Nommée secrétaire d’Etat au Développement durable, auprès de la ministre de l’Ecologie et du Développement durable, Tokia Saïfi est devenue à 42 ans, la première personnalité issue de l’immigration maghrébine dans un gouvernement de la 5e République. Cette nomination rompt avec les habitudes si on se rappelle que la dernière nomination d’une personnalité issue de l’immigration date de 1991, avec Kofi Yamgnane, d’origine togolaise, que François Mitterrand, contre toute attente, avait propulsé au ministère des Affaires sociales et de l’Intégration. Cela durait donc depuis 1993, année du retour de la Droite au pouvoir avec Edouard Balladur comme premier ministre, qu’on n’avait plus vu un ministre d’origine étrangère dans le gouvernement de la France. A l’heure des symboles qui montrent la volonté du président de construire une « France ensemble », slogan de sa campagne électorale, l’arrivée de Tokia est un signal fort à la France des banlieues.

Cela dit, le besoin de représentation de la communauté négro-africaine en France est aussi important. Ne pas en tenir compte peut être interprété comme la volonté des nouvelles autorités de continuer à ignorer une minorité qui est de loin, la plus démunie et la plus défavorisée de France. Je ne veux pas dire que les banlieues « noires » trouveront la solution à leurs multiples problèmes dans (ou avec) la nomination d’un Koné ou d’un Abessolo dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Encore que la grande majorité des négro-africains et des arabo-berbères sont d’accord, aujourd’hui, pour dire que les trois années passées par Kofi Yamgnane au ministère de l’Intégration leur ont été d’une très grande utilité. On ne s’attaquera pas aux maux qui minent les banlieues en esquivant les problèmes de fond qui s’y posent et qui nécessitent des solutions qui peuvent fâcher certaines personnes. S’il ne devait tenir compte que de l’avis de ses fameux généraux et de son état-major politique, De Gaulle, on le sait, n’aurait jamais eu le courage de donner l’indépendance politique à un pays comme l’Algérie. Pourquoi son héritier, aujourd’hui à l’Elysée, n’en ferait-il pas un motif d’inspiration pour son action future ? Autre sujet d’inquiétude pour les Africains d’Afrique : la disparition totale d’un ministère chargé de la Coopération avec l’Afrique. C’est une erreur d’en arriver là alors que le souhait des partenaires de la France en Afrique va plutôt vers le renforcement des compétences d’un vrai ministère de la Coopération. En effet, l’expérience des quatre dernières années a montré que les dirigeants africains n’avaient réellement plus d’interlocuteur valable ni à la rue Monsieur ni au Quai d’Orsay où les fonctionnaires n’ont pas la même capacité d’écoute des problèmes spécifiquement africains. A l’heure du NEPAD où l’Afrique entend prendre son destin en main avec Jacques Chirac comme son principal avocat au sein du G 8, il est urgent de changer de fusil d’épaule. Il ne s’agit pas de refaire un ministère (colonial) de la Coopération mais un ministère délégué qui disposerait des compétences et des responsabilités suffisamment élargies pour qu’on ne dise plus en Afrique que la France a tourné le dos au continent noir.

Ce qui suppose que si Afrique Education téléphone à la rue Monsieur pour avoir quelques informations concrètes sur la politique africaine de la France dans le domaine de l’enseignement et de la recherche, par exemple, qu’on ne lui réponde pas de rappeler dans six mois, alors qu’on sait pertinemment que même au bout de cinq ans, il n’y aura rien de fait.

Nous attendons donc avec impatience, le deuxième round des nominations inspirées par le président Jacques Chirac, au lendemain des élections législatives des 9 et 16 juin, en espérant que les Français transformeront l’essai en permettant à la Droite de montrer réellement ce dont elle est capable quand elle tient tous les leviers du pouvoir entre les mains : présidence de la République, gouvernement, sénat, assemblée nationale, conseil constitutionnel, etc.