PROCES D’OMAR EL-BECHIR : L’image qui tue…

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L’ex-président soudanais, Omar el-Béchir, évincé du pouvoir en avril dernier, apparaissait, ce samedi, 24 août, devant un tribunal de Khartoum pour la deuxième audience de son procès. Celui-ci va durer un certain temps. La défense a demandé sa libération sous caution. Mais, ce qui fait le plus mal, c’est l’image qui est véhiculée de ce procès. Voilà un homme qui a eu le droit de vie et de mort sur les Soudanais pendant une trentaine d’années, et qui, du jour au lendemain, se retrouve, lui-même, prisonnier et subit, en personne, ce qu’il a fait endurer à ses opposants pendant des décennies. Que penser d’une telle image dans l’inconscient populaire en Afrique ? Sur un autre plan, que pourraient se dire les chefs d’Etat africains actuels dont certains sont en porte à faux avec leurs opinions publiques, et qui voient comment un des (anciens) leurs se fait traiter, après avoir présidé aux destinées du pays pendant une trentaine d’années ? Loin d’en faire une polémique, cette situation devrait pousser les Africains (des pouvoirs, des oppositions, de la société civile, de la classe intellectuelle non partisane) à réfléchir sur l’état de leur continent. Avec objectivité et sans passion.

Le procès d’Omar el-Béchir, déposé par l’armée le 11 avril après 30 ans au pouvoir, s’est ouvert le 19 août. Il fait face à des accusations de « possession de devises étrangères, de corruption » et de trafic d’influence.

Pas (encore) de tueries ni de génocide comme l’accuse la Cour pénale internationale (CPI) qui demande son extradition avec insistance malgré le Niet (provisoire ?) de ses amis généraux devenus, aujourd’hui, ses bourreaux.

Vêtu d’une robe blanche traditionnelle, l’ancien homme fort du pays, âgé de 75 ans, a été placé dans une cage en métal comme lors de la première audience (notre photo). C’est une image qui tue, et qui doit donner des insomnies aux dictateurs africains : « Après Moubarak (qui a subi le même traitement) et maintenant Béchir, à qui le tour », doivent-ils se demander ?

Omar el-Béchir n’est accusé que de corruption (répétons-le) : le 19 août, un enquêteur avait affirmé qu’il avait avoué avoir reçu d’importantes sommes d’argent saoudien en espèces – à hauteur de 90 millions de dollars (80 millions d’euros).

Samedi, 24 août, le juge a entendu trois témoins, dont deux enquêteurs qui avaient perquisitionné sa résidence, où avaient été trouvées de grosses sommes d’argent.

De son côté, la défense a demandé la libération de Omar el-Béchir, arrêté le 11 avril dans la foulée de sa destitution.

« Nous demandons à la cour de libérer sous caution l’accusé », a déclaré Hachem Abou Bakr, son avocat. Le juge a répondu qu’il examinerait une requête écrite dans ce sens.

La question est de savoir pourquoi ne garde-t-on pas cet ancien président en résidence surveillée sous surveillance de la justice et non en prison ? A quoi cela sert-il, objectivement, de le montrer sur cette posture, suprêmement, humiliante même si on peut imaginer que les uns et les autres se règlent quelques comptes ? La dignité humaine ne doit-elle pas être vue des deux côtés (y compris de celui du pouvoir actuel) même si on peut reprocher à Béchir lui-même de n’en avoir pas fait état quand il était aux affaires ?

Le procès d’Omar el-Béchir ne concerne pas les accusations de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de génocide dans la région du Darfour (Ouest) pour lesquelles il est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) depuis une décennie.

Ce procès survient alors que le pays s’est doté, mercredi, 21 août, d’un Conseil souverain, composé de six civils et cinq militaires, chargé de mener la transition vers un pouvoir civil et ce, en l’espace de 39 mois : 21 mois sous la direction d’un général, et 18 mois, par la suite, sous celle d’un civil.

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