FRANCE : Tariq Ramadan ou la mise à mort d’un intellectuel musulman brillant ?

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L’intellectuel musulman, Tariq Ramadan, est arrivé, mardi, 5 juin, matin, au tribunal de Paris, pour son premier interrogatoire depuis son incarcération pour viols en février, une audition qui pourrait conduire à sa mise en examen pour des agressions sur une troisième femme. Les faits qui sont reprochés à cet intellectuel sont graves, surtout, dans la société occidentale où la perception de la vie ainsi que ses codes ne sont pas les mêmes qu’en Afrique, d’où vient l’accusé. La justice, de son côté, ne fait pas de quartier quand il s’agit d’appliquer la loi dans ce domaine, et protéger les plus faibles. Mais, après avoir dit tout ceci, on est quand même en droit de se poser la question de savoir si la procédure ne permettait pas de traiter l’accusé avec un peu plus de dignité ?

Intellectuel musulman brillantissime, Ramadan était un des rares musulmans (sinon le seul) à dominer ceux qui lui portaient la contradiction en France. Sur certains plateaux de télévision, ils humiliaient, parfois, ses intervieweurs, tellement, il était à l’aise dans ses explications. L’ayant pris à défaut dans ces affaires de bas de ceinture, n’en profite-t-on pour lui régler quelques comptes qu’on n’était incapable de lui régler dans le cadre d’un débat public transparent ? Ne cherche-t-on pas à briser le mythe, la célébrité, l’attirance, le rayonnement intellectuel d’un homme qui, en France, avait réussi à mettre les intellectuels hexagonaux (y compris de renom) à leur place, de par son éloquence et la puissance de ses démonstrations ? Bien sûr que nous voyons le problème sur la forme et non sur le fond. Mais, la forme ne conditionne-t-elle pas parfois le fond surtout quand l’emballement médiatique s’en mêle comme dans cette Affaire Ramadan ?

L’Affaire Ramadan pose, une fois de plus, le problème de manque d’unité des Arabes. Car, depuis son incarcération, aucun régime arabe grand ami de la France, n’a levé le doigt, pour demander la libération de cet intellectuel suisse d’origine égyptienne. Pourtant, il parcourait le monde arabe pour y faire des conférences qui étaient très courues. Ils se retrouvaient rarement dans un pays arabe dans y rencontrer ses dirigeants. Les musulmans d’Afrique sollicitaient, aussi, son intelligence. Il y a deux ou trois ans, ceux de Côte d’Ivoire l’avaient invité, à Abidjan, pour une série de conférences publiques, qui lui permirent de laisser une très bonne impression (qu’ils avaient déjà de lui). Non, Tariq Ramadan, en cette période du ramadan, ne devrait pas être abandonné par les musulmans, comme cela semble être le cas, à commencer par les (grands) musulmans de France.

Détenu à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes en raison de sa sclérose en plaques, l’islamologue suisse de 55 ans, qui nie, catégoriquement, les accusations, est arrivé peu après 10H00 (08H00 GMT) au tribunal, ce matin (sur notre photo en train de montrer son visa. Il voulait demander la nationalité française).

Mis en examen le 2 février pour deux viols, dont un sur personne vulnérable, Tariq Ramadan est visé depuis le mois de mars par la plainte d’une troisième femme.

Il doit être interrogé, mardi, pour la première fois, sur les accusations de cette quadragénaire, pour lesquelles le parquet de Paris a requis sa mise en examen.

Mounia Rabbouj, ancienne escort-girl et protagoniste du procès pour proxénétisme du Carlton aux côtés de Dominique Strauss-Kahn, affirme avoir été violée, à neuf reprises, en France, à Londres et à Bruxelles, de 2013 à 2014.

Pour prouver la relation sexuelle avec Tariq Ramadan, elle a versé au dossier une robe noire tachée de sperme et les résultats des tests ADN sont attendus prochainement.

A l’inverse, la défense affirme avoir déposé, lundi, 4 juin, « plus de 300 vidéos et plus de 1.000 photos » témoignant d’une relation consentie entre l’intellectuel et cette femme, dans l’espoir de convaincre les juges de renoncer à cette mise en examen.

L’audition pourrait s’étaler sur deux jours, selon des sources proches du dossier.

Si le prédicateur devait reconnaître une relation adultère, éloignée des enseignements qui ont fait sa célébrité, ce serait un nouveau coup porté à l’aura de celui qui fut une rare figure médiatique et populaire de l’islam en Europe. N’est-ce pas ce que cherchent ses détracteurs : le casser intellectuellement car il dérange ?

En Suisse, une quatrième femme a porté plainte et son témoignage doit, encore, être versé au dossier français.

L’enquête, démarrée en octobre, reposait, initialement, sur les accusations d’anciennes admiratrices du prédicateur –la militante laïque et ancienne salafiste, Henda Ayari, et une femme connue sous le pseudonyme de « Christelle »– qui ont décrit des rapports sexuels forcés d’une grande violence.

En garde à vue, Tariq Ramadan a reconnu les avoir rencontrées en public, une seule fois, chacune, mais, a nié tout rapport sexuel. Confronté à « Christelle », il a admis un « jeu de séduction » dans leurs échanges électroniques.

S’appuyant sur une expertise médicale, qui a jugé que son traitement pouvait être suivi en prison, la Cour d’appel de Paris avait rejeté, le mois dernier, sa première demande de mise en liberté.

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