Le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a reçu son homologue algérien, Nadir Larbaoui, ce 1er juillet, à Madrid (notre photo). Un fait important puisque l’Algérie et l’Espagne étaient en froid depuis 2022. En effet, il y a trois ans, cette dernière se prononçait en faveur de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, espérant que cela allait mettre fin aux revendications marocaines sur ses îles, Ceuta et Melilla. Une illusion qui oblige aujourd’hui les autorités de Madrid à repenser leur stratégie au Maghreb.
Depuis le 15ème siècle, Madrid et Rabat sont liés sur le plan migratoire. D’abord caractérisés par une forte émigration des musulmans espagnols vers le Maroc, après la chute de Grenade, ces liens sont devenus des mouvements de Marocains dans le sens inverse dans les années 80. Ce phénomène, qui reste d’actualité de nos jours, constitue la base du deal migratoire en vigueur entre les deux pays, pour contenir ces arrivées indésirables. Mais, cet accord n’a pas empêché le Maroc de devenir le second pays d’origine des clandestins ayant débarqué en Espagne, en 2024.
Ainsi, le bilan relatif au deal migratoire avec Rabat et la volonté marocaine de récupérer Ceuta et Melilla ont pesé lourd dans la décision de Pedro Sanchez de reconsidérer le soutien de son gouvernement dans le dossier du Sahara occidental. Ce qui permet d’en déduire que l’alignement de l’Espagne derrière le Maroc ne reposait sur rien d’autre que des intérêts de l’Etat ibérique. Par extension, on pourrait, en toute logique, se demander quels sont ceux des autres capitales de l’Union européenne à l’égard du Royaume chérifien.

L’Union européenne était prête à en découdre avec son propre tribunal (CJUE) pour avoir invalidé ses accords commerciaux avec le Maroc, pour absence de consentement des populations sahraouies, en octobre dernier. L’une après l’autre, les plus grandes capitales du bloc étaient montées au créneau pour afficher leur solidarité à Rabat. Paris les devançant en signant un partenariat stratégique de 10 milliards d’euros avec Rabat lors d’une visite d’Emmanuel Macron au royaume, en fin de mois.
Même si aucun éloignement n’est, pour le moment, acté entre le Maroc et l’Espagne, les points de friction qui existent actuellement constituent une véritable opportunité en or pour l’Algérie. Après une longue période d’isolement régional, voire international, Alger a enfin la possibilité de restaurer une partie de sa stature géopolitique auprès d’un ténor de l’UE. Et, c’est bien ce qu’il lui fallait pour pouvoir défendre sa crédibilité, et faire face aux attaques de sa voisine marocaine.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)