COTE D’IVOIRE : Bon vent à l’Université internationale de Divo.

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C’est à l’école primaire catholique de Divo que nos chemins se sont croisés pour la première fois. Lui était originaire de Guébié, moi de Tékpalilié, mais tous deux, nous étions fils du même canton Abohiri. A cette époque encore, aller à l’école, c’était faire le pari d’un avenir meilleur. C’était choisir de sortir de l’ombre, s’ouvrir au monde, tout en espérant pouvoir, un jour, revenir vers les siens et leur tendre la main.

Dans « L’Aventure ambiguë » de Cheikh Hamidou Kane, la Grande Royale parvient à convaincre les Diallobé d’envoyer leurs enfants à l’école des Blancs, malgré leur crainte que cela les éloigne de leur culture. Il fallait pourtant apprendre, comme elle le disait, « l’art de lier le bois au bois » – autrement dit, s’instruire pour mieux construire. Cette sagesse animait les prêtres de la Société des missions africaines, bâtisseurs de notre école, et elle résonnait en chacun de nous, élèves venus de divers horizons, de toutes les confessions et de toutes les couches sociales. Je me souviens notamment de notre camarade, Mohammed Coulibaly, fils du préfet, Sadio Coulibaly, un musulman pieux et rigoureux. L’école était alors un creuset d’unité, un lieu où l’on croyait dur comme fer qu’apprendre, c’était devenir utile, pour soi, pour les autres, pour la nation.

Des chemins divergents, une mémoire commune

Chacun prit sa voie après l’obtention du certificat d’études primaires et élémentaires. Pour ma part, ce fut le Petit séminaire Saint-Dominique Savio de Gagnoa. Jean-Pierre, lui, poursuivit son parcours à travers plusieurs établissements : le Collège Ehoulé James de Divo, le lycée professionnel commercial de Yopougon, l’INSET d’Abidjan et, enfin, l’Académie de Nice en France.

Mais, au-delà de ce cursus, c’est dans le Mouvement des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (MEECI) que Jean-Pierre a nourri ses premières convictions sociales et politiques. Ce mouvement, autrefois, très influent, lui permit de fréquenter de hauts cadres du PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire, au pouvoir), de s’initier aux réalités nationales et aux stratégies d’influence, tout en gardant ses distances avec les ambitions personnelles. Contrairement à bien d’autres qui voyaient en la politique une voie d’ascension sociale, Jean-Pierre semblait davantage intéressé par le service que par le pouvoir.

C’est plusieurs années plus tard que nos routes se sont recroisées. Jean-Pierre était alors à la tête d’une entreprise de construction prospère. Il était aussi proche de Laurent Dona Fologo, ce fidèle parmi les fidèles d’Houphouët-Boigny à qui le vieux sage de Yamoussoukro confiait des missions sensibles, y compris, dans une Afrique du Sud encore marquée par l’apartheid. Lui qui avait une femme blanche de la région de Lille devait montrer aux racistes sud-africains comment un Noir et une Blanche arrivaient à vivre ensemble dans le bonheur.

Un homme d’action tourné vers l’essentiel

Jean-Pierre Dago aurait pu, comme tant d’autres, profiter de sa réussite pour s’installer dans le confort discret de sa réussite personnelle, vivre heureux avec sa famille, à l’abri du besoin. Mais, c’est un autre chemin qu’il a choisi, plus exigeant, plus noble aussi : celui du service à sa communauté.

Au lieu de briguer des mandats électifs – député, maire ou ministre – fonctions souvent recherchées pour la visibilité et les privilèges qu’elles procurent, il a préféré l’ombre à la lumière, l’efficacité à la parole. Sa discrétion, que certains pourraient prendre à tort pour de la réserve, révèle en réalité une posture profondément éthique : la posture de celui qui agit sans fanfare, sans chercher la reconnaissance publique, mais, en pensant aux générations futures.

C’est ainsi que l’Université internationale de Divo a vu le jour. Fruit d’un engagement personnel, d’un rêve de transmission et de transformation, cette université n’est pas seulement un ensemble de bâtiments. C’est un message d’espoir, une réponse concrète à l’urgence de former la jeunesse, de la préparer à relever les défis de demain, en restant enracinée dans sa culture et ouverte au monde.

Un leadership fondé sur le partage et la solidarité

En créant cette université, Jean-Pierre Dago incarne un nouveau type de leadership, aux antipodes du carriérisme, du culte de soi et de la recherche effrénée du pouvoir. Il rejoint, dans ses convictions et dans ses actes, les mots lumineux du Français Raoul Follereau : « Personne n’a le droit d’être heureux tout seul. » Follereau disait aussi :

« Vivre, c’est aider à vivre. Il faut créer d’autres bonheurs pour être heureux. » Et Jean-Pierre l’a bien compris : lutter contre l’ignorance, c’est offrir à d’autres la possibilité de vivre mieux, de sortir de la misère, de rêver grand. Former la jeunesse, ce n’est pas seulement transmettre un savoir technique, c’est aussi éduquer l’esprit, éveiller les consciences, bâtir des ponts entre les hommes et les peuples.

Ce type de démarche force le respect car il s’inscrit dans une vision à long terme, là où la politique électorale se contente souvent de promesses creuses et d’actions éphémères. Il témoigne également d’une humilité sincère. Ceux qui côtoient Jean-Pierre parlent d’un homme accessible, simple, disponible. Ce ne sont pas là des mots en l’air, mais, des témoignages qui traduisent une posture intérieure, une philosophie de la vie tournée vers le don.

A tout seigneur tout honneur : le promoteur de l’Université Internationale de Divo Jean-Pierre Dago

Un modèle inspirant pour la Côte d’Ivoire et l’Afrique

A l’heure où l’Afrique a plus que jamais besoin de repères, où la jeunesse cherche des modèles, Jean-Pierre Dago se présente comme une figure rare et précieuse. Sans discours flamboyants ni carrières politiques spectaculaires, il agit concrètement pour changer les choses. Et cela mérite d’être salué.

En mettant son énergie, ses moyens et sa discrétion au service de l’éducation, il contribue à forger les bâtisseurs de demain. Il honore, sans le dire, cette promesse faite dans notre enfance à l’école catholique de Divo, celle d’apprendre pour mieux servir.

Aujourd’hui, je voudrais lui rendre hommage et souhaiter bon vent à l’Université internationale de Divo. Car, derrière ses murs, c’est une vision du monde qui prend forme. Une vision faite de solidarité, de responsabilité, d’espoir et d’humanité.

Jean-Claude DJEREKE 

Professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

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