COTE D’IVOIRE : LAURENT GBAGBO A NOUVEAU DANS L’ŒIL DU CYCLONE

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Les partis politiques et les ex-rebelles ivoiriens signataires des accords de paix de Marcoussis, soutiennent la décision du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de suspendre sa participation aux travaux du gouvernement pour dénoncer la gestion solitaire du pouvoir par le Front populaire ivoirien (FPI), le parti du président Laurent Gbagbo. Le PDCI, le Rassemblement des républicains (RDR) de l’ancien premier ministre Alassane Ouattara, les Forces nouvelles et les autres mouvements signataires des dits accords, dénoncent également « des dysfonctionnements fréquents et des blocages persistants dans la mise en œuvre du programme du gouvernement de réconciliation nationale (et déplorent notamment) les difficultés que rencontrent les ministres des forces politiques autres que le FPI dans la nomination de leurs collaborateurs et des responsables de structures sous tutelle », ainsi que « l’absence d’équipements et de moyens de fonctionnement des ministères détenus par les forces politiques autres que le FPI ».
Ce n’est pas tout. Indexant « les lenteurs dans l’adoption et la transmission à l’Assemblée nationale des textes de lois issus de l’accord de Linas Marcoussis », ils s’alarment en outre de « l’existence d’un gouvernement parallèle affectant de façon inquiétante le bon fonctionnement de certains ministères », notamment, la Justice, la Défense, la Sécurité et les Affaires étrangères. Etc.
Voilà donc Laurent Gbagbo accusé de double jeu ou de ruse pour une nème fois par ses adversaires politiques. Hier, c’était Robert Guei qui lui reprochait de l’avoir « roulé dans la farine ». Aujourd’hui, Henri Konan Bédié, après Alassane Ouattara et Guillaume Soro, lui fait part exactement des mêmes griefs. Mais cette fois-ci, il s’agit de l’allié du gouvernement qui, jusque-là était, le moins exigeant et le plus sincère. Excédé d’avaler les couleuvres sans mot dire, Henri Konan Bédié, de son « exil intérieur », a fini par taper du poing sur la table en réitérant le geste des Forces nouvelles, à savoir, la suspension (momentanée ?) des sept ministres PDCI du gouvernement. Autrement dit, si le patron du PDCI ne demande pas ouvertement à Laurent Gbagbo de démissionner, le PDCI ne faisant plus partie avec le FPI et le PIT de l’alliance anti-nordiste, ça y ressemble beaucoup dans la mesure où sans l’appui du PDCI à l’Assemblée nationale, le FPI voit son action complètement paralysée. Suprêmement politique, l’acte de Bédié permet d’ouvrir les yeux à ceux qui étaient myopes : l’ancien président montre qu’il est capable d’imposer sa loi au niveau de l’Assemblée nationale où son parti compte la majorité des députés, comme les Forces nouvelles imposent la leur dans la partie Nord du pays sous leur contrôle. Dès lors, que restera-t-il exactement comme réel pouvoir au président Laurent Gbagbo quand Alassane Ouattara sortira ses griffes à son tour ?
L’échec des accords de Marcoussis est programmé, avions-nous toujours dit à Afrique Education. La Côte d’Ivoire ne vivra jamais dans la paix et la stabilité tant que son président sera issu de la bande des quatre : Gbagbo, Bédié, Ouattara, Soro. Voilà pourquoi on demandait à la communauté internationale d’avoir le courage d’imposer la moins mauvaise solution qui consistait à écarter de la présidentielle d’octobre 2005 la candidature de ces quatre dirigeants qui ont pris la Côte d’Ivoire en otage. Mais les intérêts partisans ont pris le dessus et ont accouché d’un texte inapplicable. On s’en rendra compte beaucoup plus demain qu’aujourd’hui que les accords de Marcoussis tels qu’ils ont été ficelés ne pouvaient qu’aboutir à un échec.
Dans ce contexte, les 6.240 casques bleus ajoutés aux 4.000 militaires français du dispositif Licorne seront-ils suffisants pour garantir la paix et la sécurité du moment où il y a de fortes chances que leur intervention ne se fasse plus dans un pays en train de désarmer et en voie de pacification, mais dans un environnement doublement hostile où la trêve de ces derniers mois a plutôt permis au FPI de constituer des milices puissamment armées tandis que les Forces nouvelles rôdaient leur arsenal de guerre ?
La situation est d’autant plus grave qu’à mesure où on se rapproche d’octobre 2005, Gbagbo œuvre pour conserver le pouvoir alors que Bédié ne rêve que de le reprendre tandis que Ouattara et Soro sont en embuscade. On n’imagine plus Alassane Ouattara refuser le pouvoir qu’on lui donnerait sur un plateau d’argent par d’éventuels putschistes comme ce fut le cas en décembre 1999. Demain ne sera plus comme hier, l’eau ayant beaucoup coulé sous les ponts. Donc attention ! Qui aime la Côte d’Ivoire doit savoir retenir son souffle : les surprises (les mauvaises) sont devant nous.

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