CAMEROUN : Vers la renationalisation de la société nationale d’électricité.

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Après plusieurs mois de concertation, le gouvernement camerounais s’est finalement décidé à initier le rachat de la société de distribution d’électricité, ENEO. Une décision que salueront, très certainement, le Britannique, ACTIS, disposé, depuis un moment, à céder ses parts de 51%, et les populations locales, lassées par la décadence dans la qualité du service rendu par l’énergéticien depuis sa privatisation pendant les années 90.

Dénonçant le refus des autorités camerounaises de régler des arriérés de factures pour un montant global de 186 milliards F CFA, ACTIS était montée au créneau en juillet dernier pour annoncer son intention de cesser tout approvisionnement électrique dans le pays. Une mise en garde suffisamment sérieuse pour obliger l’Etat du Cameroun à prendre ses responsabilités dans ce secteur en perdition. En effet, l’un des principaux griefs d’ENEO portait sur les retards de paiement récurrents observés chez les structures énergétivores, telles que CAMWATER ou ALUCAM. Le gouvernement se montrant, lui-même, parfois incapable de respecter l’échéancier de paiement fixé avec la société énergétique, selon les représentants de cette dernière.

S’il est bien vrai que la performance économique d’ENEO a fortement baissé au cours de ces dernières années, notamment, avec la pandémie du Covid-19, elle n’explique pas pour autant les nombreux reproches adressés par les Camerounais au distributeur d’électricité bien avant le début de ses déboires financiers. Surfacturation, délestages quotidiens, intimidation et corruption des agents envoyés sur le terrain étaient devenus monnaie courante pour des abonnés, souvent livrés à eux-mêmes. Seuls ceux informés de l’existence et du rôle de l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (ARSEL) étaient en mesure de faire valoir leurs droits lorsqu’ils étaient confrontés à un contentieux avec le fournisseur national en énergie. Une voie de recours largement méconnue avant la nationalisation de ce dernier. 

Par cette décision de renationalisation émanant du chef de l’Etat, Paul Biya, le gouvernement camerounais entend restaurer le secteur de l’électricité, surtout, compte tenu des enjeux énergétiques se jouant actuellement sur le continent africain. Cette tâche s’annonce tout de même ardue puisque selon des sources locales, la reprise des parts d’ACTIS s’accompagnera d’un lourd passif évalué à près de 700 milliards de F CFA. En réponse, les autorités camerounaises ont lancé, il y a deux mois, un plan d’urgence, s’étendant jusqu’en 2030, visant à accroître l’offre électrique sur le territoire. Une levée de fonds de 400 milliards de F CFA est déjà en cours pour financer cette opération, 180 milliards devant provenir de la Banque mondiale, 48 autres de la Banque africaine de développement, et les 172 restants d’une multitude de partenaires.

Paul-Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)

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