En éjectant, le 26 juillet dernier, Mohamed Bazoum de la présidence du Niger, le patron du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), le général, Abdourahamane Tiani, devenu président de la transition, ne s’attendait probablement pas à voir tous les soutiens financiers de son pays le lâcher aussi vite. En effet, à peine quelques jours après l’officialisation de son pouvoir, le nouvel homme fort de Niamey constatait la suspension de l’aide internationale dont le montant annuel avoisine 2 milliards de dollars. Un véritable coup de massue pour le deuxième pays le plus pauvre au monde.
A l’initiative de cette décision se trouvait la France, pour des raisons largement évoquées par Afrique Education, suivie par plusieurs pays, avant tout, alliés occidentaux dont les Etats-Unis, et devenus partenaires du Niger. D’ailleurs, si l’annonce de cette mesure a été faite par le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, c’est bien parce qu’il fallait lever toute équivoque quant à l’existence d’un consensus entre les Etats membres sur la question du Niger.
Seulement, l’évolution de la situation nigérienne au fil du temps a permis de mettre en lumière les velléités de déstabilisation, jusque-là bien dissimulées, de certaines puissances étrangères à l’endroit de cette nation du Sahel. Cette prise de conscience prit forme lors de la dernière rencontre des ministres des Affaires étrangères de l’UE (Union européenne) , àToledo, le 31 août 2023. Un moment qui fut marqué par la désolidarisation du bloc vis-à-vis de la France, étant donné que certaines des nations le constituant, en particulier, le Danemark et la Suisse, décidèrent, peu de temps après, de reprendre leur coopération avec le Niger.
Dans ses accords avec Niamey portant sur la période 2023-2027, Copenhague avait promis fournir une assistance financière de 80 milliards de F CFA, alors que de son côté, Berne s’était engagée à verser 30 milliards de F CFA en 2023 au même titre. Bien que la suspension en matière de coopération avec le Niger ait été levée, elle continue de faire face à un déficit de crédibilité du nouveau régime en place. En gros, les pays donateurs redoutent que l’aide apportée pour le développement de la nation et le bien-être des Nigériens ne soit détournée. Une crainte qui peut surprendre compte tenu de la mauvaise gouvernance qui s’est opérée des décennies durant sans que ces mêmes bailleurs de fonds internationaux ne disent mot.
Toutefois, le général-président, Abdourahamane Tiani, ayant pris bonne note de ces inquiétudes, a répondu en mettant sur pied, le 20 septembre dernier, une Commission de lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale (COLDEFF) chargée de recouvrer tous les biens publics détournés ou acquis de manière illégale. La création de cet organe vise donc à rassurer les partenaires internationaux sur l’utilisation des deniers publics, mais, également, de toute aide extérieure destinée aux populations locales.
Avec la COLDEFF, toute personne ayant, de près ou de loin, porté atteinte aux intérêts du Niger devra répondre de ses actes devant les juridictions compétentes. Quoi de plus pour inciter les pays partenaires du Niger à faire confiance en la junte de Niamey ?
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)