L’Assemblée nationale algérienne a élu, mercredi, 24 octobre, son nouveau président, mais, le sortant, en conflit ouvert avec la majorité parlementaire, se proclame légalement toujours en fonction, laissant craindre un possible imbroglio institutionnel.
Appelé à la rescousse, le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, a refusé d’arbitrer ce combat entre ses parlementaires, qui, en réalité, était de trop pour lui. Il a fait comme si de rien n’était alors que les appels du président de l’Assemblée sortant se voulaient pressants.
Finalement, Mouad Bouchareb (notre photo), 47 ans, a été élu, sans surprise, président de l’Assemblée populaire nationale (APN), par 320 voix et une abstention. Il était, jusqu’ici, chef du groupe parlementaire du Front de libération nationale (FLN), parti du chef de l’Etat, qui détient 161 des 462 sièges à la Chambre basse (Assemblée nationale).
Unique candidat, il était, également, soutenu par les 100 députés du Rassemblement national démocratique (RND) du premier ministre, Ahmed Ouyahia, et par ceux des autres partis de la majorité présidentielle.
Le président sortant, Saïd Bouhadja, 80 ans, lui-même, membre du FLN, a martelé qu’il « reste et demeure le président légal et légitime de l’APN » et dénoncé une « atteinte » à « l’état de droit », à « la séparation des pouvoirs » et au « respect des institutions ».
Selon la Constitution, « le président de l’APN est élu pour la durée de la législature » et aucune procédure légale de destitution n’est prévue.
Les députés de la majorité ont, donc, argué de « l’incapacité » de Saïd Bouhadja à « assurer ses fonctions, du fait de son désaccord avec les députés et son refus de démissionner » pour constater « la vacance » du poste.
Selon la constitutionnaliste, Fatiha Benabbou, le constat de vacance « n’a pas été établi juridiquement selon les règles » et Saïd Bouhadja reste « légalement le président » de l’APN.
« Nous risquons de nous retrouver avec deux présidents » à l’APN, « un président légal et un président de fait », a indiqué cette professeure de droit à l’Université d’Alger, « c’est une situation délirante ».
L’accusant de « mauvaise gestion », cinq partis de la majorité, dont le FLN et le RND, exigent, en vain, depuis fin septembre, la démission de M. Bouhadja, élu en 2017 par l’APN issue des législatives.
Ahmed Ouyahia et le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, ont réclamé, publiquement, son départ.
Durant un mois, les Algériens ont assisté par médias interposés aux passes d’armes entre Saïd Bouhadja et ses détracteurs, une situation rare en Algérie, où la discipline au sein de l’ex-parti unique et de l’appareil d’Etat est, généralement, la norme.
M. Bouhadja a attribué ses déboires à sa décision de limoger, fin septembre, le secrétaire général de l’APN, réputé proche de certains caciques du FLN, mais, les motifs réels de cette crise restent flous et toutes sortes d’hypothèses ont été avancées.
L’opposition a fustigé de son côté une lutte de clans.
Le chef du groupe parlementaire du Mouvement de la société pour la paix (34 députés), Ahmed Sadok, de son côté, a dénoncé « des mesures illégales pour changer le président » de l’APN, tandis que son homologue du Front des forces socialistes (FFS, 14 députés), Saddek Slimani, s’est insurgé contre « un putsch politique ».
Quant au Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, 9 députés), il a qualifié le scrutin de « coup d’état contre l’institution législative » perpétré « sur instruction de l’exécutif ».