La première conférence des ministres des Affaires étrangères de l’Alliance politique africaine (APA), un cadre informel de coopération renforcée, s’est tenue le 03 mai 2023, à Lomé, en République togolaise. La cérémonie d’ouverture et les travaux de la conférence ministérielle ont été présidés, respectivement, par Victoire TOMEGAH-DOGBE, premier ministre de la République togolaise, et le professeur, Robert DUSSEY, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’extérieur. Ont participé aux travaux de la conférence les ministres des Affaires étrangères et chefs de délégations des pays ci-après : la République d’Angola, le Burkina-Faso, la République centrafricaine, la République gabonaise, la République de Guinée, l’Etat de Libye, la République du Mali, la République de Namibie, la République unie de Tanzanie et la République togolaise.
Dans son discours d’ouverture, Victoire TOMEGAH-DOGBE a rappelé les défis actuels du continent qui ont amené le Togo a lancé l’idée de l’Alliance politique africaine (APA). Au nom de Faure Essozimna GNASSINGBE, président de la République togolaise, le premier ministre a indiqué que cette initiative togolaise répond au besoin géopolitique et diplomatique pour l’Afrique de revoir qualitativement et significativement sa relation avec le reste du monde pour sa meilleure représentativité au sein des institutions multilatérales d’actions collectives et dans la gouvernance mondiale. Les défis sont grands et invitent à sortir des sentiers battus dans un contexte géopolitique mondial, qui exige de chaque continent une adaptation plus rapide aux évolutions du monde.
Les ministres ont salué l’initiative togolaise de lancement de l’Alliance politique africaine qui permettra, par-delà les cadres habituels de coopération existants, de fédérer les nations africaines, qui sont convaincues des idéaux du panafricanisme et déterminées à œuvrer pour une Afrique décomplexée, politiquement forte, non-alignée, indépendante et agissant de façon souveraine sur la scène internationale (sur notre photo, la Une du numéro 520 de mai 2023 d’Afrique Education en vente chez les bons marchands de journaux et sur la boutique du site internet du magazine. Ce numéro traite du panafricanisme et des Etats-Unis d’Afrique, deux idées chères au colonel Kadhafi, et qui ont nourri les débats à Lomé. Numéro à lire à tout prix).
Les ministres ont échangé sur les défis et les perspectives relatifs au positionnement stratégique, à la souveraineté et à l’expression des positions communes de l’Afrique sur la scène internationale, examiné les enjeux et les défis actuels du panafricanisme et de la renaissance africaine, les défis du renforcement de la coopération et des capacités endogènes de riposte contre le terrorisme, ainsi que, les principaux axes de coopération et les contours institutionnels de l’Alliance politique africaine. L’examen de ces différentes questions inscrites à l’agenda de la première conférence ministérielle a débouché sur les conclusions suivantes :
Les ministres ont déploré la sous-représentativité de l’Afrique dans les institutions multilatérales de gouvernance mondiale en commençant par les Nations-Unies et ont souligné qu’il est aujourd’hui inacceptable que l’Afrique, qui rassemble à elle seule quasiment 28% des Etats membres des Nations-Unies, n’ait pas de représentant permanent disposant de droit de véto au Conseil de sécurité.
Les ministres ont salué les différentes initiatives africaines aux fins de la réforme des institutions multilatérales et de l’amélioration de la gouvernance mondiale et rappelé le « Consensus d’Ezulwini » et la « Déclaration de Syrte » réaffirmés à plusieurs occasions relative à la position commune africaine sur la réforme du Conseil de sécurité demandant l’attribution à l’Afrique de deux (2) sièges de membre permanent avec tous les privilèges y compris le droit de veto, ainsi que, de cinq (5) sièges de membre non-permanent au Conseil de sécurité.
Les ministres ont regretté le manque de progrès dans la dynamique de réforme au sein de l’institution onusienne, notamment, au niveau du Conseil de sécurité, et invité les cinq membres permanents à jouer, chacun en ce qui lui concerne, sa partition à l’effet de faire avancer le processus de réforme.
Les ministres ont souligné la nécessité pour l’Afrique de se constituer en une force politique indépendante, souveraine, s’autodéterminant politiquement et agissant en toute liberté sur la scène internationale. Ils ont salué l’ambition de l’Union africaine, dès sa création, d’œuvrer à l’avènement d’une « Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale» et affirmé leur attachement au principe de non-alignement posé en 1963 par la défunte Organisation de l’unité africaine (OUA) comme étant l’un des principes essentiels devant structurer le rapport des pays africains nouvellement indépendants avec le reste du monde.
Les ministres ont, également, souligné la nécessité pour l’Afrique de s’émanciper de toute tutelle étrangère, quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne, et d’œuvrer à se préserver des influences et ingérences extérieures, qui sont, parfois, des facteurs de crises et d’instabilité sur le continent.
Les ministres ont relevé les différents leviers dont disposent l’Afrique et ses pays, qui peuvent être mobilisés dans la volonté du continent d’exercer au mieux sa souveraineté sur la scène internationale. Ils ont, notamment, identifié le potentiel économique du continent comme un outil d’affirmation de sa souveraineté sur la scène internationale.
Les ministres ont, également, relevé la nécessité pour les nations africaines de concilier, dans l’intérêt du continent et de tous, leurs impératifs nationaux et l’exigence de tenir des positions communes sur la scène internationale. Ils ont réaffirmé leur attachement aux positions communes africaines et au principe d’unité d’action aux fins de répondre au besoin de parler d’une seule voix et d’agir collectivement pour promouvoir des intérêts communs africains sur la scène internationale.
Les ministres ont rappelé les conditions historiques d’émergence du panafricanisme et le rôle déterminant que le mouvement a joué dans le processus d’émancipation du continent et l’accès majoritaire des nations africaines à l’indépendance dans la seconde moitié du XXè siècle.
Les ministres ont salué le regain d’intérêt actuel pour le panafricanisme en Afrique et au sein des diasporas africaines. Ils ont relevé le rôle catalyseur que les diasporas africaines avaient joué dans le cadre du panafricanisme pour la dignité des peuples d’Afrique et souligné qu’ils demeurent persuadés que le panafricanisme reste le cadre privilégié de consolidation des liens et de l’unité d’action entre le continent et ses diasporas.
Les ministres ont noté que tout l’intérêt pour le panafricanisme aujourd’hui en Afrique réside dans la prise de conscience renouvelée que ce n’est qu’en étant unis que le continent pourra véritablement prendre part à la gouvernance mondiale.
Les ministres ont affirmé être convaincus, dans le contexte actuel où l’Afrique peine à faire entendre sa voix sur la scène mondiale, que la renaissance africaine n’est possible que dans le cadre d’un panafricanisme renouvelé et adapté aux enjeux et défis des temps présents. Les ministres ont souligné que le temps actuel doit être celui des ruptures et relevé que la renaissance africaine passe par une émancipation idéologique, épistémologique, intellectuelle, culturelle, au plan de représentation symbolique, politique et économique de l’Afrique de l’emprise étrangère.
Les ministres ont examiné les défis politiques actuels et à venir du panafricanisme et relevé que l’unité politique du continent reste l’horizon politique futur inévitable de l’Afrique dans un contexte historique où la dynamique est aux grands regroupements régionaux ou continentaux.
Les ministres ont noté avec préoccupation l’expansion de la menace terroriste et la dégradation de la situation sécuritaire dans les différentes régions du continent, notamment, au Sahel, en Afrique de l’Ouest, dans le Bassin du Lac Tchad et dans la région de la Corne de l’Afrique. Ils ont fermement condamné les attaques répétées des groupes armés terroristes au Mali et au Burkina Faso, ainsi que, leurs incursions dans la partie septentrionale du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Togo.
Les ministres ont apporté leur plein soutien aux pays confrontés aux attaques terroristes et souligné que les interventions militaires étrangères dans la lutte contre le terrorisme ne contribueront pas à endiguer le fléau du terrorisme et à garantir la sécurité et la stabilité collectives sur le continent sans des efforts de coopération et d’actions conjointes dans l’optique d’un exercice endogène des responsabilités propres à l’Afrique. Ils ont souligné qu’une Afrique souveraine ne peut laisser sa sécurité aux mains des armées étrangères.
Les ministres ont convenu de la nécessité pour les nations africaines de renforcer leurs liens de solidarité et leurs relations de coopération dans la riposte contre les groupes armés terroristes et/ou non étatiques. Ils ont relevé l’exigence de mutualiser les moyens financiers, techniques, logistiques et humains dans les ripostes régionales et africaines contre le terrorisme.
Les ministres ont également convenu de la nécessité pour les nations africaines d’explorer les voies endogènes de financement de la lutte contre le terrorisme. Ils se sont par ailleurs réjouis de la dynamique positive portée par l’UA qui a abouti à la signature, le 02 novembre 2022, à Pretoria, en Afrique du Sud, d’un accord de paix qui a mis fin à la guerre en Ethiopie.
Les ministres ont exprimé leurs vives préoccupations face à la dégradation de la situation politique et sécuritaire au Soudan marquée, depuis le 15 avril, par des affrontements entre l’armée et les forces paramilitaires. Ils ont salué les efforts de médiation de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), de l’Union africaine et de la communauté internationale, et invité les deux parties belligérantes à la cessation de ces hostilités qui éloignent le pays des vraies batailles telles que celle du développement.
Les ministres ont convenu de la pertinence d’aller vers la formalisation de l’Alliance politique africaine qui servira, de façon périodique, à leurs pays de cadre de concertation, de dialogue politique et d’actions communes fondé sur les liens historiques de fraternité et les principes d’égalité souveraine des Etats, d’indépendance, d’interdépendance et d’unité d’action.
Les ministres ont décidé de la création d’un Comité de haut niveau présidé par le Togo chargé de travailler sur les textes fondateurs de référence, les principaux axes de coopération et les contours institutionnels de l’Alliance politique africaine.
Le Comité de haut niveau, composé du Mali, de la Namibie, de la République centrafricaine, de la Tanzanie, du Gabon, de la Libye et du Togo, est appelé à finaliser dans une période de six (06) mois des projets de documents fondateurs de référence, d’axes de coopération et de contours institutionnels de l’Alliance politique africaine.
Les ministres ont décidé de tenir la prochaine conférence ministérielle de l’Alliance politique africaine à une date à confirmer ultérieurement en République togolaise.