Le 23 juin 2002, les Camerounais iront aux urnes pour choisir leurs députés et leurs conseillers municipaux. C’est l’essentiel d’un communiqué publié le 17 avril dernier par le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, Marafa Hamidou Yaya. Depuis, la classe politique camerounaise est en ébullition. Quant aux électeurs, ils se pressent lentement pour s’inscrire sur les listes électorales. Dans tous les partis politiques, l’heure est à la recherche des candidats de victoire. A l’Union des populations du Cameroun (UPC) en principe aussi, malgré la guéguerre que se mènent Augustin-Frédéric Kodock et Ndeh Ntumazah, d’un côté, et Henri Hogbe Nlend de l’autre.
A l’UPC, le véritable problème qui se pose concerne le bicéphalisme de la structure dirigeante. Le 19 octobre 2001, Augustin-Frédéric Kodock, Ndeh Ntumazah et Henri Hogbe Nlend, s’étaient retrouvés au Hilton hôtel de Yaoundé pour une conférence de presse dite « de réconciliation ». Ndeh Ntumazah, président de l’UPC, et les deux secrétaires généraux du « parti crabe » avaient déclaré aux journalistes présents qu’à partir de ce jour, ils allaient tous parler d’une même voix, regarder dans la même direction et emprunter en toutes occasions la même voie. Cette unité de façade a volé en éclats quelques mois après. En effet, depuis le mois dernier, deux camps s’opposent au sein de l’UPC : le camp du ministre Hogbe Nlend et celui animé par Ntumazah et Kodock.
Tout a commencé le 27 mars dernier quand Hogbe Nlend a signé trois communiqués de presse. Le premier indiquait qu’au cours de sa première session du 26 mars 2002, le comité d’organisation du congrès de l’UPC prévu à Yaoundé les 13 et 14 avril 2002 a chargé une délégation de prendre contact avec toutes les parties prenantes de la dynamique unitaire de l’UPC. Conduite par le député Feyou de Happy, cette délégation devait se rendre auprès de Ntumazah, Kodock et Mac-Kit.
Le deuxième communiqué soulignait que le comité d’organisation de ce congrès a, par consensus, désigné un secrétaire permanent du comité, en la personne de Charly Gabriel Mbock. Le troisième et dernier communiqué disait que le comité d’organisation portait à la connaissance des militants et sympathisants les noms des personnalités appelées à participer au congrès, en application de la résolution du comité directeur du 16 mars dernier conformément aux statuts de l’UPC. Il n’en fallait pas plus pour que Ntumazah et Kodock crient au scandale, à la trahison et à l’affront. Le 6 avril, à la permanence du parti à Yaoundé (Essos), une réunion du bureau politique, suivie d’une conférence de presse, a produit une résolution constituant une délégation qui eut pour mission de porter cette affaire à la connaissance du chef du gouvernement.
Dans le camp Ntumazah-Kodock, on maintient que la dynamique unitaire n’a jamais été remise en cause. « Il y a quelqu’un qui voudrait se positionner en mettant la dynamique unitaire en cause, parce que le gouvernement ne veut pas de cette dynamique. Et si quelqu’un peut aider le gouvernement à combattre cette dynamique, le gouvernement va préserver l’intérêt de cette personne. Vous savez très bien que c’est le travail de Hogbe Nlend. Le gouvernement l’a fait venir par des négociations personnelles, à cause des services qu’il allait lui rendre. Le gouvernement a été loyal avec lui en lui donnant un portefeuille ministériel. Lui-même a déclaré qu’il n’est pas entré au gouvernement pour le compte de l’UPC. Qu’est-ce qu’il vient faire dans l’UPC et pourquoi le gouvernement tolère cette situation ? », se demande publiquement Kodock. A la question de savoir ce que son camp reproche à Hogbe Nlend, il répond :
« Il veut convoquer un forum ; parce que ce n’est pas un congrès car il n’a pas qualité pour convoquer un congrès. Mais quand il convoque un forum avec d’autres partis et que les pouvoirs publics lui donnent un récépissé pour organiser la réunion, cela veut dire qu’ils sont complices. C’est ce que l’UPC ne veut pas. Parce que les militants peuvent se mettre à casser les choses, à couper le chemin de fer, à abattre les arbres sur l’axe lourd Yaoundé-Douala, et cela peut se faire, car si vous supprimez aux peuples de cette région leur identité, que seront-ils encore dans ce pays ? Nous n’admettront jamais qu’on piétine un peuple jusqu’à son identité. Nous voulons négocier avec le pouvoir pour éviter une issue fatale. Le pouvoir doit interdire tous les groupuscules qui n’ont aucun pouvoir pour parler au nom de l’UPC. Il y a les jugements des tribunaux. Et si les upécistes viennent de tout le Cameroun pour casser le palais des congrès, ce palais peut brûler, si tel est l’objectif. On connaît ce que les upécistes sont capables de faire? ».
Ce congrès a donc eu lieu au palais des congrès les 13 et 14 avril derniers, et Hogbe Nlend a été « intronisé » secrétaire général de (son) UPC. Au lendemain de ces assises, il a déclaré que « l’absence de Ntumazah et Kodock ne peut pas rendre confortable la position du secrétaire général de l’UPC. Ils sont des figures historiques de notre parti et ils doivent trouver leur place dans l’UPC. Mais, vous savez aussi qu’un peuple ne vit pas seulement du passé, il doit s’occuper de son avenir. Le rôle de ceux qui ont joué un rôle dans le passé est de faire le présent pour préparer l’avenir. Nous avons tout tenté pour permettre à ces dirigeants historiques de ne pas vivre seulement de leur passé, mais aussi qu’ils pensent à demain. Leur absence aux assises des 13 et 14 avril est une insuffisance et un échec de notre part. Mais nous avons tout fait pour qu’ils soient au congrès dans le cadre de la dynamique unitaire. Les portes leur sont ouvertes.
A la question relative à la faible participation des militants à ce congrès comparativement à ceux de Makak et Nkongsamba, Hogbe Nlend répond : « Cette allégation ne tient pas. Si quelques figures historiques ont manqué à ce rendez-vous, l’UPC est très unie à la base. Vous savez, Kodock est minoritaire dans sa propre tendance. Cela signifie que s’il réunit son congrès, je suis capable de le battre dans une élection au sein de sa propre tendance (?). Kodock dit n’importe quoi. Il a dit qu’il allait brûler le palais des congrès, qu’il allait faire dérailler les trains, qu’il allait couper l’axe lourd Yaoundé-Douala (?). Kodock ne représente plus rien dans l’UPC (?). La légitimité n’est pas garantie par Kodock et Ntumazah. Elle est détenue par l’UPC. Elle va être confirmée sur le terrain (?). Le ministre de l’Administration territoriale doit prendre acte des résultats du congrès, sinon il va créer de nouveaux problèmes. Je verrai s’il y a une seule commune où Kodock peut constituer une liste. Ntumazah est une figure historique qui ne représente plus rien dans le Nord-Ouest. Il a renoncé au combat politique pour livrer l’UPC au SDF. Ntumazah vit du passé, mais, en fait, travaille pour le SDF ».
Quelques jours après, Kodock revenait à la charge pour dire que ce qui s’est passé au palais des congrès n’était pas un congrès de l’UPC. « Celui qui dirigeait le comité d’organisation de ce congrès, Charly Gabriel Mbock, est, comme tout le monde le sait, un militant du SDF. La plupart de ceux qui ont rejoint Hogbe Nlend sont des gens qui n’ont plus aucune responsabilité au sein de l’UPC. Aux termes des statuts de notre parti, tout militant qui ne rejoint pas le parti ou qui ne s’acquitte pas de ses obligations après un an est considéré comme démissionnaire. C’est le cas de Simon Mbila, Njami Wandji, Feuyou de Happy et Naossi. Depuis cinq ans, on ne les a pas vus dans une seule réunion de l’UPC ». S’attaquant à la tendance Hogbe Nlend, il a souligné le caractère tribaliste de son bureau politique qui compte 16 membres dont 13 Bassa. Et de poser cette question : est-ce cela cette UPC qui se veut nationale ?
A.F. Bounougou Fouda A Yaoundé