COTE D’IVOIRE : Ce qui devait arriver entre Ouattara et Bédié arriva : La rupture

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Sans jeu de mots, on dira, en voyant la fin de l’alliance du PDCI au sein du RHDP, qu’Alassane Ouattara a, copieusement, roulé Henri Konan Bédié dans la farine. Un vrai boulanger, cet Alassane Ouattara ! Malgré les mises en garde répétées de certains militants plus avertis que lui, Henri Konan Bédié s’est fait avoir comme un novice en politique. Cela dit, le refus du président, Alassane Ouattara, d’accepter la candidature d’un militant PDCI pour le compte du RHDP, pendant la présidentielle de 2020, c’est de la mauvaise foi systématique, qui donne une piètre image d’une certaine façon de faire la politique en Côte d’Ivoire. Sans entrer dans les raisons profondes de cette crise, on peut affirmer qu’Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara se retrouvent face à face comme dans les années 90, au lendemain de la mort du Sage de Yamoussoukro, quand brandissant le concept de l’ivoirité, Bédié déniait à Ouattara le droit d’accéder à la magistrature suprême. Ce dernier répondit par un coup d’état militaire qui envoya Bédié en exil, faisant, inopportunément, profiter le juteux poste de président de la République, aux outsiders de l’époque, Robert Gueï et Laurent Gbagbo. On pensait que ce triste épisode de la vie politique ivoirienne était oublié. Que non ! Visiblement, Ouattara a la rancune tenace. Il fait payer cher à Bédié son immaturité politique et sa mauvaise appréciation de la relation entre les deux hommes. Pour s’être fourvoyé aussi lamentablement, ne devrait-il pas céder la présidence du PDCI à plus compétent que lui ? Il n’est que temps.

Après plusieurs mois de tensions croissantes, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a mis fin à son alliance avec le parti du président, Alassane Ouattara, faisant éclater la coalition au pouvoir depuis 2010.

Cette rupture marque une recomposition du paysage politique ivoirien, déjà, en pleine effervescence avec l’amnistie et la libération, mercredi, 8 août, de Simone Gbagbo, et des principaux responsables du Front populaire ivoirien (FPI, opposition), le troisième grand parti du pays.

D’ailleurs, certains analystes estiment que, sachant que le PDCI allait faire éclater la coalition au pouvoir, Ouattara a, précipitamment, libéré Simone Gbagbo dans le but d’accentuer la division au sein de l’opposition dans la perspective des élections à venir. Sacré Ouattara !

C’est par un communiqué signé du président du PDCI, Henri Konan Bédié, que la rupture a été officialisée, à deux mois des élections locales, et à deux ans de la présidentielle. Ce communiqué a été diffusé, ce jeudi, 9 août, matin, après une rencontre mercredi soir entre les présidents Bédié et Ouattara.

Le PDCI « se retire du processus de mise en place d’un Parti unifié dénommé RHDP » (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) et « présentera des candidats pour les élections municipales et régionales sous (sa) bannière », selon son communiqué.

Le parti unifié RHDP, créé par le président Ouattara à la mi-juillet, visait à unir sa propre formation, le Rassemblement des Républicains (RDR) et le PDCI, qui aurait été quasi-imbattable aux prochaines élections.

Mais, c’est finalement ce projet d’union qui aura provoqué la rupture de la coalition électorale formée par le PDCI et le RDR depuis 2005, qui avait permis l’élection de Ouattara à la présidence en 2010, puis, sa réélection en 2015.

Pour rejoindre le RHDP, le PDCI exigeait un retour d’ascenseur : que le parti unifié présente un candidat unique issu des rangs du PDCI à la prochaine présidentielle.

Exigence refusée par Alassane Ouattara, qui a, en retour, multiplié les pressions sur le PDCI, maniant carotte et bâton. Non seulement, Alassane Ouattara ne voulait pas que le PDCI se choisisse comme candidat à proposer au RHDP, Henri Konan Bédié, (qui aurait eu toutes les chances de revenir au pouvoir, ce que ne souhaitait pas Ouattara), mais, le président de la République a laissé entendre qu’il fallait favoriser l’accession de la jeunesse à la magistrature suprême, comme en Belgique, en France, au Canada, pour ne citer que ces exemples. Autrement dit, avec ses 84 ans, Bédié était (juste) bon pour la retraite.

La décision de Ouattara a provoqué un mini-séisme dans le PDCI. En effet, une dizaine de hauts cadres et d’élus du PDCI qui se sont déclarés publiquement favorables au RHDP ont été récompensés par des portefeuilles de ministre dans le nouveau gouvernement formé début juillet, tandis que les réfractaires ont subi des mesures de rétorsion. Dernier exemple en date : la révocation pour malversations par le gouvernement du maire de la commune lucrative du Plateau, quartier des affaires d’Abidjan, Noël Akossi Bendjo, un cacique du PDCI et proche de Bédié.

Selon un responsable du PDCI s’exprimant sous couvert d’anonymat, Henri Konan Bédié va maintenant « recevoir individuellement les ministres et présidents d’institution » encartés au PDCI « afin que chacun se détermine sur son appartenance ou non au RHDP ».

Plusieurs responsables du PDCI ont, déjà, été exclus, fin juillet, dont le ministre des Ressources animales et halieutiques, Kobenan Kouassi Adjoumani, qui avait lancé une fronde au sein du parti en créant un courant pro-RHDP quelques semaines plus tôt. Pour avoir lancé cette rébellion interne au sein du PDCI, Adjoumani, on se souvient, a été, publiquement, félicité par Ouattara lors de la mise en place du « parti unifié ». C’est la preuve que Ouattara entend déstabiliser le PDCI.

Mais le PDCI ne se laissera pas faire. Il envisage une nouvelle alliance électorale.

Le parti « se réserve le droit de promouvoir une plate-forme de collaboration avec les Ivoiriens qui partagent sa vision d’une Côte d’Ivoire réconciliée et soucieuse des droits, des libertés et du bien-être de ses populations », selon son communiqué.

Les élections municipales et régionales sont prévues le 13 octobre, la présidentielle en 2020.

Le PDCI a annoncé, par ailleurs, que la Commission électorale indépendante, dont la composition fait polémique depuis plusieurs années, serait réformée avant les élections locales.

Le « Président de la République a marqué son accord pour une réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) avant la tenue des prochaines élections », selon le communiqué.

Alassane Ouattara l’avait, déjà, annoncé dans son allocution télévisée à la Nation le 6 août, mais, sans préciser si ce serait avant les élections locales.

L’opposition et la société civile jugeaient la CEI déséquilibrée en faveur du pouvoir. Un avis partagé par la Cour africaine des droits de l’homme, qui exigeait sa réforme dans un jugement rendu en 2016.

Le FPI boycottait jusqu’à présent les élections, estimant qu’elles n’étaient pas « crédibles » puisqu’organisées par cette commission électorale favorable au pouvoir.

Mercredi, Assoa Adou, un ancien ministre FPI libéré avec Simone Gbagbo, a évoqué un retour et anticipé une « première victoire » de son parti aux élections d’octobre.

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