NIGERIA : Depuis un an au pouvoir, « Baba go slow » peut mieux faire

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Pendant sa première année au pouvoir, le président nigérian, Muhammadu Buhari, s’est concentré sur ses deux grandes promesses de campagne : la lutte contre Boko Haram et contre la corruption endémique. Mais il s’est heurté à de nouveaux défis sécuritaires et économiques.

Une inflation de 13,7%, le mois dernier, une croissance d’à peine 0,36% au premier trimestre 2016, une monnaie affaiblie et une récession imminente : la patience des Nigérians a été mise à rude épreuve depuis l’accession au pouvoir de celui qui avait promis « le changement ».

Au moment où le général s’apprête à entamer, dimanche, 29 mai, la deuxième année de son mandat, la première économie d’Afrique fait face à une crise majeure, provoquée par l’effondrement, depuis deux ans, des cours mondiaux du pétrole, son revenu principal.

« Le plus grand défi est de faire repartir l’économie en la stimulant », estime l’économiste Bismark Rewane, reconnaissant que, quelles que soient les mesures mises en place, elles mettront, au moins, un an à avoir un réel effet.

Muhammadu Buhari a accusé son prédécesseur, Goodluck Jonathan, de lui laisser un pays aux caisses « complètement vides », siphonnées par des dizaines d’années de corruption endémique.
Si tous s’accordent à dire qu’il a, en effet, hérité d’un Etat mal géré et d’une conjoncture désastreuse, certains soulignent qu’il a mis six mois à nommer un gouvernement, et le budget 2016 a attendu des mois avant d’être voté, ce qui n’a fait qu’empirer la situation. Buhari a expliqué qu’il lui fallait du temps pour mettre la bonne personne à la bonne place.

Selon Malte Liewerscheidt, spécialiste de l’Afrique pour l’entreprise de conseil, Verisk Maplecroft, si le Nigeria finit par dévaluer sa monnaie, cela risque de provoquer « une hausse de l’inflation à court terme » et une crise bancaire, ce qui engendrerait « une récession complète ».

« Cela fait ressurgir le spectre d’une intervention du Fonds monétaire international (FMI), ce qui est, précisément, le scénario que M. Buhari cherchait à éviter », a-t-il poursuivi.
Avec une production journalière, désormais, tombée à 1,4 million de barils -bien en-deçà des 2,2 millions de barils, par jour, prévus au budget de cette année-, le Nigeria a perdu sa place de premier producteur de pétrole d’Afrique au profit de l’Angola.

En cause, les Vengeurs du Delta du Niger (NDA), un nouveau groupe rebelle, qui a mené plusieurs actions de sabotage, ces dernières semaines, contre les installations pétrolières dans le Delta du Niger, au Sud, obligeant les grands opérateurs à interrompre l’extraction pétrolière sur des sites majeurs.

Un autre problème qui risque, à la fois, de priver le Nigeria de précieux revenus, en ces temps difficiles, et de créer de l’instabilité politique à moyen terme, souligne Dirk Steffen, expert en sécurité maritime pour la société de conseil, Risk Intelligence.

S’il y a un domaine dans lequel M. Buhari ne peut être accusé d’immobilisme, c’est bien la lutte contre la corruption : en un an, des dizaines de personnes ont été arrêtées et sont en attente d’être jugées pour avoir détourné des fonds publics.

Une mesure très populaire, mais attention à rester dans les limites de la loi, et à ne pas procéder à des détentions arbitraires, prévient Clement Nwankwo, qui dirige le Centre pour la défense des droits politiques et juridiques à Abuja.

Beaucoup ont, déjà, dénoncé une chasse aux sorcières, la liste des accusés comportant de nombreux opposants politiques, appartenant, notamment, au Parti démocratique populaire (PDP) de M. Jonathan. Normal : c’est eux qui étaient au pouvoir et c’est eux que Buhari accuse d’avoir laissé les caisses de l’Etat, complètement, vides.

Reste aussi à savoir si Muhammadu Buhari saura transformer ses effets d’annonce en réelle politique anti-corruption à long terme, souligne M. Nwankwo.
Autre domaine dans lequel M. Buhari a marqué des points : la lutte contre l’insurrection islamiste.

La vaste opération militaire visant à reprendre les territoires du Nord-Est abandonnés à Boko Haram, avec l’aide des pays voisins, avait commencé dès le début de l’année 2015. Mais, sous M. Buhari, les opérations de l’armée ont permis d’affaiblir, davantage, le groupe islamiste.

« Les choses sont bien plus compliquées pour Boko Haram désormais, et c’est une bonne chose », considère l’expert Yan St-Pierre.

Au moment où plusieurs régions commencent à s’embraser à travers le pays, des attaques des éleveurs peuls, au Centre, aux revendications croissantes des indépendantistes biafrais, dans le Sud-Est, en passant par les rebelles du Delta du Niger, on peut, cependant, se demander si l’armée aura la capacité d’être efficace sur tous les fronts ?

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