L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évalue à près de 436 271 le nombre de décès attribuables annuellement au trafic illicite de médicaments en Afrique sub-saharienne. De ce chiffre, 267 000 décèdent suite à la prise d’antipaludéens contrefaits ou de mauvaise qualité, tandis que les 169 271 autres sont des enfants atteints de pneumonie aiguë, et à qui ont été administrés des médicaments de qualité douteuse
Bien que ce phénomène ne date pas d’hier, sa complexité rend difficile la compréhension de son ampleur réelle. Par exemple, différentes études situent le pourcentage de médicaments illicites circulant entre 19% et 50%, un intervalle en deçà de la réalité selon plusieurs pharmaciens basés dans les pays touchés par ce fléau, et pour qui 65% à 80% des médicaments sont visés.
La forte dépendance de l’Afrique aux importations de médicaments l’expose aux pratiques illicites qui s’en suivent. En effet, entre 70% et 90% des dépenses pharmaceutiques réalisées en 2019 en Afrique sub-saharienne correspondaient à des importations, soit un montant chiffré de 14 milliards de dollars.
Un tel volume d’importations ne peut que présenter des opportunités de gains financiers pour les esprits les plus malveillants. L’attractivité de ces opportunités augmentant davantage en situation d’inadéquation entre l’offre et la demande de traitements médicamenteux, comme c’est le cas sur une bonne partie du continent noir d’une part, et en raison de l’incapacité des autorités sanitaires à disposer de systèmes de traçabilité fiables des marchandises acheminées une fois livrées, ni de systèmes de control de la qualité des produits reçus, d’autre part.
D’après un rapport publié l’année dernière par l’Office des Nations-Unies de la drogue et du crime (ONUDC), cinq pays du Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger, Mauritanie et Tchad) jouent un rôle prépondérant dans le développement du trafic des médicaments, premièrement, parce qu’ils sont des zones de transit pour les cargaisons expédiées par voie maritime, et deuxièmement, parce que certains d’entre eux sont empêtrés dans des conflits avec des groupes terroristes. Dans ces conditions, obtenir des données exactes sur les quantités de médicaments contrefaits saisies par les forces de l’ordre est par conséquent impossible.
Ce que l’on sait par contre, c’est que la participation des factions armées dans ce trafic, contrairement, à ce que l’on pourrait penser, n’est limitée qu’à la consommation des produits, et au prélèvement de taxes dans les zones contrôlées par eux, à l’inverse des acteurs des secteurs public et privé qui sont les principaux bénéficiaires de ce phénomène (pharmaciens, professionnels de santé, fonctionnaires, officiers des forces de l’ordre, vendeurs ambulants de médicaments).
Le besoin pour l’Afrique de se doter de capacités régionales de production de médicaments urge de plus en plus.
Paul Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)