FRANCE-CAMEROUN : Macron parlera-t-il des massacres de son pays ?

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Du 25 au 27 juillet 2022, Emmanuel Macron visitera le Cameroun, le pays de Ruben Um Nyobè, Félix-Roland Moumié, Ernest Ouandié, Osendé Afana, tous assassinés par la France pour avoir voulu un Cameroun libre et souverain.

Les historiens les plus sérieux soutiennent que la répression des nationalistes camerounais par l’armée française fit, entre 1955 et 1964, des dizaines de milliers de morts, membres de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et civils confondus (cf. Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, ‘La Guerre du Cameroun (sur notre photo, Said Bouamama présente le recueil de pensées de Ruben Um Nyobe). L’invention de la Françafrique’, Paris, La Découverte, 2016). Et pourtant, Ruben Um Nyobè était contre la violence et la lutte armée. C’était un combattant modéré et non extrémiste mais “il ne reste souvent à l’opprimé d’autre recours que d’utiliser les méthodes qui reflètent celles de l’oppresseur”. Et Nelson Mandela d’ajouter : “Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime defense.” (cf. ‘Un long chemin vers la liberté’, Paris, Fayard, 1995)

En mai 2009, en visite officielle à Yaoundé, François Fillon, premier ministre du voyou et inculte Sarkozy, se permit d’affirmer ceci : “Je dénie absolument que des forces françaises aient participé en quoi que ce soit à des assassinats au Cameroun. Tout cela, c’est de la pure invention !” C’est ce qu’on appelle ajouter l’arrogance et le mépris à la barbarie. Achille Mbembe, qui a contribué à faire connaître le juste combat de Ruben Um Nyobè, a souhaité au sommet Afrique-France de Montpellier (8 octobre 2021) que les Africains soient moins hargneux et plus indulgents vis-à-vis de la France parce que les lignes, d’après lui, bougeraient positivement dans la relation entre Paris et ses ex-colonies. Feu Marcel Amondji pensait, quant à lui, que la colonisation française ne sait pas s’arrêter. Est donc fausse l’idée selon laquelle la France a abandonné les coups tordus, l’immixtion dans nos affaires internes, le pillage de nos matières premières, le bashing et l’assassinat des Africains qui lui tiennent tête. Il faut être naïf ou de mauvaise foi pour croire que cette France s’est convertie au droit, à la justice, à la vérité et à l’humilité. Voilà pourquoi il serait imprudent de se fier aux paroles mielleuses que prononcera le jeune Macron au Cameroun. Les Camerounais et les Africains en général doivent exiger des excuses et des réparations pour les nombreux crimes de la France sur le continent.

Jean-Claude DJEREKE

Professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

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