Le mois d’octobre 2011 aura été riche en événements de toutes sortes. Les rebelles libyens, fortement soutenus par les gouvernements français et britannique, ainsi que par l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN), bras militaire de l’Occident conquérant, se sont débarrassés du colonel Kadhafi, leur très encombrant leader qu’ils ont fini par assassiner le 20 octobre, le préférant mort que vivant. Les Camerounais et les Libériens, de leur côté, se sont rendus dans les urnes, pour réélire leur président et ce, dans la paix, mais avec une certaine appréhension quant à leur avenir. Enfin, les Tunisiens ont été massivement appelés à élire, dimanche 23 octobre, une assemblée nationale constituante qui sera chargée de rédiger une nouvelle constitution et de désigner un nouvel exécutif avant des élections générales. De tous les quatre pays cités, seule la Tunisie regarde l’avenir avec optimisme.
Le satisfecit général qui lui est donné, aujourd’hui, est le résultat du « printemps arabe » , qui a permis l’éviction du président Zine el Abidine Ben Ali du pouvoir, alors que personne ne s’y attendait. Les pays occidentaux, eux-mêmes, détenteurs des moyens de contrôle sophistiqués n’ont rien vu venir, prenant, comme les pays africains, le train de la révolution tunisienne en marche. Est-ce la raison pour laquelle les Tunisiens font montre d’avoir leur destin en main ? Sans doute : la Tunisie est l’antithèse de ce qui s’est passé en Libye.
En Libye, en effet, les Occidentaux se sont largement rattrapés. Prenant pour prétexte la répression de Kadhafi qui commençait à s’abattre sur les opposants libyens, ils ont invoqué la dictature et les massacres perpétrés par le régime de Tripoli sur des populations supposées civiles, pour imposer une intervention militaire dans ce pays. Conséquence, sept mois d’intenses bombardements de l’aviation de l’OTAN, de la France, de la Grande Bretagne et des Etats-Unis, coordonnés avec des actions militaires terrestres, ont eu raison de la résistance du colonel. Défait, il a été immédiatement assassiné quelque temps après son arrestation à Syrte, sa ville natale, le 20 octobre. Désormais, place à l’exploitation des richesses par les multinationales des pays qui ont fait la guerr e à la Libye, et qui se disputent déjà le vaste marché de la reconstruction, pendant que les tribus commencent à s’entredéchirer pour avoir le contrôle d’un introuvable leadership. L’objectif recherché est atteint : la paix va s’éloigner durablement de ce pays. Le développement aussi. Mais pas l’exploitation du pétrole et du gaz.
Au Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, Prix Nobel de la Paix 2011, est la seule femme chef d’un Etat en Afrique. Si le jury d’Oslo, composé des seuls Occidentaux, reste souverain dans l’attribution des prix, cette distinction ne peut occulter le fait que la présidente libérienne est une pure création américaine. C’est pour remplacer le très décevant Charles Taylor, aujourd’hui en prison, à La Haye, que les Américains étaient partis chercher la très docile Sirleaf du système des nations-unies où elle entendait mener tranquillement sa carrière jusqu’à la retraite et au-delà. George Weah, footballeur de son état, réel vainqueur de l’élection présidentielle d’il y a cinq ans, a vite compris qu’il n’aurait aucune chance d’accéder au pouvoir. Comme il le craignait, les Américains lui ont volé sa victoire, au point qu’il n’a même pas jugé utile de se représenter à l’élection présidentielle d’octobre 2011.
Et Paul Biya, me diriez-vous ? Restons un moment lucides. Washington, Londres et Paris, ont essayé de freiner des quatre fers sa candidature. N’est-ce pas maladroit de leur part dans la mesure où personne ne leur a demandé de se substituer aux Camerounais ? Cette ingérence qui a beaucoup choqué au-delà des cercles qui soutiennent Paul Biya, a permis de faire bloc autour de lui. Voyant comment Kadhafi a fini parce que les Libyens l’ont permis, les Camerounais ont dit : « Pas chez nous : mieux vaut manger les cailloux avec Biya que le saut dans l’inconnu » . Que Biya verrouille le système électoral pour se faire facilement réélire, cela, on le sait. Mais ce n’est pas à l’Occident de le pousser vers la porte de sortie, si lui-même n’en a nullement envie. Car sa sortie ratée ne rendrait service à aucun Camerounais, mais aux multinationales occidentales, si.
La très douloureuse histoire coloniale du Cameroun disqualifie d’office les Français d’un tel processus.
C’est aux Camerounais et aux Camerounaises seuls de demander à leur président de partir. Et non à Nicolas Sarkozy, ni à Barack Obama, ni à David Cameron, qui feraient mieux de s’occuper de leurs propres affaires, dans leur pays, où rien ne marche non plus.