FRANCE /CONGO-BRAZZAVILLE : Demande de libération du général Mokoko dans un courrier à Emmanuel Macron

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« Monsieur le président, Emmanuel Macron, faites libérer le Saint-Cyrien général, Jean-Marie Michel Mokoko, Commandeur de la légion d’honneur (française) détenu abusivement depuis 6 ans au Congo ». C’est le cri de cœur des Congolais, dans leur écrasante majorité, et singulièrement, du spécialiste des droits de l’homme, Me Maurice Massengo-Tiassé.

Monsieur le président, Emmanuel Macron, honorez la France et respectez les grands principes démocratiques et de libertés proclamés à Paris en décembre 1948.

Monsieur le président de la République française, faites libérer le général, Jean-Marie Michel Mokoko, détenu abusivement depuis six ans au Congo-Brazzaville, malgré l’intervention timide de votre ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian en 2018 et la demande des experts onusiens (Notre photo montre que Denis Sassou-Nguesso et Emmanuel Macron sont deux véritables complices).

Né le 19 mars 1947 ( 75 ans), Jean-Marie Michel Mokoko a notamment exercé les fonctions de chef d’état-major général des Forces armées du Congo-Brazzaville et de conseiller du président Denis Sassou-Nguesso.

Candidat à l’élection présidentielle de mars 2016, il recueille 37 % des voix et arrive en tête au 1er tour du scrutin. Le président-candidat sortant, Denis Sassou-Nguesso, avec 8% des suffrages exprimés est éliminé. Mais, il s’auto-proclame vainqueur. Les forces soutenant le général, Mokoko, appellent à la désobéissance civile. Arrêté le 16 juin 2016, le général, Mokoko, est condamné le 11 mai 2018 à 20 ans de prison pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ».

Le général, Mokoko, a une très bonne formation : il commence à l’Ecole militaire préparatoire Général Leclerc à Brazzaville, ensuite, il prépare le concours d’entrée à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, à la Corniche Bournazel du Lycée Dumont d’Urville de Toulon avant d’intégrer, en 1970, l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.

Pendant cette période, l’école est dirigée par le général de brigade, Jean Richard.

De 1970 à 1972, il est élève-officier appartenant à la promotion 157 « Général de Gaulle » tout comme les anciens CEMA (Chef d’état-major des armées) ivoirien et sénégalais, le général, Mathias Doué, et le général, Babacar Gaye, le feu général, Ilunga Shamanga, chef d’état-major particulier du maréchal, Mobutu Sese Seko, et les officiers français suivants : le général, Bernard Périco, ancien commandant de la Brigade des sapeurs pompiers de Paris, le général de corps d’armée, Jean-Loup Moreau, et le général, Elrick Irastorza, ancien chef d’état-major de l’armée de terre française.

Jean-Marie Michel Mokoko poursuit ses études à l’Ecole d’application du génie d’Angers. Il est ensuite diplômé de l’Ecole d’état-major de Compiègne.

De 1977 à 1983, de retour dans son pays, il est directeur central du Génie. A l’époque, le colonel, Victor Ntsikakabala, était chef d’état-major général.

De 1983 à 1987, il est commandant de la zone autonome de Brazzaville et du 3e Régiment d’infanterie motorisée.

De 1984 à 1987, Il est commandant des Forces terrestres cumulativement avec les fonctions antérieures.

De 1987 à 1993, Il est chef d’état-major général des Forces armées congolaises.

Le 1er janvier 1990, il est élevé au grade de général de brigade.

Lors de l’avènement de la démocratie, Jean-Marie Michel Mokoko tente de dépolitiser les forces armées pour réduire l’influence des militaires dans la vie politique congolaise.

Du 25 février au 10 juin 1991, il assure la sécurité et le bon fonctionnement de la Conférence nationale souveraine, qui a permis d’engager le processus démocratique au Congo.

Participation régulière aux sommets des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine et du Conseil de paix et sécurité de l’U.A.

– Co-président du groupe des experts du Groupe de contact mis en place par l’Union africaine (à la suite des Accords de Tripoli du 8 février 2006 et de Dakar du 13 mars 2008) – chargé de la planification d’une Force de paix et de sécurité à la frontière du Tchad et du Soudan.

– Participation aux réunions des cinq chefs d’Etat sur la crise libyenne (2011).

Du 15 octobre 2014 au 21 février 2016 – représentant spécial de la présidente de la Commission de l’Union africaine, et chef de la Mission de l’Union africaine en Centrafrique et en Afrique centrale (MISAC).

– Président du G8 (le Groupe de 8 composé de : l’Union africaine, les Nations-Unies, l’Union européenne, la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), la France, les Etats-Unis d’Amérique, le Congo-Brazzaville, la Banque mondiale).

• Les missions assignées au G8 étaient de mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité sur la Centrafrique :

– la restauration de la paix et de la démocratie, l’autorité de l’Etat, la sécurisation du territoire, l’installation des autorités de transition à Bangui et à l’intérieur du pays ;

– l’organisation du premier tour des élections présidentielle et législatives avant le 31 décembre 2015.

Du 28 novembre 2013 au 15 octobre 2014 (un mois après le transfert d’autorité de la MISCA à la MINUSCA)

– Représentant spécial de la présidente de la Commission de l’Union africaine, et chef de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA)

Jean-Marie Michel Mokoko est nommé général de division (2ème section) en décembre 2013 :

• Adjoint et conseiller spécial de Pierre Buyoya, haut représentant de la présidente de la Commission de l’Union africaine pour le Mali et Sahel, chef de la MISAHEL et Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) (du 22 février 2013 au 1er août 2013) ;

– Participation à la montée en puissance de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (janvier au 1er juillet 2013).

Compte tenu des violations massives des droits de l’homme au Congo et des violations des acquis de la Conférence nationale souveraine, les différents comités de la société civile et des communautés nationales demandent au général, Mokoko, de se porter candidat pour mettre fin aux dérives dictatoriales d’un régime clanique qui a monopolisé tous les leviers du pouvoir. Il accepte.

En septembre et octobre 2015, lors des marches de protestations contre le référendum à Pointe-Noire et à Brazzaville, certains manifestants arboraient des banderoles à son nom, voyant en lui un possible recours pour l’alternance politique au Congo où Sassou-Nguesso confisque le pouvoir par la terreur et les crimes.

Mais avant cela, en juillet 2015, le général, Mokoko, s’oppose publiquement au projet de réforme constitutionnelle. Sassou s’énerve et son ministre de la Défense tente de l’en dissuader. Peine perdue, il présente sa lettre de démission en février 2016 au président Denis Sassou-Nguesso. Le général revient sur ce sujet et enfonce même le clou : « Ce qui se passe depuis lors dans notre pays n’a fait que conforter ma prise de position ».

A l’annonce de sa candidature début février 2016, le général, Mokoko, va déclarer : « Au regard de la situation qui prévaut au Congo, le moment est venu pour moi de me présenter pour porter la voix du peuple. Car l’heure est grave et la situation politique du pays n’a cessé de se détériorer. Il est temps d’écouter les Congolais qui veulent reprendre leur destin en main. Le président, Denis Sassou-Nguesso, doit l’entendre et se retirer comme un homme de paix. C’est un tournant dans ma vie. J’ai pris le temps de réfléchir. Je suis prêt. Je suis en mesure de proposer des solutions à mes compatriotes ».

Le général du peuple a même ajouté : « Mais pour moi c’est très clair : si la commission électorale indépendante ne devient pas vraiment indépendante et si la transparence du scrutin n’est pas garantie, alors il faudra réagir. Ce sont les Congolais qui décideront de la suite. Un soulèvement populaire et pacifique n’est pas à exclure. Moi, je me rangerai du côté du peuple » (fin des citations).

A son retour au pays, le pouvoir de Sassou désemparé s’attaque aux partisans du général à l’aéroport de brazzaville. Nombreux d’entre eux sont molestés. Son cortège est attaqué à coups de pierre. Il y a même des bagarres entre la sécurité du général et les sbires du pouvoir.

Il est escorté par des éléments de la MISCA et sa garde nationale congolaise, à son arrivée à Brazzaville. Mais celle-ci s’est transformée en véritable guet-apens contre le soldat de la démocratie et candidat du peuple qu’il est. Son convoi est donc la cible de jets de pierre et de gaz lacrymogènes. Un élément en charge de la sécurité du général est blessé. Un de ses conseillers est touché à la tête. Il succombera deux ans après, des suites de son traumatisme crânien.

Des documents et un téléphone du général ont été dérobés. Il dénonce une « tentative d’intimidation du pouvoir ». « Un de mes cousins, qui était là, m’a tout de suite pris, m’a poussé dans la voiture et c’est à partir de là que j’ai commencé à subir les tirs de lacrymogènes et des jets de gros cailloux », avait expliqué à la chaîne de télévision France 24 le général, Mokoko.

« Mais le parking de l’Aéroport de Maya-Maya est bitumé, et donc, il n’y a pas de cailloux qui traînent, continue M. Mokoko. C’est donc des cailloux, qui ont été amenés là par préméditation. Je tiens à signaler que les deux minibus, qui ont amené ces messieurs-là étaient sans immatriculation, et pour moi, c’est la police nationale qui a organisé cette réception de la façon la plus sauvage qui soit. On pense pouvoir m’intimider pour que je retire ma candidature. Maintenant, s’ils décident de me tuer, ils n’ont qu’à le faire ».

Cet accueil mouvementé était le signe que le pouvoir n’était pas prêt à organiser une élection apaisée. Ce qui s’est passé dans le périmètre de l’aéroport à l’arrivée du général, Mokoko, relevait de la responsabilité du pouvoir.

La population a condamné fermement les méthodes et les intimidations du pouvoir, après avoir attenté trois mois plus tôt en octobre 2015 à la vie de Me Massengo-Tiassé l’un des animateurs des Comités de soutien à la candidature du général, Mokoko.

Aussitôt, la société civile s’organise pour soutenir Jean-Marie Michel Mokoko, le Centre panafricain des droits de l’homme, qui abrite le siège de Forum Radio Télévision des droits de l’homme, devient le siège des Comités de soutien à la candidature du général.

Le général apparaît dans une vidéo (tournée il y a quelques années) où il se laisse aller dans une discussion avec un élément français des Services, qui le fait parler. Il fait des déclarations que le pouvoir prend comme alibi pour chercher à mettre la main sur lui, dès son arrivée à Brazzaville.

La raison avancée par les forces gouvernementales pour l’expliquer se base sur la décision de la justice congolaise d’accélérer la procédure. Son arrestation le 16 juin 2016 n’est donc qu’un règlement de compte, une farce, une affaire fantaisiste de tentative de putsh contre Sassou-Nguesso.

Certes, le général, Mokoko, avait en effet été mis en cause dans cette fameuse vidéo tournée en 2007 le montrant en discussion pour chasser Denis Sassou-Nguesso du pouvoir. C’était une machination.

Mais, cette arrestation intervient près de 10 ans après les faits. Surtout que depuis cette date, aucune tentative de putsch n’a eu lieu. En plus, entretemps, le général, Mokoko, a assumé la charge de conseiller spécial du président, haut représentant de l’UA en RCA et ensuite, candidat à la présidentielle de mars 2016.

Rancunier et dangereux comme un crocodile ou un serpent, Sassou-Nguesso s’est vengé de son ancien collaborateur Jean-Marie Michel Mokoko, après l’avoir assigné à résidence pendant plusieurs mois de mars à juin 2016. Sassou-Nguesso ne veut rien entendre même de ses amis français.

Pour régler ses comptes avec Jean-Marie Michel Mokoko, son prisonnier personnel, Sassou-Nguesso hausse le ton et fait un chantage à la France du jeune président français, Emmanuel Macron.

Le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire avait préconisé la libération immédiate du général Jean-Marie Michel Mokoko. L’avis des experts onusiens avait conclu que l’assignation à domicile et la prolongation de la détention du général en 2016 manquaient de fondement légal. L’avis a même noté également une ingérence substantielle des autorités congolaises dans le droit à un procès équitable. Donc une justice aux ordres.

Monsieur le président de la République française, ne soyez pas frileux lorsqu’il s’agit de la situation des violations massives des droits de l’homme en Afrique et particulièrement au Congo-Brazzaville.

Au cours de ce 2è mandat après avoir éloigné Jean-Yves Le Drian, nous espérions compter sur votre nouvel engagement pour l’Afrique et pour le respect et l’application des droits de l’homme.

Le 08 juin 2022 à 14h30

Me Maurice Massengo-Tiassé

Docteur d’état en droit.

Ancien Vice-Président de la Commission nationale des droits de l’homme du Congo

Président Fondateur du Comité international pour le respect et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CIRAC) et Président du Réseau Forum Radio Télévision des droits de l’homme (FRTDH).

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