MAURITANIE : Le général-président Mohamed Ould Abdel Aziz va-t-il modifier la constitution pour s’accrocher au pouvoir ?

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S’il est vrai qu’en 1990, le vent de la démocratie avait soufflé sur le continent africain avec plus ou moins de fortune, ici et là, aujourd’hui, c’est, plutôt, la tempête de la modification des constitutions qui ravage l’Afrique. Les uns après les autres, les chefs d’Etat africains rivalisent en laborieuses arguties constitutionnelles.

Le président mauritanien (notre photo où il est en pleine séance de prière), après avoir juré au nom d’Allah sur le Saint Coran, se fonde, aujourd’hui, sur le « droit imprescriptible de la nation de changer sa constitution » pour emboîter le pas à plusieurs de ses homologues africains. Le masque transparent est tombé, après une courte phase d’hésitation et d’ânonnement tactique illustrés par les impairs de ses ministres.

Cependant, la Mauritanie n’est ni le Congo, ni le Tchad et, encore moins, la Côte d’Ivoire… La particularité de la Mauritanie, c’est qu’elle est une République islamique où l’Islam est la religion du peuple et de l’Etat, la Charia la seule source du droit. Cette différence est loin d’être négligeable.

En Mauritanie, lors de son investiture, le président de la République jure par Allah l’Unique et sur le Saint Coran de ne point prendre ni soutenir, directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision » des articles 26 et 28 lesquels stipulent que le président de la République n’est rééligible qu’une seule fois. 

Cela n’est, certainement, pas le cas de la plupart des pays africains qu’on voudrait mimer et qui sont, généralement, régis par des lois fondamentales laïques consacrant une séparation totale entre le champ politique et le domaine de la religion. La prestation de serment des chefs d’Etat dans les pays visés relève, strictement, d’un simple engagement républicain pris devant les hommes, dépourvu de toute dimension théologique.

En Mauritanie, par contre, l’exercice du pouvoir est, intimement, lié à l’islam. Les engagements pris par le chef de l’Etat, le sont devant Allah Le Très Haut et les musulmans, sur la base du Saint Coran. Cette forte dimension théologique n’est pas sans conséquences sur le poids et les implications d’un parjure devenu, désormais, effectif.

En effet, selon l’esprit de la Constitution mauritanienne en vigueur, le parjure commence dès lors que le président, lui-même, participe à une initiative visant la révision de la Constitution en ces dispositions se rapportant au statut du chef de l’Etat, à la dévolution, à l’alternance politique, à la prolongation ou non du mandat présidentiel. Or, le président a, personnellement, présidé, solennellement, les travaux du fameux dialogue national. Donc, la violation des articles pertinents est, déjà, établie dans cette démarche. Le parjure est effectif et flagrant dès cet instant. Inutile d’attendre l’issue du dialogue. Aux yeux de tout musulman, il est clair que le parjure, dans les circonstances religieuses décrites plus haut, relève d’un paradigme de complexité sans précédent dans lequel les pratiques d’expiation des parjures de serment réservées au commun des musulmans resteront, moralement, inopérantes pour leur  » guide  ».

A ce niveau, la question consubstantielle, qui se pose est celle très grave des conséquences pour un président musulman, dans une République islamique, qui foule au pied le nom d’Allah le Très Haut et le Saint Coran ? Quelles conséquences pour ceux et celles, qui soutiennent une telle démarche devenue satanique à partir du moment où elle contrevient à un engagement pris devant Allah Le Très Haut dans une République islamique ?

Pour y répondre, il est urgent que les oulémas et autres érudits spécialistes de la loi islamique ayant une certaine indépendance d’esprit, se saisissent de ces questions gravissimes, émettent un avis juridique au regard de la Charia. Peut-être qu’une fatwa de dissuasion à l’intention de la Oumma islamique toute entière serait opportune et elle aurait, sans doute, une portée pédagogique intense, car on peut s’interroger lorsqu’un un chef d’Etat musulman peut, impunément, parjurer et continuer à gouverner dans un pays musulman en foulant au pied le Saint Coran et le nom d’Allah Le Très Haut, alors quel degré de rigueur peut-on opposer à tout autre musulman ordinaire pour le contraindre à respecter ses propres engagements ?

Hacen Elkounti

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