Alors qu’ils étaient annoncés vaincus par l’ogre marocain, le Front Polisario et l’Algérie sont toujours debout dans le dossier de la souveraineté du Sahara occidental. Clairement affaiblis par le fait que le Maroc soit parvenu à mettre au pas l’Union européenne, et par extension, l’ONU, les deux alliés n’ont pas reçu beaucoup de bonnes nouvelles lors des six premiers mois de l’année. Mais, à y voir de plus près, ce dossier n’est pas encore totalement hors de leur portée.
Le Maroc a exécuté une stratégie incroyablement bien ficelée. En effet, il s’était assuré du soutien de la totalité de ses alliés stratégiques en Europe avant fin 2024, en prélude à la séance de restitution à l’ONU des conclusions du rapport sur le droit à l’autodétermination des populations sahraouies prévue en avril dernier. Tout avait été si bien préparé d’avance, y compris le timing de la rencontre entre Nasser Bourita et Marco Rubio, à quelques jours de ladite séance (sur notre photo en avril 2025 à Washington).
Si par la suite, l’administration Trump a, via Marco Rubio, réitéré sa position initiale sur la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, c’était par pure courtoisie. Aucun média d’envergure n’avait d’ailleurs manifesté un quelconque intérêt pour l’interview accordée quelques temps plus tard à Al Arabiya et dans laquelle, Massad Boulos, l’actuel conseiller de Donald Trump pour l’Afrique et le Moyen-Orient suggérait que rien n’était joué d’avance.
Mis sous pression, Boulos avait dû ensuite se ranger afin d’éviter un incident diplomatique entre Mohammed VI et le président, Trump, celui-ci étant déjà bien embourbé dans les conflits à Gaza, en Ukraine, et à l’Est de la RD Congo. Sans compter les droits de douane. Lors du premier mandat présidentiel du milliardaire républicain, Rabat avait obtenu son statut de partenaire stratégique des Etats-Unis grâce à sa normalisation des relations avec Tel Aviv.
Le silence dont les autorités marocaines ont fait preuve depuis le début de la guerre à Gaza, en net contraste avec les autres membres de la Ligue arabe, qui font le minimum en dénonçant publiquement les dérives d’Israël, parle de lui-même. Un geste néanmoins fortement apprécié par le pouvoir américain, au point de rendre Rabat confiante sur sa capacité à faire exécuter d’autres de ses désirs par Washington DC. Une lecture erronée du personnage qu’est Donald Trump.

En voulant faire désigner le Front Polisario comme une organisation terroriste aux Etats-Unis, le royaume chérifien visait la fin de la seule organisation d’ampleur représentant les intérêts des Sahraouis. Au lieu que cette initiative, l’une des rares qui fassent l’objet d’une entente bipartisane depuis le retour de Donald Trump, atteigne son objectif, elle risque plutôt de redonner vie à un Front Polisario asphyxié, ainsi qu’à l’Algérie, en panne de recours jusque-là.
Donald Trump n’a aucun réel intérêt à décréter la mort du Front Polisario, qui est pourtant un objectif visé par le Maroc. Suivant la logique affairiste de Trump, et compte tenu des propos de Massad Boulos sur la position de Washington DC sur le Sahara occidental, le Front Polisario et l’Algérie doivent piquer sa curiosité, à l’instar d’autres Etats. Une diplomatie des affaires bien calibrée permettrait une redistribution des cartes sur ce dossier dans lequel les dés ont été pipés.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)