MAROC : Quand la défense de la presse devient un champ de bataille politique

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Nous sommes face à une dérive dangereuse. Pas celle d’un journaliste qui diffuse des vidéos. Mais celle d’un pays qui transforme une affaire professionnelle et institutionnelle en arène politique. Car derrière l’affaire Hamid El Mahdaoui, ce ne sont pas seulement des débats sur la liberté d’expression qui se jouent. C’est une instrumentalisation inquiétante de la presse, utilisée comme carburant dans une guerre d’influence.

La presse prise en otage

Que l’on soutienne ou non El Mahdaoui (notre photo), une chose est claire : La diffusion d’une réunion interne du Conseil national de la presse n’est pas un acte anodin.

Or, au lieu d’un débat sérieux sur la question de la confidentialité, du respect des procédures et des limites éthiques, nous assistons à un spectacle : déclarations tonitruantes, positions outrancières, indignation sélective.

La presse, censée être le garde-fou de la démocratie, est, aujourd’hui, utilisée comme terrain de confrontation politique. Et c’est là le vrai danger.

Du soutien… ou de la récupération ?

Qu’un parti politique défende un journaliste, c’est légitime.

Mais quand ce soutien devient inconditionnel, quand il se double d’attaques contre une institution, et quand il cherche à peser sur une réforme en cours, on ne parle plus de solidarité, mais de récupération. Car transformer un dossier disciplinaire en “affaire nationale”, c’est envoyer un message dangereux : Celui selon lequel chaque décision institutionnelle pourra désormais être soumise à pression médiatique et politique, dès lors qu’elle dérange. Est-ce vraiment ainsi que l’on renforce la démocratie ?

Le vrai souci : La confusion des rôles

Dans une démocratie saine, chaque acteur a sa place.

Le journaliste informe.

L’institution régule.

Le politique débat.

La justice tranche.

Mais aujourd’hui, tout se mélange.

Le politique s’invite dans une procédure non clarifiée.

Les réseaux sociaux rendent un verdict émotionnel.

Et l’institution se retrouve sous pression. A force de brouiller les rôles, on affaiblit tout le monde.

La liberté de la presse, oui. Le chaos, non.

Défendre la liberté de la presse est une obligation morale et démocratique.

Mais défendre une personnalité n’est pas toujours défendre un principe.

La liberté n’est pas l’absence de règles. Une presse sans responsabilités ne libère pas, elle désoriente. Si demain, chaque acteur décide de diffuser des délibérations internes au nom de la “transparence”, que restera-t-il de la confiance, du métier et des institutions ?

Ce malaise dépasse El Mahdaoui

Le problème ne se limite pas à un nom, ni à une vidéo. Il reflète une crise plus profonde :

Celle du rapport entre politique, médias et institutions.

Aujourd’hui, ce n’est pas seulement une personne qui est au centre de la tempête. C’est un système qui révèle ses fragilités. Et si nous ne posons pas le débat avec rigueur maintenant, c’est la crédibilité de la presse, des institutions et du débat public qui en paiera le prix.

Par Dr. Lahcen Benchama

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