Je le concède : nous de la presse avons, souvent, une once de retard sur la réalité des faits. Mais, tôt ou tard, nous finissons toujours par les connaître. C’est le cas de Sassou-Nguesso et le débat qu’il y a sur sa personne à Paris et à Washington. Dans le dernier numéro d’Afrique Education (546-547 de juillet-août 2025 actuellement en vente chez les marchands de journaux et sur la boutique de la revue en composant www.afriqueeducation.com), nous donnons les grandes lignes du discours agressif que tient le chef de la Maison Blanche qui semble avoir tourné (dans sa tête) la page Sassou-Nguesso et pousse son homologue français à faire de même. A Brazzaville, les hommes politiques de l’opposition et de la société civile sont en train de prendre le relai. Mais, Sassou-Nguesso essaie encore de freiner toutes ces énergies en continuant de tourner en rond. Pour combien de temps encore ? Une réunion restreinte vient de se tenir à Brazzaville entre certains leaders de l’opposition où on ne s’économise plus. On commence à se lâcher… car « Trop c’est Trop ». Participant à cette réunion, Joseph Ouabari Mariotti, ancien Garde des Sceaux de Pascal Lissouba, nous en dit plus dans ce texte qui suit.
« Brazzaville 5 juillet 2025, en matinée, dans l’Arrondissement 5 Ouenzé, au Siège de l’Alliance pour la République et la Démocratie. L’ancien Ministre congolais des Finances, M. Mathias Dzon, MM. Victor Oniongo, Cedric Balou, Roussel Darlin Ngamba et Elo Dacy ont, au cours d’une conférence de presse, publié une lettre ouverte, adressée au Chef d’Etat Congolais, Son Excellence, M. le Président Denis Sassou Nguesso. Ceci, au nom des Partis Politiques, Associations de la Société Civile et Personnalités congolaises, aussi bien, de l’intérieur du pays que de la diaspora, signataires dudit courrier.
Dans un style approprié, empreint de déférence, les signataires expriment au Chef de l’Etat leur indignation, au regard de trois situations qui ne sont pas pour contribuer à faciliter, au Congo, ni l’apaisement de la Nation, ni le développement du pays. D’abord, l’explosion de la criminalité et de l’intolérance politiques. Vient, ensuite, l’indifférence hautaine du pouvoir, devant la désespérance sociale des populations, en raison de la mauvaise passe socio-économique et financière que traverse le pays. Enfin, l’idée lunaire des autorités de procéder à l’élection du Président de la République, en mars 2026, dans un pays naufragé, sans que les conditions préalables d’organisation d’un scrutin libre, transparent, honnête et apaisé ne soient remplies.
Les signataires estiment que le Congo est confronté à une crise financière et sociale sans précédent, étranglé par une dette publique abyssale, évaluée à près de 8 mille milliards 500 millions de F CFA. Soit 99% du PIB, dont 39%, au titre de la dette extérieure et 60,13%, pour la dette intérieure (Mathias Dzon ayant été un ancien de la BEAC et ministre de l’Economie et des Finances de Sassou après son coup d’état militaire d’octobre 1997, pendant plus de cinq ans, on peut donner crédit à la dette du Congo qui est de 99% du PNB. Cela dit, certaines organisations la situent largement au-dessus de 100% du PNB car au Congo, il y a ce qu’on appelle, « les dettes cachées » contractées auprès de la Chine et de certaines multinationales pétrolières et minières, ndlr).

Voilà, un pays producteur de ressources naturelles, principalement le pétrole et le bois, devenu illiquide, faute d’une bonne gouvernance. Donc, plus à même d’assurer régulièrement le paiement des dépenses obligatoires. C’est le cas des salaires des fonctionnaires émargeant aux budgets de transfert, les pensions de retraite, les bourses des étudiants et le service de la dette. Les carences de paiement de la dette contractée sur le marché financier et monétaire de la CEMAC sont récurrentes. Pour preuve, lors de la dernière réunion au Sommet des Chefs d’Etat de la zone CEMAC (Yaoundé, le 16 décembre 2024 où Sassou s’était fait représenter par son premier ministre Makosso), le Congo a écopé d’un blâme et a été sommé de rétablir, au plus vite, la situation de ses réserves de change internationales. On oublie parfois de le dire : le F CFA de la BEAC avait failli être dévaluée, n’eût été une intervention (énergique) du président, Paul Biya, qui avait fait valoir qu’une dévaluation était (absolument) à éviter, deux pays membres (le Gabon et le Cameroun) devant connaitre une élection présidentielle en 2025. Il avait été entendu. Seules les réformes sous l’égide du FMI furent recommandées à chaque pays.
Eu égard à cette crise multiforme que vit la République du Congo, les signataires en appellent au sens du devoir du Président, Denis Sassou Nguesso, en vue de la convocation d’un dialogue national inclusif des Forces vives de la nation. Y participeraient, au terme d’une décision de remise de grâce, les prisonniers, MM. Jean Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa, deux concurrents du Président, Denis Sassou Nguesso, aux présidentielles de mars 2026. Devrait également être présent, aux assises du dialogue, l’ancien Ministre congolais des Hydrocarbures, M. Benoît Koukébéne qui purge, à l’étranger, une lourde condamnation par contumace, depuis les lendemains des violences du 5 juin 1997, à Brazzaville.
Le dialogue ouvert, ne serait pas un lieu de règlements de compte, ou de revanche, comme d’aucuns pourraient l’imaginer, sans discernement, à tort et à travers. Mais un espace de concertation et de partage, pour trouver des solutions communes durables aux défis majeurs qu’affronte le Congo et le tirent vers le bas, les remèdes efficaces, adéquats et courageux n’y étant pas apportés. Une occasion de renforcer la cohésion et l’unité nationales, deux valeurs républicaines qui peinent à s’enraciner au Congo, ainsi que, la confiance entre tous les acteurs politiques et sociaux du pays.
Ensemble, les participants au dialogue spécifieraient une vision commune pour l’avenir du pays et fixeraient des stratégies pour y parvenir. Au final, conduire le Congo vers une transition consensuelle et apaisée, avant les présidentielles. Et là dessus, le dialogue serait, une étape unique pour cheviller les idées, puis s’entendre, une fois pour toutes, sur les modalités de garantir la transparence, la crédibilité et le caractère démocratique des scrutins au Congo.

Enfin, toute proportion gardée, le dialogue serait, pour le Président, Denis Sassou Nguesso, une grande occasion, avec tous les symboles qu’elle comporte, d’inscrire son nom dans la belle page réconciliatrice de l’histoire de la République du Congo. Aussi, pour l’intérêt supérieur de la nation, les signataires de la lettre en viennent, avec respect, auprès du Président, Denis Sassou Nguesso, pour lui demander de s’élever au-dessus de la mêlée politique, et susciter un esprit de justice et d’équité.
Bien plus, capitaliser sa qualité et son image symbolique de père de la nation, jouant la carte de la sagesse et de la responsabilité d’autant que, par ses hautes fonctions, son rôle est crucial dans la sauvegarde de la stabilité nationale. Devant affirmer son serment solennel de garant de l’unité et de cohésion nationales, pour ne pas tomber dans l’odieux et incivique piège de ceux qui tenteraient de faire du Président de la République du Congo, l’otage d’un groupe de partisans, pour des basses causes de la conservation de leurs privilèges et autres sombres avantages ».
Un des signataires de la lettre.
Joseph Ouabari Mariotti
Ancien Garde des Sceaux,
Ministre de la Justice de la République du Congo (sous le professeur Pascal Lissouba).