HINDA ET IDRISS DEBY ITNO : Trente ans de pillage organisé des richesses du Tchad

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Le dictateur tchadien, Idriss Déby Itno, a entrepris une campagne d’auto-glorification des bienfaits de ses trente ans à la tête du Tchad. Alors que les Tchadiens et les Tchadiennes considèrent sa survenue au pouvoir comme une véritable malédiction, la pire des choses qui soit arrivée à leur pays un 4 décembre 1990, Déby Itno bombe le torse en leur crachant au visage : « sans moi c’est le déluge ». Et pourtant, cet individu a, complètement, ruiné son pays, du reste, devenu producteur et exportateur de pétrole depuis une dizaine d’années. Comme s’il n’attendait qu’un tel événement pour s’enrichir, il a confié tous les postes juteux ayant trait à l’exploitation pétrolière à ses seules famille et belle-famille de la première dame, à savoir, sa quinzième épouse, Hinda Déby Itno.

L’article qui suit contenu dans le numéro 481 d’octobre d’Afrique Education (encore en vente chez les marchands de journaux ou à la rédaction) montre comment il a transformé le Tchad en « société anonyme », en sultanat, en véritable royaume où tout (ou presque) lui appartient, alors que les salaires connaissent plusieurs mois de retard chez certaines catégories d’agents de l’Etat (notre photo). A la lecture de cet article, on comprendra pourquoi les syndicalistes tchadiens affirment que leur pays connaîtra un semblant de prospérité après et seulement après le départ du pouvoir de ce dictateur. Mais c’est pour quand ce départ ? Mystère et boule de gomme !

Pour piller librement les ressources de son pays, il s’est fait indispensable aux yeux de la France, (le pays qui tient son régime à bout de bras). Le président tchadien a fait de son armée une sorte d’appendice de l’armée française : il est difficile que la France intervienne militairement quelque part en Afrique, dans le cadre d’un conflit, sans qu’il y ait l’armée tchadienne à côté. Les armées francophones d’Afrique étant, pour la plupart, défaillantes, le secours des militaires tchadiens est, toujours, le bienvenu quand Paris est appelé en sapeur pompier. On l’a vu au Mali, en Centrafrique et dans le cadre du G5 Sahel où le Tchad est présent pour relever le niveau des armées du Mali et du Burkina Faso, en collaboration avec Barkhane.

La contrepartie de cet engagement du « très bon soldat Déby » est le pillage systématique des ressources du pays par le clan présidentiel, que composent les familles du président et de la première dame. Sans se marcher sur les pieds, chacune se sert correctement. Voilà pourquoi Paris n’élèvera jamais la voix ou ne parlera qu’à voix très basse quand le sultan du Tchad embastille ses opposants. Comme si on était, encore, dans les années 80. Le silence des présidents français successifs lui donne carte blanche pour domestiquer les richesses nationales de tous les Tchadiens.

Conséquence, c’est l’amplification de la mal-gouvernance, sachant que le maître du Tchad n’a de compte à rendre à personne, ni à son opposition, ni à sa société civile, qui peuvent alerter le monde entier. On les écoutera mais, au final, personne ne viendra à leur secours.

L’ONG suisse, Swissaid, s’est penchée sur le dossier tchadien. Dans une étude publiée en juin 2017 intitulée « TCHAD S.A. : Un clan familial corrompu, les milliards de Glencore et la responsabilité de la Suisse », elle a démontré comment la mal-gouvernance est consacrée au Tchad au point de qualifier cette mafia de « TCHAD S.A ». Népotisme, malversations, corruption à grande échelle, en particulier, dans le secteur pétrolier. L’ONG n’y est pas allée de main morte pour critiquer les liens incestueux entre la famille Déby et les grandes sociétés intervenant dans le secteur notamment la multinationale suisse Glencore : « En 26 ans de pouvoir, Idriss Déby Itno, le président du Tchad a transformé son pays en S.A. familiale corrompue. Son régime agit de façon de plus en plus répressive, des proches et des membres de la famille du président et de son épouse contrôlent de larges pans du secteur pétrolier. L’araignée au centre de cette toile de népotisme et de racket est la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT), le partenaire essentiel de Glencore au Tchad ». D’après l’ONG suisse qui rapporte certaines estimations, le président, Idriss Déby Itno (le sultan si on préfère) devrait, actuellement, disposer d’une fortune de 50 à 100 millions d’euros sans compter la fortune amassée par son clan à travers plusieurs membres, qui occupent des postes stratégiques au sein d’entreprises et d’administrations publiques, mais aussi, des réseaux qui s’étendent aux secteurs stratégiques de l’économie du pays.

Dans un billet publié en 2015, nos confères d’Africa Intelligence s’insurgent à leur tour. Généralement, très bien renseignés, ils écrivent en bons connaisseurs du dossier : « Au Tchad, la manne pétrolière se gère en famille. Alors qu’elle représente 73% des revenus et 90% des exportations à raison de 12 milliards de dollars de recettes depuis 2003, elle est entièrement quadrillée par les proches d’Idriss Déby Itno, à commencer par son épouse, Hinda Déby Itno née Acyl. A 35 ans, la première dame a fait une incursion remarquée dans ce secteur depuis son mariage avec le chef de l’Etat en 2005 ». Hinda est la quinzième épouse du dictateur. Quelle virilité !

Sa présence aux côtés de son mari de président est tellement juteuse qu’elle a combattu sa rivale, la jeune Soudanaise, Amani Moussa Hila, fille du chef djandjawid, Moussa Hilal, que Déby avait épousée grâce à l’accompagnement de l’ancien président soudanais, Omar el-Béchir. La dot avait coûté la rondelette somme de 32 millions de dollars (14 milliards de F CFA) en 2012. Agée de 18 ans lors de son mariage, cette Soudanaise n’a pu s’installer à N’Djamena à cause de la farouche opposition de Hinda, soutenue par sa famille. Finalement, Déby lui avait acheté une villa à Khartoum pour qu’elle y réside momentanément. Mais, elle a fini par divorcer et épouser son cousin germain en 2016. Les 32 millions de dollars partirent, ainsi, en fumée !

Après cette seizième épouse, Déby a épousé une dix-septième épouse, une fille de l’Ennedi, cette fois, chez lui, à Amdjaress, en 2013. Cela dit, Hinda contrôle l’essentiel.

Très intelligente, la première dame a su placer plusieurs de ses fidèles aux commandes de la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) – compagnie nationale chargée de gérer les recettes du brut de Doba, zone historique située dans le Sud-Est du pays et mise en exploitation en 2003 -, ainsi qu’à la tête de la Société de raffinage de N’Djamena (SRN). Cette raffinerie (CNPC : 60% – Tchad : 40%) traite la production de la filiale China National Petroleum Corp International Chad (CNPCIC), issue des gisements Rosier et Mimosa.

« Frère aîné d’Hinda Déby Itno, l’actuel ministre de l’éducation Ahmat Khazali Acyl a été le premier directeur général de la SHT. Mahamat Kasser Younous, qui a occupé ce même poste de 2011 à 2014, appartient également au cercle rapproché de la première dame. Tout comme le directeur commercial de cette société, Ibrahim Bourma Hissein, qui a épousé l’une des sœurs d’Hinda Déby Itno, Mamy Mahamat Acyl. Enfin, le jeune directeur financier et comptable de la SHT, Mahamat Guihini Guet, est l’un des neveux du président Déby. Ce poste a été spécialement créé pour lui en 2014 », note Africa Intelligence.

Grâce à cette équipe soudée par un intérêt commun, le contrôle d’une ressource stratégique, Hinda Déby Itno s’est impliquée dans les contrats les plus juteux et dans certaines nominations, tout en restant informée de l’actualité pétrolière de son pays et en contrôlant les informations remontées au chef de l’Etat. N’est-elle pas incontournable de par sa fonction de secrétaire particulière du chef de l’Etat qu’elle a, par ailleurs, à la maison comme époux ? Comme l’a écrit Swissaid, le Tchad, c’est véritablement une société anonyme : « TCHAD S.A. ».

Toutefois, cette habileté politique est source de graves dissensions au sein du clan zaghawa au pouvoir. Pour la famille présidentielle, c’est Hinda qui dirige le Tchad, et non son parent, Idriss Déby Itno. Du coup, le clan zaghawa la supporte mal. Mais, contrairement, aux autres premières dames venues avant elle et qui sont restées femmes au foyer, Hinda a mis à profit sa présence aux côtés du chef de l’Etat pour placer les siens, au point qu’elle est de plus en plus difficilement déboulonnable. La preuve, les seizième et dix-septième femmes de Déby n’ont pu s’installer, durablement, à N’Djamena où Hinda règne en maîtresse et où elle mène une guéguerre au clan zaghawa de son cher époux Idriss. Le mouvement d’opposition en exil en France, l’ACTUS/Prpe, dirigé par Dr Ley-Ngardigal Djimadoum, s’est amusé à dresser la liste des postes stratégiques et juteux occupés par les membres de la famille du couple présidentiel. On se rend, alors, facilement, compte que tout le Tchad utile est confisqué par le couple Hinda et Idriss Déby Itno.

Tableau A : Monopolisation de l’Etat tchadien par le clan présidentiel composé des familles Idriss Déby Itno et Hinda Déby Itno.

Noms & Prénoms Lien familial Postes occupés

1) Général Idriss Déby Itno Patriarche Président, Sultan, Ministre Défense, Général
2) Hinda Déby Itno Epouse (1ère dame) Secrétaire Particulière / PR
3) Daoussa Déby Itno Grand-Frère Ministre, PDG / SNER
4) Oumar Mahadjirin Dahabay Itno Neveu DG / Impôts
5) Général Ouma Déby Itno Petit-Frère DG/Réserve Stratégique
6) Colonel Zakaria Idriss Déby Fils DirCab / PR, PDG CST
7) Daoussa Idriss Déby Fils DG/Grands Travaux Présidentiels
8) Colonel Adam Idriss Déby Fils CEM / DGSSIE
9) Général Mahamat Idriss Déby Fils Commandant Groupement N°1/DGSSIE
10) Ahmat Kazaly Acyl Grand-Frère de Hinda Ministre
11) Mahamat Timan Déby Neveu DG / Cimenterie Baoré
12) Amira Idriss Déby Fille DG / Protocole PR
13) Mahamat Zene Hisseine Bourma Beau-Fils Trésorier Payeur Général (TPG)
14) Haoua Daoussa Déby Nièce DG / Raffinerie de N’Djamena
15) Colonel Siddik Timan Déby Neveu Directeur / Matériel Armée
16) Colonel Yesko Itir Déby Neveu Aide de Camp /PR
17) Colonel Khouder Mahamat Acyl Petit-Frère Hinda Aide de Camp / PR
18) Abderahim Mahamat Acyl Petit-Frère Hinda DAAFM / Projets Présidentiels
19) Acyl Mahamat Acyl Frère de Hinda DG / OTRT
20) Mahamat Acyl Père de Hinda Ambassadeur en Côte d’Ivoire
21) Hadje Marielle Guillaume Debos Mère de Hinda Caissière à la CNPS
22) Fatime Haram Acyl Sœur de Hinda Commissaire à l’Union africaine
23) Mami Mahamat Acyl Sœur de Hinda Directrice à la présidence
24) Abdelkerim Charfadine Neveu DAAFM / PR et chef de canton NYL
25) Hissein Idriss Déby Fils DG / Aéroport
26) Mahamat Haiga Déby Neveu DAAFM / SHT
27) Mahamat Halime Déby Neveu DAAFM / Cimenterie
28) Général Abbas Cheno Déby Neveu SG / BEAC
29) Général Hissein Cheno Déby Neveu Directeur / Ecoute / ANS
30) Hadje Itir Déby Petite-Sœur Conseillère / Mairie et Présidente des Femmes du parti présidentiel MPS
31) Ousmane Hisseine Bourma Mari de la Sœur de Hinda et Grand-Frère du TPG
Entrepreneur, gérant des Sociétés et Sultan
32) Séïd Idriss Déby, Fils DG de la SHT
33) Général Ousmane Adam Dick Neveu DG des Douanes et Droits indirects
34) Abass Mahamat Tolli Neveu Gouverneur de la BEAC

Conclusion : Idriss Déby Itno a, complètement, plié l’Etat du Tchad. Qui n’en est plus un. Pitié pour ce pauvre pays !

Dossier coordonné depuis Paris par
Jean Paul Tédga, Aristide Koné et Moussa Konaté.

SIGLES UTILISES :

SNER : Société nouvelle d’études et des réalisations
CST : Compagnie sucrière du Tchad (Groupe français Somdiaa)
DGSSIE : Direction générale de service de sécurité des institutions de l’Etat
OTRT : Office tchadien de régulation des télécommunications
CNPS : Caisse nationale de prévoyance sociale
SHT : Société des hydrocarbures du Tchad
BEAC : Banque des Etats de l’Afrique centrale
ANS : Agence nationale de sécurité
MPS : Mouvement patriotique du salut (parti politique fondé et dirigé par Idriss Déby Itno)

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