FRANCE : Emmanuel Macron réélu par défaut dans une nation fracturée

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A 20H00, heure française, les chaînes de télévision donnaient la victoire à Emmanuel Macron, avec 52% des suffrages qui évolueront au cours de la nuit pour se situer à 58,54%, soit 18.779.641 voix, selon le ministère de l’Intérieur. On ne dira pas Félicitations au président réélu parce qu’il l’est par défaut et le président le plus mal réélu de la 5e République. Les Français ne voulaient ni de lui, ni de Marine Le Pen (41,46% soit 13.297.760 suffrages). Les Africains, encore moins, parce que pendant son premier quinquennat, Emmanuel Macron les a malmenés, méprisés, moqués et humiliés. Avec lui, ce fut la «totale ».

C’est vrai que sitôt sa victoire annoncée, à 20H00, il a reçu, rapidement, des messages de félicitations de Macky Sall, président du Sénégal et président en exercice de l’Union africaine, et de Mohamed Bazoum, président du Niger. Il a, aussi, reçu un long télégramme de félicitations du président de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara. Ce dernier lui a dit combien il était heureux de sa victoire et combien il comptait être à nouveau à ses côtés pour continuer à torpiller toutes les initiatives de l’Afrique qui vont vers son indépendance réelle et sa souveraineté (sur notre photo, Emmanuel Macron est entouré de présidents qui ne sont plus en fonction).

On se rappelle qu’en décembre 2019, Emmanuel Macron s’était rendu en visite officielle en Côte d’Ivoire où, avec Alassane Ouattara, il avait lancé la monnaie ECO en remplacement du F CFA qui a cours dans les huit pays de l’UEMOA (Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin, Togo, Burkina Faso, Guinée Bissau, Mali et Niger). Les griefs que les Africains nourrissent contre cette monnaie française utilisée par les huit pays africains sont nombreux : confiscation de la souveraineté, contrôle des instances de décision à tous les niveaux, impossibilité des Africains de concevoir une politique monétaire autonome, et depuis quelque temps, la France est accusée de financer les mouvements djihadistes et autres en Afrique avec ce F CFA. Celui-ci est fabriqué en France, dans la commune de Chamalières (département du Puy-de-Dôme), sous le contrôle (exclusif) des seules autorités françaises. Ces dernières peuvent donc disposer de montants de F CFA dont elles ont besoin (sans frais), pour financer différentes rébellions en Afrique. Et c’est semble-t-il ce dont la France est de plus en plus accusée. Il faudra sans doute que le président réélu (par défaut) s’explique sur cette question. Les Africains sont parfois surpris, de lire dans certains réseaux sociaux que dans les rébellions de Centrafrique ou de Boko Haram, les rebelles ont, parfois, des salaires de chef de service dans l’administration centrale dans les pays concernés. Qui leur donne tout cet argent ? Voilà sans doute pourquoi on lutte, parfois, pour se faire recruter comme rebelle ou djihadiste en Afrique centrale et dans le Sahel. Et pour cause ! Il faudra absolument une clarification d’une telle accusation qui est d’une gravité extrême.

Revenons à la création de l’ECO de l’UEMOA. Cette initiative des deux présidents a été initiée juste pour torpiller la décision des chefs d’Etat de la CEDEAO (les huit pays de l’UEMOA ainsi que le Nigeria, le Ghana, le Liberia, la Sierra Leone, la Gambie, le Cap Vert et la Guinée-Conakry) qui avaient décidé de créer une monnaie commune, l’ECO, dans le but de renforcer leur intégration économique et monétaire. La preuve, c’est qu’après avoir réussi cette opération de sabotage, Alassane Ouattara qui est celui qui combattait le plus la création de l’ECO de la CEDEAO, n’a plus fait prospérer l’idée de l’ECO de l’UEMOA, avec son homologue français. Le F CFA est de nouveau souverain et impérial en Afrique de l’Ouest, au grand malheur des populations concernées.

Ainsi, la France va, donc, continuer à avoir la main-mise et le contrôle total sur le F CFA BCEAO, comme c’est aussi le cas pour le F CFA BEAC. Le rejet des Africains de cette monnaie ne lui dit rien d’autant qu’elle « tient » les dirigeants africains des pays membres de la zone franc. Et on est étonné que l’image de la France soit catastrophique en Afrique ou au Quai d’Orsay et à la cellule africaine de l’Elysée, on se borne (hypocritement) à insulter la Russie d’être à l’origine de la désinformation sur la France. Je dis Pauvre Russie ! Pauvre Poutine devenu le souffre-douleur de la France.

On comprend que si l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017 avait suscité beaucoup d’espoir en Afrique quand il évoquait la naissance d’une autre politique africaine de la France basée sur le respect mutuel et la considération réciproque, un espoir qui a été très vite déçu, pour ce deuxième mandat, il n’y a rien à espérer parce que ce sera la continuité.

L’Afrique surtout francophone rêve d’une coopération gagnant-gagnant avec la France. Elle exige que l’Afrique soit débarrassée des bases militaires françaises car celles-ni ne sont là que pour montrer aux Africains que leur indépendance acquise dans les années 60 est sous surveillance française. Comment veut-on que l’image de la France en Afrique s’améliore ?

Emmanuel Macron a montré ces cinq dernières années qu’il était, bien que, jeune, un impérialiste, un colonialiste hors pair. A la limite, plus que de Gaulle et Mitterrand réunis. Est-ce parce qu’il appartient à l’élite qui défend les « très riches » comme on le lui reproche en France ? Or, cette fortune de ces « très riches » s’obtient en Afrique, qui doit, selon cette logique, restée un marché captif, complètement sous le contrôle français. Voilà pourquoi Macron a repris la Françafrique à son compte. Et c’est la raison pour laquelle les Africains ont le devoir de faire cesser ce scandale. Si cela ne marche pas par le bulletin dans l’urne (à cause des élections truquées), cela devra forcément marcher par des coups d’état comme au Mali, en Guinée et au Burkina Faso. Contrairement au passé, ces coups d’état sont tous populaires et ont tous été salués par les peuples concernés. Mais aussi ailleurs en Afrique.

Conclusion, les peuples d’Afrique face au rouleau compresseur dont ils victimes, n’ont plus le choix, que de foncer droit pour démolir l’obstacle.

Par Paul TEDGA

NB : Ce texte peut être trouvé en page 3 dans le présent numéro d’Afrique Education ( numéro 508 de mai 2022) encore chez les marchands de journaux pour quelques jours.

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