« Assèze l’Africaine » (Calixthe Beyala), que j’ai rencontrée à Lomé il y a quelques jours, dans le bar dénommé « En attendant le vote des bêtes sauvages » (Ahmadou Kourouma), m’a raconté, avec force détails, sa chaude discussion avec « Kocumbo l’étudiant noir » (Aké Loba). Celui-ci lui avait longuement parlé des « Crapauds-brousse » (Tierno Monénembo), ces diplômés africains qui font de beaux discours sur la justice et la liberté autour d’une bouteille de vin mais qui n’ont pas le courage de prendre la rue pour protester contre la dictature.
De passage à Bamako, elle voulait acheter un peu de viande chez « Le boucher de Kouta » (Massa Makan Diabaté). Un jeune lycéen surnommé « L’enfant noir » (Camara Laye) l’avait accompagnée au marché. Les affaires de ce boucher marchaient très bien. On peut dire sans risque de se tromper qu’il avait réussi. Ce n’était pas le cas de la mission du Révérend Père Supérieur Drumont, « Le pauvre Christ de Bomba » (Mongo Beti). Le boucher leur demanda s’ils avaient lu « Le devoir de violence » (Yambo Ouologuem) qui montre que tout n’était pas rose dans l’Afrique d’hier. Après avoir répondu oui, Assèze sortit de son sac à main « Les cigognes sont immortelles » (Alain Mabanckou), roman qui revient sur l’assassinat de Marien Ngouabi, le 18 mars 1977. Ceux qui ôtèrent la vie à ce digne fils d’Afrique ont tellement appauvri et clochardisé les Congolais que la vie est devenue, à Brazzaville, Pointe noire et ailleurs, semblable à celle des personnages de « La vie et demie » (Sony Labou Tansi).

Assèze confia au boucher que les Africains devraient cesser d’être naïfs comme Meka dans « Le vieux Nègre et la médaille » (Ferdinand Oyono) et que ce qui lui ferait vraiment plaisir, ce serait une visite, non pas, dans « La ville où nul ne meurt » (Bernard Dadié), mais, à Tombouctou, où fut créée l’université Sankoré au XVe siècle. Elle ne voulait plus entendre parler de cette démocratie occidentale qui, d’après elle, est « Un piège sans fin » (Olympe Bhêly-Quenum). Elle était convaincue qu’avait commencé « Le crépuscule des temps anciens » (Nazi Boni), que point n’était besoin de posséder un « Gros plan » (Idé Oumarou) pour comprendre que les pays africains seraient pendant un bon moment encore « Sous l’orage » (Seydou Badian).

Quant à moi, je me contenterai d’ajouter que je ne voterai plus « Jusqu’à nouvel avis » (Guillaume Oyono Mbia). Assèze souhaitait ardemment que nous puissions agir comme « Le jeune homme de sable » (Williams Sassine) qui se révolte contre son père en qui il voit le représentant d’un régime qui s’oppose aux légitimes aspirations du peuple.

Je suis pleinement d’accord avec elle quand elle estime que chaque Africain devrait se renseigner davantage sur comment la cité était gérée dans l’Afrique traditionnelle car, n’en déplaise à l’inculte Sarkozy, les Africains, non seulement, étaient bien entrés dans l’Histoire, mais, ont une histoire.
Jean-Claude Djéréké
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).





