SÉNÉGAL : Emeutes à l’Université de Dakar

Date

Ahmed Cissé

Macky Sall a, désormais, à son passif, la mort d’un étudiant de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Après avoir installé, en novembre dernier, les forces de l’ordre et de sécurité, sur le campus, enfreignant les fameuses (et inviolables) franchises universitaires, il récolte ce que son manque de clairvoyance de la chose universitaire, lui avait fait semer. C’est une situation déplorable que l’arrivée d’un nouveau recteur ne fera pas forcément oublier, si l’Etat, c’est-à-dire, le gouvernement, ne met pas les moyens nécessaires à la disposition de l’université. C’est quand même incompréhensible que les étudiants de l’UCAD passent jusqu’à six mois sans bourses. La démission des ministres de l’Intérieur et de l’Education nationale, est réclamée par les grévistes. Pour calmer leur fronde.

Le président Macky Sall a-t-il déjà perdu la main, au niveau de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) ? On se posait, déjà, cette question, l’année dernière, après les troubles provoqués sur le campus par une grève d’humeur des étudiants qui reprochaient au chef de l’Etat, d’avoir très vite oublié ses promesses de campagne, à leur égard. Cette fois- ci, le conflit est monté d’un cran. En effet, alors que la grève illimitée se poursuivait à l’université où aucun enseignement n’a lieu, l’ensemble du campus étant paralysé (les étudiants réclament le paiement de six mois de bourse), un étudiant en sciences, Bassirou Faye, est décédé, le 14 août, lors d’affrontements avec la police. Plusieurs de ses camarades ont été blessés, et 27 d’entre eux ont été placés, en garde à vue. Cette situation a, fortement, accru la colère des étudiants. Depuis ce drame, le dialogue est très difficile entre les étudiants et les autorités. Les étudiants, en grève, exigent que toute la lumière soit faite sur les circonstances de la mort de leur camarade : « L’heure, aujourd’hui, n’est pas à une discussion, l’heure n’est pas à une concertation, l’heure est d’abord que l’âme de Bassirou Faye repose en paix. Et faire un bilan : combien de personnes disparues, combien de personnes blessées ? Maintenant, qu’est-ce que l’Etat doit faire pour les étudiants en ce qui concerne le paiement de la bourse ? A partir de ce moment-là, nous aurons un climat apaisé », relève Mamadou Ndiamor, membre du Collectif des étudiants de l’université.

Autre revendication de taille : les étudiants en grève exigent la démission des ministres de l’Intérieur (responsable de la police) et de l’Enseignement supérieur (ministre de tutelle de l’UCAD).

Plusieurs enquêtes ont été ouvertes : une a été confiée à la justice, une autre, administrative, se fait sous l’autorité du ministère de l’Education, et celle, interne, propre à l’université. Cette dernière ne sera pas conduite par le professeur Saliou Ndiaye, remplacé, au pied levé, le 19 août, par un décret présidentiel, par le professeur Ibrahima Thioub. Après avoir passé quatre ans, à ce poste, où il fut nommé par le président, Abdoulaye Wade, le recteur Saliou Ndiaye semblait dépassé par les revendications estudiantines non satisfaites par les pouvoirs publics. Sa position devenait, de plus en plus, inconfortable, les enseignants de l’UCAD prenant fait et cause pour les étudiants. D’ailleurs, certains d’entre eux, sont, aussi, en grève. Porte-parole du Syndicat autonome des enseignants, Idrissa Bah dénonce, sans jeu de mots, la présence policière sur le campus. Une présence qui date de novembre 2013 : « Depuis l’année dernière, les forces de l’ordre se sont installées à l’Université Cheikh Anta Diop ; elles se sont mises à l’aise ; elles ont pris leur quartier et l’ont transformée en une sorte de caserne militaire. Au rythme où vont les choses, un enseignant ou d’autres étudiants risquent d’être victimes de l’excès de zèle des policiers ». Depuis plusieurs années, les étudiants des universités publiques du Sénégal, protestent, régulièrement, contre le retard ou le non-paiement des bourses, des manifestations, généralement, réprimées par les forces de l’ordre.

C’est cette situation, particulièrement, grave que le recteur, Ibrahima Thioub, est appelé à gérer. Au titre de ses grandes priorités, il a mentionné la régularisation du calendrier universitaire, la poursuite de la dématérialisation des procédures administratives, l’institution d’une car te d’étudiant unique valable pour toute la durée de la scolarité, l’appui à la mise en place d’une organisation étudiante libre, démocratique et représentative, etc. Tout cela, pense-t-il, devrait concourir à l’application rigoureuse et concertée des réformes universitaires en cours.

Sur le front de la bonne gouvernance, il s’est engagé à faire meilleur usage des ressources de l’UCAD, à travers « une gestion rigoureuse, efficace et efficiente, au service exclusif de la recherche et de l’enseignement ». De même, il a promis de veiller à l’application effective des franchises universitaires dont l’esprit et la lettre, selon lui, doivent être connus par tous les acteurs. Car, pour le recteur, « une compréhension partielle et limitée de celle-ci est en partie à l’origine de certaines difficultés auxquelles nous sommes fréquemment confrontés ». Dans ce sens, il s’est engagé, avec le soutien des autorités étatiques, à lever les sources de tension les plus fréquentes, à l’UCAD, notamment, la prise en charge régulière des salaires et des heures supplémentaires, la couverture médicale, les voyages d’études, les questions de logement, etc.

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