CHINE/COREE DU NORD : Vers une stratégie Kim Jong-un/Xi Jinping pour contrer Donald Trump ?

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C’est la troisième visite de Kim Jong-un en Chine, en l’espace de trois mois. C’est du rarement vu dans les relations entre les deux pays. Plus qu’une relation privilégiée, ne s’agirait-il pas de sa protection pure et simple à l’instar de celle dont bénéficient la Corée du Sud et le Japon auprès des Etats-Unis ? Un détail qui a son importance : pour se rendre au Sommet de Singapour, le « leader bien aimé » a emprunté, à l’aller et au retour, un Boeing 747 de la compagnie, Air China, mis à sa disposition par le grand-frère, Xi Jinping. Affectionnant les voyages à bord du train hautement blindé qu’affectionnait son père, Kim Jong-il, le jeune leader pouvait bien rallier Singapour par train comme son père qui avait traversé la Russie, par train, pour rencontrer Dimitri Medvedev au Kremlin en 2009, mais, autre temps autres mœurs ? A titre d’information, la distance Pyongyang-Singapour n’est que de 4.743 km contre le parcours Pyongyang-Moscou qui est un peu plus de 6.400 km.

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a entamé, mardi, 19 juin, une visite de deux jours en Chine, une semaine après sa rencontre historique avec le président américain, Donald Trump, au moment où Beijing entend bien jouer un rôle (protecteur) dans l’évolution de son petit voisin.

« Kim Jong-un visite la Chine du 19 au 20 juin », a annoncé l’agence de presse Chine Nouvelle dans une très brève dépêche qui ne fournissait aucun détail sur son programme. Cela dit, Xi Jinping, secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) et président de la Chine, a, effectivement, rencontré Kim Jong-un, président du Parti du travail de Corée (PTC) et président de la Commission des Affaires d’Etat de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), mercredi, 20 juin, à la Résidence des hôtes d’Etat Diaoyutai à Beijing. Les deux dirigeants ont eu une conversation approfondie autour d’une tasse de thé dans une atmosphère cordiale et amicale. Peng Liyuan, épouse de M. Xi et Ri Sol-ju, épouse de Kim Jong-un, ont, également, participé à la rencontre (notre photo).

Le « leader bien aimé » cherche à obtenir un assouplissement des sanctions économiques en échange de ses promesses de dénucléarisation et espère le soutien de la Chine dans cette démarche.

La diplomatie chinoise, à l’instar de la Russie, avait suggéré, la semaine dernière, que les Nations-Unies pourraient envisager d’alléger les sanctions si Pyongyang se conformait à ses obligations.

La Chine, principale alliée de la Corée du Nord depuis la guerre de Corée (1950-1953), a fait, clairement, savoir qu’elle voulait un rôle prépondérant dans les négociations, présentant avec insistance ses offres de services diplomatiques.

Le sommet historique de Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-un a débouché sur une déclaration dans laquelle le dirigeant nord-coréen réaffirmait « son engagement ferme et inébranlable envers la dénucléarisation de la péninsule » coréenne. Mais, il y a une contrepartie évidente dont une partie financière et matérielle que devraient prendre en charge la Corée du Sud et le Japon.

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a exclu, cependant, que les sanctions économiques drastiques imposées au Nord au fil de ses essais nucléaires et balistiques soient levées avant une dénucléarisation complète.

Reçu, jeudi, 14 juin, à Pékin, par son homologue chinois, Wang Yi, Mike Pompeo a assuré que la Chine avait « réaffirmé son attachement envers les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU », c’est-à-dire aux sanctions.

Comme en écho aux arguments de Pékin, il a, toutefois, reconnu que ces résolutions disposaient « de mécanismes d’allègement » qui pourront être « envisagés le moment venu ».

La priorité de Xi Jinping et de Kim Jong-un est, désormais, de décider de la marche à suivre, estime Hua Po, un analyste politique indépendant basé dans la capitale chinoise.

« Il peut y avoir des divergences entre la Corée du Nord et les Etats-Unis sur le processus de dénucléarisation, car les Etats-Unis veulent une dénucléarisation irréversible et vérifiable. Il est difficile pour Kim Jong-un d’accepter cela », a déclaré M. Hua. Sans oublier que le « leader bien aimé » ne veut pas se retrouver dans la situation du Libyen Kadhafi où, après avoir détruit sa dissuasion nucléaire, les Occidentaux viendraient le bombarder pour le tuer sachant qu’il n’est plus protégé. C’est un argument qui pèse dans les négociations.

« Par conséquent, la Chine et la Corée du Nord veulent renforcer leur communication et élaborer une stratégie globale dans leur relation avec les Etats-Unis », a-t-il ajouté.

Si la Chine a, constamment, appelé son petit voisin à abandonner ses projets nucléaires et balistiques, elle a, aussi, appelé au dialogue à l’époque où Nord-Coréens et Américains échangeaient des menaces d’anéantissement mutuelles.

Pékin avait proposé, l’an dernier, la suspension du programme nucléaire nord-coréen en échange de la fin des manoeuvres militaires conjointes américano-sud-coréennes, une concession que Donald Trump a, finalement, accordée, la semaine dernière, ajoutant même que les troupes américaines présentes en Corée du Sud pourraient, à terme, quitter le pays.

Autant de victoires stratégiques pour Pékin, selon Bonnie Glaser, analyste au Center for Strategic and International Studies de Washington : « Les Chinois pensent depuis longtemps que s’ils pouvaient déloger les troupes américaines de la région, cela serait la clé de la diminution de l’influence américaine et de l’accélération de la création d’une région plus centrée sur la Chine », estime-t-elle. Raison de plus pour Xi Jinping de « protéger » le « leader bien aimé » grâce à qui Beijing va avoir de Washington, à moindre prix, ce qui était inespéré avant la détente Pyongyang-Washington.

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