoi l’avoir donc créée ?

Très actif en ce moment, Alassane Ouattara, a fait un saut, à Paris, où il a rencontré le président français, Emmanuel Macron, le 9 juillet, pour une nème concertation de haut niveau sur cette question. Avant de tenir, à Abidjan, son fameux Sommet de l’UEMOA trois jours plus tard et la veille de la rencontre (inédite) entre Macron et le président du Ghana, Nana Akufo-Addo, vendredi, 11 juillet. Akufo-Addo et Macron ont eu tout le temps d’en parler lors d’un déjeuner en tête à tête à l’Elysée de deux heures. Qui dit mieux ?

Les pays de la CEDEAO sont en état de marche vers la mise en place de l’ECO, mais il n’est pas exclu que ce processus soit torpillé par la France qui avancerait masquée.

Nana Akufo-Addo qui a fait ses débuts comme avocat à Paris, il y a une trentaine d’années, est-il un homme influençable ? Précisément, peut-il être influencé (voire manipulé) par son homologue français qui, en tant qu’ancien banquier d’affaire, connaît là où s’arrêteraient les intérêts de la France en cas de perte du F CFA ? Tout comme « Baba Go Slow » (surnom affublé au président du Nigeria au regard du temps qu’il prend avant de se décider), il n’est pas de ceux en Afrique qui ignorent quel parcours doit, désormais, adopter le continent d’autant plus que celui-ci ne doit rien attendre de l’extérieur, comme il se plaît à le rappeler.

D’autre part, la présidence en exercice de la CEDEAO (jusqu’en juin 2020) par Mahamadou Issoufou (qui porte le processus de lancement de cette monnaie avec Nana Akufo-Addo) permet de dire qu’on ne tournera pas en rond.

Les études techniques confiées à la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et aux banques centrales du Nigeria et du Ghana, ont livré leur verdict. Le lancement de cette monnaie dépend maintenant de la volonté (politique) des chefs d’Etat, et c’est pourquoi pour ne plus refroidir cet espoir suscité auprès des populations africaines qui demandent une souveraineté monétaire, il a été décidé que l’ECO sera mise en circulation en 2020 pour ceux des pays qui auront réuni les critères de convergence (inflation à moins de 10%, endettement public au plus à 70% par rapport à son PIB, déficit inférieur ou égal à 3%, etc.). A titre d’information, Nana Akufo Addo a refusé, il y a quelques mois, un prêt d’un milliard de dollars que le FMI proposait au Ghana. Le président ghanéen avait volontairement repoussé cette offre « généreuse » de la directrice générale du FMI, la Française, Christine Lagarde. Nul doute que l’acceptation de ce prêt aurait plombé les chances du Ghana de respecter le critère de 70% d’endettement public du PIB, pour intégrer l’ECO.

L’Afrique de l’Ouest entre, incontestablement, dans la phase de conquête de son indépendance, avec la création d’une monnaie commune souveraine. Une opération qui devrait, logiquement, mettre hors course le trésor français et son fameux compte d’opération, au profit des stratégies économiques et budgétaires conçues en toute indépendance par les (seuls) pays membres.

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Mahamadou Issoufou.

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