GABON : Une fête de l’indépendance du 17 août (Morne Terne)

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Le défilé du 58e anniversaire de l’indépendance sur le Front de Mer aura été l’un des plus courts de l’histoire du Gabon : 1h30, et le boulevard s’est vidé de son monde. La veille, devant 1,5 million de Gabonais, le président de la République, Ali Bongo Ondimba, a essayé de remobiliser ses compatriotes en les assurant du bienfondé de ses réformes dont le but est d’équilibrer les comptes publics et créer les emplois. Le président a égrainé la liste de ce qu’il y a à faire : une tâche tout simplement titanesque à commencer par le secteur de l’Education nationale où on n’a compté aucune Mention Très Bien ni Bien au Bac 2018. Mais qu’on compte sur le chef de l’Etat : il n’y a pas là motif à découragement. Au contraire, il faut se retrousser les manches.

Il y a un peu de tout dans le discours que le président de la République a prononcé, jeudi, 16 août, soir, à la télévision gabonaise, à l’occasion du 58e anniversaire de l’indépendance. Qu’on soit éducateur, membre du secteur médical, de l’industrie, des Forces armées et de police, du clergé ou simple idéologue, personne n’a été oublié. Au risque de créer la polémique, le président a invité ses compatriotes à être de bons « patriotes » et non des « nationalistes » : « A l’heure où nous devons plus que jamais magnifier notre patrie, célébrer notre indépendance et rechercher dans notre vécu commun, les ressorts de notre passion pour le Gabon, force est de constater que certains compatriotes, de plus en plus nombreux hélas, se laissent tenter par les idées populistes, irresponsables et dangereuses, qui au nom d’un prétendu nationalisme, prônent le repli sur soi et le rejet de l’autre, du seul fait de ses origines ». Pour le président,  » Le nationalisme est le rejet de l’autre au nom de la nation, le patriotisme est au contraire l’acceptation et l’implication de l’autre, quelles que soient ses origines, dans l’œuvre de construction de cette même nation » (fin de citation). Ali Bongo Ondimba est sans doute dans le vrai quand on observe le monde actuel. Mais n’est-il pas trop en avance sur son temps, sur ses compatriotes ?

Son discours n’a pas été qu’idéologique. Il a, aussi, appuyé là où ça fait mal : les réformes qui touchent au portefeuille des Gabonais. En juin, son porte-parole, Ike Nguoni, rappelait, à juste titre, aux journalistes venus l’écouter que l’Etat dépense, en moyenne, 60 milliards de F CFA de salaires, par mois, soit 59% des recettes fiscales alors que la CEMAC prescrit un maximum de 35%. L’effort à faire est donc notable. Et pour ne pas perdre du temps, le chef de l’Etat n’a pas attendu les élections d’octobre pour lancer les réformes qui fâchent. Il n’y a pas un secteur qui ait été épargné : à la présidence de la République même, Ali Bongo Ondimba a dû se séparer de … 40% de ses collaborateurs parmi lesquels certains de très longue date. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, les autres institutions sont priées de faire de même. Avec cette réduction des équipes, on escompte une économie de 70 milliards de F CFA, soit un peu plus d’un mois de salaires, qui iront financer des réformes qui favorisent l’emploi des jeunes.

L’éducation : le président a parlé de secteur « sinistré ». Si le dictionnaire proposait un mot plus fort pour montrer l’état de celui-ci, il l’aurait utilisé. Entre grèves et manifestations, revendications de toutes sortes des syndicats, personnels insuffisamment formés et démotivés, ingérences politiques diverses, matériel didactique et lieu d’accueil des apprenants pas à la hauteur d’un pays comme le Gabon, etc. la réponse à apporter dans ce secteur est titanesque. Il faut y entreprendre une certaine « révolution », a-t-il prescrit. Le président n’en est pas pour autant effrayé : juste le dialogue avant de faire ensemble ce qui aura été décidé de commun accord.

Car le seuil critique est dépassé : pas de mention Bien ni Très Bien au Bac en 2018. Une incroyable contre-performance digne d’un pays en conflit ou en guerre, ce qui n’est nullement le cas du pays de feu le patriarche Ondimba. Il faut, donc, sans tarder s’y attaquer, de manière frontale, sinon, le Gabon aura, pour toujours, hypothéqué son avenir et celui de ses enfants.

Ceux qui comprennent auront compris Ali Bongo Ondimba : pour sauver le « Gabon éternel » (actuellement sous ajustement au FMI), il demande de se serrer les coudes car personne n’y arrivera seul et encore moins, si les uns et les autres passent leur temps à se tirer dessus.

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