Parmi les figures emblématiques de la lutte pour la dignité et la souveraineté de l’Afrique, des noms comme Sékou Touré, Kwame Nkrumah, Modibo Keïta, Julius Nyerere, Robert Mugabe, Mu’ammar Kadhafi, ou encore, Thomas Sankara, résonnent, encore, avec puissance. Ils ont, chacun, à leur manière, incarné les espoirs d’un continent en quête de libération, d’unité et d’indépendance véritable.
Aujourd’hui, dans un contexte mondial en pleine mutation, une nouvelle figure émerge et semble raviver cette flamme panafricaine : le capitaine, Ibrahim Traoré, président de la transition du Burkina Faso. Il s’impose peu à peu comme le symbole d’une Afrique debout, digne et affranchie des tutelles imposées.
Une génération héritière des grands leaders panafricanistes
Les années post-indépendance ont vu naître une génération de leaders africains visionnaires, porteurs d’un idéal panafricain. Sékou Touré a été l’un des premiers à refuser le néocolonialisme en disant « non » à de Gaulle, le 28 septembre 1958. Kwame Nkrumah a rêvé des Etats-Unis d’Afrique. Julius Nyerere a prôné l’ujamaa (mot swahili signifiant famille au sens large ou fraternité) et l’unité africaine. Thomas Sankara a incarné l’intégrité, l’autosuffisance et la révolution populaire. Le Malien, Modibo Keïta, croyait en la jeunesse comme force motrice du changement et en une Afrique capable de tracer sa propre voie, libre de toute domination (cf. Jean-Claude Djéréké. « Héros et héroïnes africains », Philadelphia, Ekwadi Publishing Services, 2024).

Ces leaders partageaient une même volonté : libérer l’Afrique, non seulement, du joug colonial, mais aussi, des chaînes mentales et économiques du néocolonialisme. Avec la disparition progressive de cette génération, le continent semblait orphelin d’une voix forte capable de défendre ses intérêts sans ambiguïté. L’émergence d’Ibrahim Traoré intervient ainsi comme un tournant historique. A seulement 34 ans lors de sa prise de pouvoir, il est devenu l’un des plus jeunes chefs d’Etat au monde, mais aussi, l’un des plus écoutés sur le continent.
Ibrahim Traoré : Le symbole d’une Afrique décomplexée
Depuis son accession au pouvoir en septembre 2022 à la suite d’un coup d’état militaire, Ibrahim Traoré n’a cessé de surprendre. Refusant les logiques de soumission traditionnelles, il a affirmé haut et fort son désir de rompre avec l’ordre ancien, de bâtir un Burkina Faso souverain et, par extension, une Afrique nouvelle. Dans ses discours, comme dans ses actes, il incarne une jeunesse africaine qui en a assez d’attendre, une génération prête à prendre en main son destin.
Sous son leadership, le Burkina Faso a entrepris des réformes audacieuses : renforcement de la coopération Sud-Sud, diversification des partenariats internationaux, recentrage sur les intérêts nationaux, volonté de se libérer de l’emprise des anciennes puissances coloniales. Mais, au-delà des actes politiques, c’est un état d’esprit que promeut le capitaine Traoré : celui de la fierté d’être africain, celui de l’audace de croire en ses propres forces.
Une Afrique qui compte sur elle-même
Le message principal d’Ibrahim Traoré est clair : l’Afrique ne peut se développer que si elle croit en elle-même. Il encourage la jeunesse à se former, à produire, à innover. Il appelle à la valorisation des ressources locales, à la maîtrise de la chaîne de valeur, à la souveraineté alimentaire et énergétique. C’est une rupture avec le modèle de dépendance hérité de la colonisation, où l’Afrique exporte des matières premières brutes pour importer des produits finis.
Dans plusieurs prises de parole publiques, Traoré a martelé : « Nous devons produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons». Ce leitmotiv, s’il rappelle les idéaux de Sankara, il est toutefois actualisé dans un contexte mondial où les enjeux géopolitiques, écologiques et économiques imposent une réinvention des modèles de développement. En cela, Ibrahim Traoré incarne bien plus qu’un chef d’Etat burkinabè. Il est devenu le porte-voix d’une Afrique fatiguée d’être l’arrière-cour du monde, une Afrique décidée à devenir une force à part entière sur l’échiquier international.
Une figure admirée au-delà du continent
Le 8 mai 2025, Ibrahim Traoré a été accueilli en Russie avec tous les honneurs d’un chef d’Etat respecté. Cette visite, fortement, médiatisée, a marqué un tournant symbolique : pour la première fois depuis longtemps, un dirigeant africain a été acclamé à l’étranger non pas comme un partenaire subalterne, mais, comme un leader d’opinion, un interlocuteur stratégique. La foule présente, les échanges avec les hauts responsables russes, et surtout, le ton égalitaire des discussions ont démontré que l’image de l’Afrique est en train de changer.
Cet accueil triomphal témoigne de l’admiration que certains pays du Sud, mais aussi, d’autres puissances, portent à une Afrique qui affirme son identité. Traoré, par son discours anti-impérialiste et ses choix audacieux, force le respect au-delà des frontières africaines. Il devient le visage d’un continent qui ne veut plus quémander, mais, négocier d’égal à égal.
Le soutien populaire : Une légitimité incontestable
Au Burkina Faso, malgré les défis sécuritaires et économiques, Ibrahim Traoré bénéficie d’un soutien populaire fort. Ce soutien repose sur une communication directe avec la population, une posture de proximité, et surtout, une cohérence entre les paroles et les actes. Beaucoup de Burkinabè voient en lui un leader intègre, courageux, et profondément, attaché aux intérêts de son peuple. Ce phénomène dépasse les frontières du Burkina. En Afrique de l’Ouest, notamment, il est perçu comme une source d’inspiration. Sur les réseaux sociaux, dans les mouvements citoyens, chez les jeunes intellectuels, on parle de plus en plus d’effet Traoré. C’est un éveil de conscience, un regain de fierté, une volonté de reprendre le contrôle du narratif africain.

Une Afrique nouvelle est possible
L’Afrique de demain ne ressemblera pas à celle d’hier. Avec des leaders comme Ibrahim Traoré, elle s’éloigne des schémas de dépendance et trace sa propre voie. Cette Afrique-là n’a pas peur de dire non, de refuser les diktats, de défendre ses intérêts stratégiques. Elle veut bâtir des institutions solides, favoriser l’intégration régionale, miser sur ses ressources humaines et naturelles. Certes, les défis sont immenses : insécurité, instabilité politique, dette, pauvreté, etc. Mais, pour la première fois depuis longtemps, une énergie nouvelle semble émerger, portée par une jeunesse consciente, informée, et décidée à prendre les rênes.
Ibrahim Traoré ne prétend pas avoir toutes les réponses. Il n’est pas un messie. Mais, il incarne une rupture, un espoir, une promesse. Celle d’une Afrique qui n’attend plus qu’on lui tende la main, mais qui se met debout, qui marche, qui parle, qui agit. Après les figures mythiques du panafricanisme, une relève semble bel et bien assurée. Ibrahim Traoré ne fait pas que parler d’indépendance : il en pose les jalons concrets. Son discours séduit, ses actions inspirent et son parcours attire l’attention bien au-delà des frontières de son pays. En incarnant cette Afrique nouvelle – digne, décomplexée, autonome –, il redonne espoir à des millions d’Africains.
Jean-Claude Djéréké
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).