CRISE MALIENNE : Un peu de crédibilité ne tuerait pas les Africains

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Par Jean Paul Tédga

La France et l’Allemagne ont pris la décision d’apporter un soutien logistique à une éventuelle mission africaine au Nord-Mali, tout en excluant d’y déployer des troupes de combat. La position des autres pays européens (crise oblige !), moins impliqués que la France, en Afrique, risque de ne pas être différente. Par contre, il n’y a aucun doute sur la capacité de ces pays à apporter un soutien logistique et dans la formation, afin que l’opération s’effectue dans un maximum d’efficacité et un laps de temps réduit. Car on image l’euphorie des groupes terroristes après avoir gagné les premières batailles contre une coalition armée aux responsabilités mal ficelées et au moral défait. Ils riraient la communauté internationale sous cape et ce serait une honte mémorable pour les armées africaines engagées et leurs soutiens occidentaux. Prévenir vaut mieux que guérir.

De leur côté, les Etats-Unis seraient, aussi, prêts à soutenir une intervention armée « bien préparée » et menée par des pays africains. En d’autres termes, une « action militaire bien organisée, bien pour vue, bien pensée et agréée par les Etats qui seront directement concernés », selon Johnnie Carson, haut responsable de l’Afrique au département d’Etat américain. N’est-ce pas un double langage par excellence des Américains qui savent que l’Algérie qui passe pour un interlocuteur incontournable dans la résolution de ce conflit souhaite le règlement de celui-ci par le seul dialogue, au regard entre autres, du fâcheux précédent libyen qui reste en travers de leur gorge. La Mauritanie aussi.

jpt

D’autre part, l’Otan (Alliance Atlantique Nord) dont le principal pourvoyeur en tout, se trouve être les Etats-Unis, selon son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, n’a, non plus, aucun projet d’intervention dans le Nord-Mali dans ses tiroirs, tandis que le haut commandant des Forces armées américaines en Afrique (AFRICOM), le général Carter Ham, a assuré, lors d’un voyage d’écoute, à Alger, fin septembre, que la solution à la crise malienne ne pouvait être que « politique et diplomatique ».

Cette succession de Non Merci des leaders des pays occidentaux, qui n’entendent pas impliquer, directement, leurs forces de défense et de sécurité dans le rétablissement de l’intégrité territoriale du Nord-Mali, renvoie les Africains à leurs responsabilités. Les Africains doivent savoir que tout va reposer sur leurs frêles épaules malgré l’appel pressant aux Américains du premier ministre du Mali, Cheikh Modibo Diarra, d’intervenir militairement dans le Nord-Mali en y contribuant en avions et en forces spéciales. Le Pentagone pourrait, en effet, envoyer quelques drones comme c’est le cas, actuellement, au Yémen, en Afghanistan et en Somalie. Mais pas tout de suite. Au mieux des cas, fin novembre, après la périlleuse présidentielle américaine qui ne semble plus être une partie de plaisir pour Barack Obama.

Cela fait plus de six mois que l’Afrique, sur la question malienne, tourne en rond. Tôt ou tard, il faudra se rendre à l’évidence : la constitution d’une (petite) force de 3.300 hommes, bien entraînés, pour aller déloger les quelques dizaines ou centaines de coupeurs de bras qui sévissent, à bord de pickup volés, dans le Nord-Mali, est devenue un casse-tête chinois au point que personne n’y comprend plus rien à ce qui se passe réellement. A côté des positions de chacun des pays occidentaux sollicités, chaque pays africain dispose de sa propre grille d’analyse, outre le fait que la position du médiateur à ce conflit n’est pas exactement la même que celle du président en exercice de la CEDEAO qui, à son tour, ne voit pas les choses tout à fait de la même manière que le président en exercice de l’Union africaine. Au Mali même où tout le monde devait se montrer pressé, les dirigeants traînent le pas : les ex-put-schistes ne tiennent pas le même discours que le Palais de Koulouba. Conséquence : à cette allure, on peut parier que les islamistes fêteront le nouvel an 2013 en coupant (impunément) quelques dizaines de bras à Gao et à Tombouctou.

Le moins qu’on puisse dire, pour terminer, c’est que le Mali n’est pas encore sorti de l’auberge.

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