En réaction à la nomination d’Evariste Ndayishimiye, le président du Burundi, comme envoyé spécial de l’Union Africaine (UA) pour le Sahel, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a, de nouveau, tendu la main à ses trois voisins sous-régionaux de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Ayant perdu son influence au Sahel, il avait, en vain, tenté de la rétablir, avant que des tensions avec le Mali et le Niger ne court-circuitent ses efforts, et le mettent en porte à faux avec le trio. L’implication à venir de son homologue du Burundi est une complication supplémentaire à cet objectif qu’il s’était assigné.
Bien qu’il n’en soit pas à sa première proposition du genre, le président algérien n’a pas encore mis la croix sur son offre de médiation adressée au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Celle-ci n’avait retenu l’attention du Niger, ni du Mali, en particulier, avec qui les liens diplomatiques sont dans un gel polaire assumé dans les deux camps. En cause, des actes d’hostilité dont Bamako se plaint, tels que la protection accordée aux rebelles touareg du Nord, qualifiés de simples opposants par Alger, et plus récemment, l’affaire du drone militaire détruit à la frontière.
Dans la même veine, les vagues de refoulements dans le désert de migrants clandestins, dont la plupart sont des ressortissants nigériens en situation de vulnérabilité, orchestrées par l’Algérie ne sont pas de nature à favoriser le développement de bons rapports entre les deux nations voisines. Même s’il faut, quand même, rappeler qu’en fin novembre 2023, le Comité national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) avait décriminalisé le trafic illicite de migrants, faisant ainsi du pays un point de passage sans risques pour tout aventurier visant la traversée vers l’Europe.
Ces arrivées massives et incontrôlées, qui finissent en Algérie, peuvent, en partie, expliquer pourquoi le président, Tebboune, refoule, systématiquement, des dizaines de milliers d’Africains, en violation des dispositions du droit humanitaire international. Face à tout ce passif que traîne le leader algérien avec le Bloc de l’AES, regagner de l’influence sera un véritable casse-tête. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle dans son appel du pied, il a, cette fois, indirectement, visé la France, sachant qu’elle fait, actuellement, figure d’épouvantail pour les quatre parties concernées.

Mais, cela suffira-t-il à restaurer l’influence d’Abdelmadjid Tebboune dans le Sahel ? Rien n’est moins sûr. Surtout qu’à côté de lui, entrera en scène le chef d’Etat du Burundi, Evariste Ndayishimiye, dont la mission sera de convaincre le Malien, Assimi Goïta, le Nigérien, Abdourahamane Tiani, et le Burkinabè, Ibrahim Traoré, de mettre fin à leur politique d’isolement. Doté d’une expérience similaire en matière de gestion de crise sécuritaire, le président burundais pourrait prononcer les mots justes, que d’autres avant lui n’ont pas su trouver, comme les leaders sénégalais et ghanéen.
Etant lui-même militaire, dépourvu de tout passif dans la région sahélienne, il détient peut-être la clé de la réconciliation que l’UA souhaite voir se réaliser. Le choix de l’entité continentale africaine de l’envoyer auprès de l’AES révèle la volonté claire de prévenir toute division dans le continent africain, à un moment où les enjeux géopolitiques n’ont, probablement, jamais été aussi importants, et où seule une Afrique unie sera capable de faire face à ses nombreux ennemis.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)