MAURITANIE : Qu’est-ce-qui ne tourne pas rond dans la justice du pays (20 ans ferme à Mohamed Ould Abdel Aziz) ?

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L’ancien président de Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, risque une condamnation à 20 ans de prison ferme. Ce n’est pas de la rigolade. C’est comme si George Bush ou Barack Obama ou encore François Hollande (malgré les multiples défauts emmagasinés pendant leur règne), par exemple, une fois qu’ils ont quitté leurs fonctions, faisaient l’objet d’une chasse aux sorcières des juges. 20 ans de prison ferme pour Mohamed Ould Abdel Aziz, c’est bien la peine que vient de demander le procureur de la République, dans son réquisitoire devant le Tribunal de Nouakchott, le 24 octobre 2023. L’ancien président mauritanien est accusé d’enrichissement illicite, d’abus de pouvoir et de corruption. Les juges mauritaniens sont-ils sérieux ou sont-ils inscrits dans un complot international visant à décourager tous les chefs d’Etat africains en poste à ne jamais envisager leur départ du pouvoir de peur d’avoir des ennuis judiciaires plus tard ? Loin d’être exemplaire, cette démarche devrait être condamnée avec la plus grande énergie. Il faut savoir ce qu’on veut dans la vie.

Mohamd Ould Abdel Aziz était au pouvoir depuis 2008. Arrivé par un coup d’état, en août 2008, il a, ensuite, été, démocratiquement, élu un an plus tard, avant de se maintenir au pouvoir pendant 10 ans. Il organise des élections, en 2019, après avoir refusé de modifier la constitution pour conserver le pouvoir, comme d’autres le font dans sa sous-région, et, au contraire, il a choisi de péser de tout son poids pour les faire gagner par son dauphin. Ce dernier, le général, Mohamed Ould El-Ghazouani, a accepé qu’il soit traduit en justice dès mars 2021.

Le procureur a déclaré que Mohamed Ould Abdel Aziz avait amassé une fortune personnelle de 67 millions d’euros (45 milliards de F CFA) dont il n’a pas pu justifier la provenance. Il a, également, été accusé d’avoir utilisé son pouvoir pour enrichir ses proches et ses associés. Des accusations qu’on sort comme pour amuser la galerie parce qu’on n’a rien trouvé de consistant à mettre dans le dossier. Loin de se faire l’avocat du diable, cet ancien président a duré plus de dix ans au pouvoir, pendant lesquels, il a rencontré beaucoup de ses homologues dont plusieurs du monde arabe, qui ont le cadeau facile. Hormis le fait que la Mauritanie est un pays avec un sous-sol riche, qui intéresse toutes sortes d’investisseurs.

Bien sûr que Mohamed Ould Abdel Aziz a plaidé non coupable de toutes les charges. Il a déclaré que le procès était, politiquement, motivé. Certains y voient l’influence de Mohammed Bouamatou, un puissant homme d’affaires mauritanien et opposant politique de longue date à Mohamed Ould Abdel Aziz. Il fut l’un des pourfendeurs les plus virulents du régime d’Abdel Aziz et avait passé 10 ans en exil.

Pour certains observateurs, la demande de condamnation de Mohamed Ould Abdel Aziz est un signal positif pour la lutte contre la corruption en Afrique. Elle montre que les dirigeants africains peuvent être tenus responsables de leurs actes. En réalité, cette action de la justice mauritanienne est un très mauvais signal qui est envoyé à tous ces dirigeants africains à qui on demande de quitter le pouvoir pour l’avoir exercé pendant de très longues années, parfois, au-delà de leurs mandats normaux. Car ils ne peuvent qu’être effrayés par ce qui arrive à leur ancien homologue mauritanien. Bref, cette action de la justice mauritanienne est contreproductive. D’où la question de savoir le vrai but recherché en salissant, ainsi, l’image de cet ancien président qui avait volontairement accepté de quitter ses fonctions après avoir effectué ses deux mandats ?

La Cour doit encore entendre les plaidoiries de la défense. Sa décision qui sera prononcée le 2 novembre prochain, est susceptible d’être contestée en appel.

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