FRANCAFRIQUE : Le jeune président perd-il les pédales ?

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La France a connu plusieurs présidents aux qualités et défauts divers. Ordonnateur des indépendances africaines, Charles de Gaulle était celui qui avait permis à une génération de dirigeants africains de se reconnaître en lui. L’Ivoirien, Félix Houphouët-Boigny et le Camerounais, Ahmadou Ahidjo, par exemple, se disaient gaullistes (africains). Son successeur, Georges Pompidou, homme de lettres, affichait, plutôt, une proximité avec les hommes de culture comme l’ancien président-poète, Léopold Sédar Senghor. L’homme du trilogue (dialogue Europe-Afrique-Pays arabes), Valéry Giscard d’Estaing, fut un passage de 1974 à 1981, où sa principale marque de fabrique, en dehors de l’éternelle volonté des dirigeants de faire de l’Afrique francophone une plantation pour la France, fut d’expulser du territoire français, la magazine Afrique Asie. Son éditeur, Simon Malley, s’implanta en Belgique en attendant l’arrivée de la gauche en 1981. C’est François Mitterrand, qui marqua vraiment l’Afrique, bien que sa politique africaine mise en œuvre par Jean-Pierre Cot comme ministre de la Coopération fut long feu. Et très vite. Mais Mitterrand, l’homme de la Baule, laissa un bon souvenir avec le retour du multipartisme, partout sur le continent, retour caractérisé par la tenue des conférences nationales. Il provoqua, aussi, des changements majeurs dans des pays comme le Cameroun où arriva au pouvoir l’un de ses « meilleurs élèves » sur la plan de la démocratie, Paul Biya. Bien que Jacques Chirac déclara plus haut ce que d’autres disaient plus bas que « l’homme africain n’était pas mûr pour la démocratie », chez son protecteur, Félix Houphouët-Boigny, une déclaration diversement appréciée en Afrique, sa politique africaine pendant ses douze ans passés à l’Elysée ne pouvait pas surprendre car on connaissait l’homme. C’est par exemple lui qui signa le retour au pouvoir, en 1997, de Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville de la façon qu’on sait, au détriment d’un chef d’Etat démocratiquement élu, le professeur, Pascal Lissouba. Avec Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012, la catastrophe commença à s’installer en Afrique : la destruction de la Libye et l’assassinat de son leader, Mu’ammar al Kadhafi, ainsi que, le bombardement, en 2011, du palais présidentiel à Abidjan où s’était réfugié le président, Laurent Gbagbo, afin d’y installer Alassane Ouattara. Ce dernier est toujours en place, après s’être octroyé un troisième mandat auquel il n’avait pas droit. On a, aujourd’hui, le résultat de cette politique avec l’extension du djihadisme dans le Sahel, que l’armée française (Barkhane) est incapable d’enrayer. D’où son expulsion du Mali. François Hollande, lui, marqua son passage de cinq ans à l’Elysée, en soutenant entre autres, le maintien au pouvoir du dictateur Sassou-Nguesso qui venait de changer la constitution pour y mourir. Hollande lui donna « quitus » avant de se raviser le lendemain. Mais trop tard. L’ogre de Brazzaville prit cela comme prétexte pour affirmer que Paris ne voyait pas d’un mauvais œil le changement de la constitution au Congo.

Après avoir connu le pire et le moins pire chez les présidents français, on pensait que l’arrivée du jeune président, Emmanuel Macron, en 2017, allait donner un souffle nouveau à la relation franco-africaine. De la fraîcheur. Mais c’est le contraire. Il fait même pire que ses prédécesseurs, en tous points de vue. La jeunesse est donc synonyme de médiocrité ? Non seulement, sa politique africaine qui est une sorte de navigation à vue a signé le retour de la Russie (ce que les Africains ont fini par apprécier), mais elle a fini par assurer la consolidation de la Chine en Afrique, ainsi que, l’arrivée des protagonistes sérieux comme la Turquie et l’Inde. Maintenant, cette France de Macron qui ne sait plus où donner de la tête en Afrique, se met à couper la parole à ceux qui disent Non à sa fâcheuse politique coloniale. Comme si les Africains devaient accepter de se faire abattre sans protester. Macron finalement est une calamité. Il faut le dire. Il ne peut espérer être compris en Afrique. C’est impossible. Le fait qu’il empêche une activiste, Nathalie Yamb, qui ne fait que son travail de chauffer la mauvaise politique de la France en Afrique, est un signe qui montre la perte de la France en Afrique. Une perte totale qui la rend folle. On n’aura jamais suffisamment de mots assez durs pour qualifier cet acte barbare du jeune président français. Tout simplement condamnable, voire, méprisable.

La Suisso-Camerounaise, Nathalie Yamb (sur notre photo avec Jerry Rwalings), a reçu, vendredi, 14 octobre, par lettre recommandée, l’arrêté pris à son encontre en janvier 2022, l’interdisant de territoire en France. Très active sur les réseaux sociaux, où elle affiche un compte Twitter de plus de 200.000 abonnés, et une chaîne You Tube, particulièrement courue, Nathalie Yamb est (faussement) accusée par les dirigeants français d’encourager le recours à la violence à l’encontre des symboles de la présence française en Afrique.

On se demande comment. Par de simples mots sortis du dictionnaire français ? Vraiment la honte envahit la direction politique française. Ce pays perd le Nord ! Il n’y a rien d’autre à dire.

Les autorités françaises estiment qu’il « est à craindre que sa présence en France provoque de graves troubles à l’ordre public ». Du n’importe quoi !

Merci aux dirigeants français d’avoir fait sa publicité. Gratuitement. Car la France dans cette affaire sera l’arroseur arrosé. Qu’on prenne le pari que l’image de la France en Afrique s’enfoncera encore plus, dans les temps à venir, et la Russie qui ne demandait pas tant, s’en trouvera inversement proportionnelle grandie.

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