BENIN : Décès du professeur Paulin Hountondji (l’un des plus grands philosophes africains)

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Grand penseur béninois,  et l’un des pionniers de la philosophie (authentiquement) africaine (avec d’autres comme le Camerounais, Marcien Towa, le Sénégalais, Cheikh Anta Diop),  le professeur, Paulin Hountondji, est mort, vendredi, 02 février 2024, des suites de maladie, à l’âge de 82 ans. J’avais eu le plaisir de le rencontrer, à Cotonou, pour la première fois, en 1990, un moment que je n’oublierai jamais.

Je me suis entretenu avec le professeur, Paulin Hountondji, pour la première fois, à Cotonou, en mai 1990. Pour le compte de mon employeur de l’époque (Radio France internationale), j’avais choisi de finir par le Bénin, une tournée africaine qui m’avait, successivement, conduit au Sénégal, au Togo, en Côte d’Ivoire, et en Guinée. Devant lancer la rubrique « Education – Formation » à Média France Intercontinent (MFI), l’agence de presse écrite de RFI, et la chronique « Education » à l’antenne du Service Afrique, une mission d’un mois me fut accordée pour rassembler suffisamment d’éléments écrits et sonores pour le bon démarrage de ce travail.

Le Bénin fut ma dernière escale où je pus rencontrer le premier ministre de transition, Nicéphore Soglo, qui m’accorda une interview pour le compte du magazine, Africa International, où j’étais, également, collaborateur. L’interview enregistrée dura une vingtaine de minutes, mais très bavard, le premier ministre, Nicéphore Soglo, mit plus de trois quarts d’heure à m’expliquer certaines choses, debout, en me raccompagnant.

C’est pendant ce voyage que je rencontrai, pour la première fois, le professeur, Paulin Hountondji. Je l’avais prévu dans mon agenda. Il était le ministre de l’Education nationale dans le gouvernement de transition. Son cabinet me donna rendez-vous vers 18 heures, en début de soirée. Mais il n’arriva à son bureau où je l’attendais que vers 20 heures passées. Il s’excusa après avoir expliqué son gros retard par d’interminables conseils de cabinet, qui n’en finissaient pas à cause des gros problèmes à résoudre que le gouvernement de transition avait trouvés. Il avait entendu parler de mon ouvrage, « Enseignement supérieur en Afrique noire francophone – la catastrophe » que je venais de publier aux éditions L’Harmattan en décembre 1988, mais, il ne l’avait pas encore lu. Il me demanda, alors gentiment, de le dédicacer avant de lui donner l’exemplaire que je lui avais gardé, ce que je fus avec grand plaisir. Il m’accorda une longue interview pour MFI et RFI. Je fus très content de mon séjour au Bénin où j’avais pu rencontrer le premier ministre et le ministre de l’Education nationale.

Quatre ans plus tard, je rencontrai, une deuxième fois, le professeur, Paulin Hountondji. Cette fois, il n’était plus ministre de l’Education, mais conseiller au Cabinet du président de la République, Nicéphore Soglo. Car entretemps, ce dernier se présenta à l’élection présidentielle qu’il gagna haut la main devant Mathieu Kérékou, le président sortant mis à la touche lors de la Conférence nationale souveraine des 19 au 28 février 1990. A cause de la politique politicienne, Paulin Hountondji n’était plus à l’Education, mais, le président le conserva à ses côtés à la présidence de la République. J’étais à Cotonou pour présenter les avancées sur le Colloque « Education, Formation, Emploi : Quelles stratégies pour l’Afrique » dont j’avais parlé au président, lors de son dernier séjour à Paris, et que je me proposais d’organiser au Bénin. Il m’avait donné son accord pour que ce colloque se tienne sous sa présidence et avait recommandé que j’invite les « Gros ». A la question de savoir ce qu’il entendait par « Gros », il me lista quelques noms de gros bailleurs de fonds et partenaires au développement incontournables dans le financement de l’éducation en Afrique. Je venais donc lui faire le compte-rendu de ce travail abattu, en juillet 1994, soit, deux mois avant le colloque qui devait se tenir en septembre 1994. Etant, désormais, mon propre employeur via la revue Afrique Education que j’avais créée en mai 1993, en France, j’eus comme partenaire local non pas Paulin Hountondji qui avait quitté le ministère de l’Education, mais, Karim Dramane.

A cause des horaires de travail très surchargés du président de la République, Paulin Hountondji n’arriva pas à obtenir que je le rencontre, mais, promit qu’il allait, fidèlement, lui transmettre mon message, comme il fallait que je rentre en France, le soir même par un vol Air Afrique.

En septembre 1994, le Colloque connut un grand succès mais le président, en voyage, aux Emirats arabes unis, fut représenté par Désiré Vieyra, ministre d’Etat chargé de la Défense et chargé de l’intérim du président de la République, qui présida la cérémonie d’ouverture du Colloque. Pour des raisons compréhensibles, Paulin Hountondji fut absent lors de cette cérémonie d’ouverture. Il le fut, également, lors de la clôture du Colloque que coprésidèrent les ministres de l’Education nationale, Karim Dramane, et du Travail, de l’Emploi et des Affaires sociales, Koubourath Osséni. Je compris que la politique telle qu’il l’avait imaginée, commençait à avoir raison de lui, l’intellectuel hors pair.

Le professeur, Paulin Hountondji, était un intellectuel que je respectais, profondément, pour le philosophe qu’il était, pour ce qu’il avait fait pour le Bénin et l’Afrique (il est de ceux qui rendirent souveraine la Conférence nationale de février 1990 au grand mécontentement du président Mathieu Kérékou) et, aussi, pour ce qu’il fut empêché de faire pour transformer la société béninoise.

Professeur, Paulin Hountondji, va en paix et que la terre te soit légère. Ton œuvre compte beaucoup de disciples et d’aspirants.

Professeur Paul TEDGA

Docteur des facultés françaises de droit et d’économie (1988)

Auteur de sept ouvrages

Fondateur (en France) de la revue Afrique Education (1993)

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