CONGO-BRAZZAVILLE : André Okombi Salissa : « Je rentre : la défense de la démocratie est une réalité de terrain »

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La décision a, finalement, été prise et rendue publique, le 6 juin, dernier, André Okombi Salissa rentre à Brazzaville. Nombreux sont ceux qui commençaient à se poser la question sur le retour de l’enfant terrible du PCT (Parti congolais du travail), qui semblait, de plus en plus improbable, avec le passage du temps. Hasard de calendrier ou calcul méticuleux, le retour d’André Okombi Salissa, à Brazzaville, qui, selon toute vraisemblance, devra intervenir avant fin juin 2014, fait courir toutes les rumeurs et les commentaires dans les états-majors politiques. N’ayant cédé à aucune pression de ceux qui le pressaient de rentrer ou de ceux qui demandaient, exactement, le contraire, il a collé à la maxime politique qui fait du temps la mesure du président. Il n’y a plus aucun doute, à Brazzaville, que André Okombi Salissa est le caillou dans la chaussure de Denis Sassou Nguesso. Le vieux lion d’Oyo est arrivé à bout de tous ses adversaires, jusqu’à présent. Il a, toujours, su manier, avec sagacité et alternation opportune, la méthode douce et la méthode forte. Il a, toujours, été, à la fois, capable de beaucoup de finesse, et même, de souplesse dans le geste, que de brutalité surprise. Ceux qui l’ont côtoyé, de très près, et qui l’ont accompagné, dans certaines de ces manœuvres, le voient venir et prédisent ses coups, avec des longueurs d’avance. André Okombi Salissa est de ceux-là. Alors que tout le monde lui donnait très peu de temps de résistance, se rappelant la très longue liste d’adversaires politiques que Denis Sassou Nguesso a écartés de son chemin depuis les années 70, André Okombi Salissa tient dans le ring comme Mohamed Ali face à George Foreman, essayant de faire de sa faiblesse, devant son mentor, sa principale force, et de faire de la force de celui-ci, une faiblesse. Il ne pouvait, d’ailleurs, en être autrement. Jusque-là, c’est André Okombi Salissa qui a réussi à marquer des points. Tandis que Sassou Nguesso avait voulu obtenir la dissolution du CADD-MJ (Comité d’action pour la défense de la démocratie-Mouvement de jeunesse) présidé par Okombi Salissa sans s’afficher et en assumer la responsabilité directe, son poulain a résisté pendant plus d’un an jusqu’à obliger son mentor à faire une sortie publique pour demander lui-même la dissolution du CADD-MJ, contrairement à ses habitudes. Ce qui avait surpris beaucoup d’observateurs de la scène politique de Brazzaville, qui savent que personne n’a, jamais, battu Sassou Nguesso à l’usure comme, lui, sait le faire; son crédo étant de, toujours, avoir raison pour être légitime à agir. Quand Okombi Salissa avait annoncé depuis Paris la nécessité de la tenue d’un congrès extraordinaire du PCT, Sassou Nguesso s’était précipité à faire convoquer une réunion du comité central qui a prononcé la suspension d’Okombi Salissa du parti, sans compter que pour celui-ci et les siens, cette suspension ne vaut que pour ceux qui l’ont prononcée selon la méthode qu’ils ont choisie ; il a fait ses classes chez Sassou Nguesso et il sait que n’importe qui a le droit de se réclamer de tout, la légitimé n’existe pas en soi, elle est sujette aux rapports de force. Ajoutée à l’interdiction de la tenue du congrès convoqué par Lekoundzou Itihi Ossetoumba pour s’opposer à la refondation du PCT, cette suspension (comédie pour les okombistes) montre combien le dictateur de Brazzaville a peur de perdre le contrôle du parti, qui pour lui, est, en définitive, plus important que la force des armes, parce que celle-ci est, par nature, illégitime et ne peut durer, indéfiniment. Il faut, toujours, au vainqueur par les armes, de rechercher une quelconque forme de légitimité, parce que la victoire par les armes se retourne, toujours, contre son auteur si elle n’est pas transformée en victoire politique comme il a fait en 2002, de sa victoire de 1997. C’est pourquoi tous ceux qui veulent du départ du dictateur, en 2016, et ils sont, de plus en plus, nombreux, savent que c’est à l’intérieur du parti qu’il faille le vaincre par la force des textes que Sassou Nguesso ne respecte, jamais, sauf quand il faut s’en servir contre les autres comme il le fit contre Yombi Opangault qu’il avait renversé, en 1979, sans coup de feu, et sans effusion de sang. Toute une génération, celle qui croit que son heure est venue, s’active autour d’André Okombi Salissa pour persévérer vers la tenue du congrès extraordinaire du PCT et des primaires pour 2016, contre lesquels, tous les gardiens du temple Sassou, sont vent debout. Lui qui a, toujours, divisé les partis des autres, sait que c’est le meilleur moyen d’affaiblir l’adversaire. En politique, c’est au sein des partis qu’on conquiert le pouvoir de l’Etat, comme le résume toute l’histoire de Sassou Nguesso. Les pires ennemis sont ceux de l’intérieur parce qu’ils connaissent la maison et les rouages. Sassou Nguesso est en train de livrer sa dernière bataille avec une nouvelle génération qui le connaît et qui est décidée, s’il ne décide pas de son propre gré de sortir par la grande porte, à l’envoyer à la retraite. En tant que chef de file de cette génération qui proclame, partout, la venue de son heure, André Okombi Salissa a fait le tour du monde pour faire connaître sa cause et expliquer la nécessité d’une alternance démocratique au Congo-Brazzaville. De Paris à Washington, en passant par Londres, Berlin et Bruxelles, où il s’est dit près à accepter l’avènement démocratique de l’opposition au pouvoir, son message a été le même ; « protéger l’alternance démocratique prévue par les textes, en 2016, est un intérêt général que les puissances du monde ne peuvent ignorer, au risque d’enfermer le Congo dans le cercle des pays malades d’instabilité institutionnelle, et qui ne guérissent, jamais ». Reçu en de très hauts lieux en France et aux Etats-Unis, notamment, au Congrès et dans les Think tanks de Whashington, jusqu’au sacro-saint Harvard, André Okombi Salissa a poursuivi son périple dans certaines capitales africaines. Son message a été entendu à Kinshasa où la classe politique fait bloc pour une alternance démocratique, en 2016. Il en a été, de même, à Libreville, où il peut compter avec des amitiés de longue date. Conscient du gabarit qui est, désormais, le sien, les responsables politiques du Congo-Brazzaville savent qu’ils devront compter avec Okombi Salissa pour l’alternance, en 2016. Dans la suite de l’hôtel Meurice (Paris) où il reçoit, souvent, ses visiteurs, c’est tout le gratin, de Brazzaville, de passage à Paris, qui y défile. Son retour, à Brazzaville, n’est, donc, pas une bonne nouvelle pour ceux qui veulent modifier la constitution pour se maintenir au pouvoir.

Seize associations des Congolais de la diaspora qui voient en Okombi Salissa les vraies chances de provoquer l’alternance, à Brazzaville, l’avaient invité à s’exprimer sur la situation politique, au Congo-Brazzaville. Comme un poisson dans l’eau, parmi ses compatriotes, il a commencé et terminé en affirmant et réaffirmant son appartenance au PCT, qui, selon lui, a une longue histoire qui ne doit pas se confondre ou se résumer à celle des hommes en ces termes : « Notre parti, le PCT, doit se respecter, lui-même. Nous sommes à une époque où le parti doit savoir trouver la ligne de démarcation, entre lui, en tant que groupe, et les hommes et femmes qui le composent. Notre parti ne doit assumer face à l’histoire que sa propre responsabilité, pas celles des personnes. Notre parti doit respecter ses alliés, les autres membres de la classe politique. Notre parti doit mettre le peuple au-dessus de tout, absolument tout ». Il a, également, abordé le thème de la modification de la constitution qui fait le plein des débats à Brazzaville : « Je pense que nous devons être un tant soit peu sérieux, et ne pas prendre, à la légère, une question, aussi cruciale, sinon pour montrer la légèreté de ceux qui ouvrent la voie d’une telle aventure. J’avais déjà indiqué monopposition de principe à une modification de la constitution, qui me semble sans aucun fondement. Je n’ai pas, encore, abordé le fond de ce sujet, et même, pas la forme. Tel que le débat nous est proposé, il est difficile de dépasser ne serait-ce que la phase de l’analyse critique de l’opportunité de la démarche. La constitution est un pacte social, entre nous, entre Congolais, entre les membres de la classe politique, entre notre pays et notre peuple et les autres. Aller toucher à un tel pacte nécessite une cause suffisante, qui ne peut être, raisonnablement, contestée par personne. Cela nécessite un minimum de consensus entre les parties prenantes. La constitution actuelle est un pacte entre tous les membres du principal parti au pouvoir. A travers ses clauses de non révision, notamment, celle sur la limitation des mandats présidentiels, il était convenu que si le parti entendait soumettre la candidature d’un camarade à la magistrature suprême, en tout temps, et en toutes les circonstances, cela ne pourrait pas être uncamarade en exercice, qui aurait cumulé deux mandats successifs au sommet de l’Etat. Ce pacte est, aussi, une entente entre les alliés du PCT, toute la majorité au pouvoir. Si le PCT n’est pas à même de produire un candidat à la hauteur, nous devons le chercher dans les rangs de la majorité, c’est cela notre pacte. Ce n’est pas obligatoire que le candidat de la majorité vienne du PCT. Et si toute la majorité ne peut produire un candidat sérieux, il faudra accepter celui de l’opposition qui aura gagné l’élection, c’est cela notre pacte républicain. C’est ça notre engagement devant les Congolais. Cette logique de laisser le libre jeu des textes se réalise, en plus, toute seule, personne n’a besoin de faire aucun effort. Et on retrouvera, ici, le paradoxe des Congolais. Une chose peut se faire sans efforts, on préfère faire des efforts pour faire le contraire. Il y a quelque chose de simple, qui ne nous coûte rien sinon que de ne rien faire, nous préférons faire ce qui est compliqué, en prenant des contours et en fournissant tant d’efforts pour expliquer l’inexplicable, faire comprendre l’incompréhensible ». André Okombi Salissa a terminé son échange avec ses compatriotes en confirmant son retour, à Brazzaville, dans les prochains jours. Il a souligné que pour lui, « la défense de la démocratie est une réalité de terrain ». Le repos du dictateur de Brazzaville semble toucher, à sa fin, avec le retour de celui qu’il a, toujours surnommé « tout bouge ». Tant laisser les choses en place n’est pas son fort.

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