PRESIDENTIELLE EN COTE D’IVOIRE : Objectif du prochain président, instaurer la justice et l’équité dans le pays

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En Côte d’Ivoire, le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est fixé à 75 000 F CFA. Ce montant, censé permettre à un travailleur de vivre décemment, est dérisoire dans un pays où l’inflation grignote chaque jour un peu plus le pouvoir d’achat. Ce salaire ne suffit ni pour payer un loyer, ni pour couvrir les besoins alimentaires de base, encore moins, pour prendre en charge des frais de santé ou de scolarité. Pendant ce temps, un ministre gagne 4 millions de F CFA par mois, avec en prime une retraite à vie. Le président de la République, quant à lui, perçoit un salaire de 9 millions de F CFA, sans compter la prise en charge par l’Etat de ses frais de santé, de déplacement, de téléphone, d’électricité, d’eau et de logement.

Ce déséquilibre criant n’est pas seulement une injustice sociale. Il est une insulte à la misère populaire. Dans un pays où plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, où les hôpitaux manquent de médicaments, où les écoles sont surpeuplées, où des enfants marchent des kilomètres pour aller apprendre à lire, cette situation relève du scandale. Elle rappelle, avec une actualité frappante, les mots de Frantz Fanon dans « Les Damnés de la Terre » (Paris, Maspero, 1961). L’ouvrage dénonçait les élites postcoloniales qui, après avoir combattu l’oppression étrangère, se sont empressées de reproduire ses pires travers. La classe dirigeante ivoirienne semble ainsi s’être appropriée les privilèges d’un système colonial dont elle aurait dû se libérer, perpétuant un mimétisme nauséabond que rien ne justifie (sur notre photo, le départ du pouvoir de Ouattara ne fait plus aucun doute. Il compte aller vivre à Mougins).

Le faux modèle français et les vraies alternatives

On pourrait objecter que ce modèle d’Etat dispendieux est hérité de la France. Certes. Mais sommes-nous condamnés à le reproduire ? La France elle-même, sous la pression de sa société civile, a dû revoir à la baisse certaines pratiques excessives. Et ailleurs, d’autres exemples montrent que l’Etat peut fonctionner autrement.

En Scandinavie, les dirigeants politiques vivent de manière sobre et transparente. Ils prennent les transports en commun, paient leurs factures personnelles, et leurs salaires, bien que confortables, n’ont rien d’indécent. L’éthique du service public y est une réalité, pas un slogan. La Norvège, la Suède et le Danemark figurent parmi les pays les plus développés, les plus équitables et les moins corrompus du monde. Ce n’est pas un hasard. Il y a un lien direct entre la modestie de ceux qui gouvernent et la prospérité de ceux qui sont gouvernés.

Plus près de nous, le Ghana nous offre une leçon de rigueur. Le président, John Dramani Mahama, a récemment montré l’exemple en annulant les indemnités de carburant pour les fonctionnaires nommés par le gouvernement. Il a interdit à ses ministres les voyages en première classe, supprimé les abonnements Canal Plus à la présidence et dans les ministères, et interdit la revente des biens de l’Etat à des particuliers. Autre décision pleine de bon sens : lorsqu’un responsable public cumule plusieurs fonctions, il doit choisir un seul salaire, soit celui de ministre, soit celui de député. Une règle simple, mais profondément juste.

Ces mesures, loin d’affaiblir l’Etat, renforcent sa crédibilité et sa légitimité. Elles montrent que le pouvoir peut être exercé avec dignité, sans opulence ni gaspillage. En Côte d’Ivoire, il est temps de nous demander pourquoi nous continuons à tolérer des privilèges qui ne servent ni la justice, ni l’efficacité.

Quand l’Etat se gave et le peuple survit

Une poignée d’individus vivent dans un luxe insolent grâce à l’argent public, pendant que la majorité peine à assurer sa survie quotidienne. Le contraste est d’autant plus insupportable que ces « serviteurs de l’Etat » ne produisent souvent aucun résultat tangible. Les infrastructures sont délabrées, les campagnes sont abandonnées, les jeunes sont désœuvrés, les enseignants et les agents de santé sous-payés.

Les tractations pour le choix du candidat du RHDP vont bon train, Alassane Ouattara n’étant pas candidat à un 4e mandat inconstitutionnel.

Comment justifier, dans ce contexte, des retraites dorées à vie pour des ministres qui n’ont parfois passé que quelques mois en fonction ? Comment admettre que l’Etat continue à payer des villas de fonction, des voitures de luxe, des factures privées, pendant que des mères accouchent à la lumière du téléphone portable dans des centres de santé sans électricité ? Comment accepter que l’impôt du petit commerçant finance les soins médicaux à l’étranger de hauts fonctionnaires qui, eux, n’ont rien fait pour améliorer le système de santé national ?

Ce système de prédation légalisée n’a rien d’une république. Il constitue une oligarchie déguisée, où les élites s’enrichissent sur le dos d’un peuple qu’elles méprisent en silence. Tant que nous n’aurons pas le courage de remettre en question cette architecture de privilèges, la démocratie ne sera qu’un masque pour dissimuler une réalité profondément inégalitaire.

Une exigence pour octobre 2025 : sobriété, justice, transparence

A l’approche de l’élection présidentielle de 2025, le débat sur le train de vie de l’Etat doit être mis au centre des préoccupations citoyennes. Il est temps que les électeurs exigent des candidats des engagements clairs, chiffrés et contraignants pour mettre fin à cette dilapidation des ressources publiques.

Nous ne voulons plus d’un Etat qui entretient une minorité de privilégiés pendant que la majorité vit dans l’indignité. Nous voulons des dirigeants qui comprennent que le pouvoir n’est pas un privilège mais une responsabilité. Que servir le pays ne doit pas être une source d’enrichissement personnel, mais un devoir civique exercé avec sobriété.

Voici quelques mesures concrètes que les futurs candidats pourraient promettre :

*Réduction de 50 % des salaires des ministres, parlementaires et hauts fonctionnaires.

*Suppression des retraites à vie pour les ministres.

*Fin des prises en charge personnelles (électricité, téléphone, eau, logement) pour les responsables publics.

*Interdiction des voyages en première classe et des séjours de luxe à l’étranger.

*Publication annuelle des dépenses de la présidence et de tous les ministères.

*Obligation de choisir un seul salaire en cas de cumul de fonctions.

Il n’est pas exclu que le prochain président de la République soit sur cette photo.

Ce sont là des mesures de bon sens, attendues depuis longtemps par une population fatiguée des promesses creuses. Il ne s’agit pas de populisme ni de vengeance sociale, mais de justice républicaine. A quoi sert une démocratie si elle ne garantit pas un usage équitable de l’argent public ?

Frantz Fanon écrivait : « Chacun doit accepter de payer pour un avenir nouveau, pour une dignité retrouvée. » La Côte d’Ivoire doit tourner la page du luxe étatique indécent. Le pays a besoin d’un Etat juste, sobre, efficace. Les candidats de 2025 sont devant un choix clair : se montrer à la hauteur de l’histoire ou perpétuer une injustice intenable. Le peuple, lui, regarde. Et, cette fois, il n’oubliera pas.

Jean-Claude Djéréké

Est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

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