SOMMET D’ABUJA SUR BOKO HARAM : La bouteille à moitié vide ou à moitié pleine

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Le 17 mai 2014, à l’Elysée, François Hollande avait réuni Goodluck Jonathan, à l’époque, président de la fédération nigériane, et tous les chefs d’Etat voisins du Nigeria (Paul Biya du Cameroun, Idriss Déby Itno du Tchad, Mahamadou Issoufou du Niger et Boni Yayi du Bénin) pour « déclarer la guerre à Boko Haram ». Deux ans, plus tard, presque jour pour jour, c’est Muhammadu Buhari (le successeur de Goodluck Jonathan) qui a accueilli, ce samedi, 14 mai 2016, exactement, la même réunion, chez lui, à Abuja. Etaient présents  cette fois : outre le Français, François Hollande, le Camerounais, Paul Biya, le Tchadien, Idriss Déby Itno, le Nigérien, Mahamadou Issoufou, le Béninois, Patrice Talon, le Sénégalais, Macky Sall et le Gabonais, Bongo Ondimba Ali. Contrairement à 2016, à Paris, les chefs d’Etat se sont réunis, à Abuja, non plus, pour déclarer la guerre à Boko Haram (c’est déjà fait), mais, pour changer de stratégie de guerre contre Boko Haram. Cela voudrait dire que Boko Haram continue de s’imposer à tous.

On peut encourager les dirigeants africains à ne pas baisser les bras, les féliciter après des « victoires » qu’ils brandissent face à cette nébuleuse terroriste. Force est, cependant, de constater que quatre pays, à savoir, le Nigeria, plus forte armée du continent, du moins, sur le papier, le Tchad, armée qu’on dit être plus opérationnelle et plus aguerrie que toutes les autres, le Cameroun, le Niger et, maintenant, le Bénin venu, depuis quelque temps, en renfort, n’arrivent, pas, à mettre hors d’état de nuire, une rébellion de quelques milliers de personnes, partie de rien, en 2009, et qui occupe, présentement, une partie du Nord-Est du Nigeria.

Que peut-on, dès lors, attendre de François Hollande qui, il y a deux ans, avait tenu la même réunion pour étudier la même question ? On peut dire que le Sommet d’Abuja était plus protocolaire que décisionnelle. Deux ans après Paris, il fallait faire le point de ce que les pays de la sous-région n’ont pas réussi à vaincre Boko Haram.

Une force sous-régionale de 8.500 hommes est disponible pour combattre cette nébuleuse, mais, elle n’est pas, encore, efficacement, déployée, sur le terrain, faute de moyens. Il revient à l’Union africaine et aux Nations-Unies d’aider à la rendre opérationnelle, avec le soutien des puissances comme la France, la Grande Bretagne, les Etats-Unis, et l’Union européenne. Mais depuis juillet qu’elle est en place, on ne voit aucun soutien digne de ce nom venir.

Dans son discours qui était fort attendu (car seul chef d’Etat non africain invité), François Hollande a énoncé des actions qu’il faudrait rapidement mener pour occuper le terrain que délaisse Boko Haram, dans sa fuite : rebâtir les 200 centres de santé détruits ainsi que le millier de points d’eau, abîmé par Boko Haram. Objectif : permettre à la population de revenir vivre sur ses terres. Bien entendu, selon le président français, il faudrait relancer les programmes d’éducation et de formation, et surtout, protéger le Bassin du Lac Tchad qui abrite 13 millions de personnes. Sur ce plan, la France, a dit Hollande, prendra toute sa place. Déjà, l’Agence française de développement (AFD) va financer des micro-projets pour permettre aux personnes bénéficiaires de devenir autonomes. Et puis, comme a été décidé à la COP 21, à Paris, c’est tout le Lac Tchad qu’on doit sauver de la disparition, par une action d’envergure. Conclusion de François Hollande : « La tâche qui nous attend (avec ou sans Boko Haram, ndlr) est encore considérable » car il s’agit de « mettre en place de véritables programmes de développement ».

Ceux qui s’attendaient à des décisions spectaculaires, sont déçus. La vie est difficile pour tout le monde, en France, en Grande Bretagne et aux Etats-Unis. Conséquence : chacun aide comme il peut, pas en fonction des besoins, mais des capacités qui sont, effroyablement, limitées. Aux Africains, donc, de prendre leur destin en main. Pas seulement dans les discours. Leur solidarité fait défaut dans la guerre contre Boko Haram.

C’est vrai que le général, Muhammadu Buhari, a apporté un leadership nouveau depuis mai 2015, qu’il est aux affaires, au Nigeria. C’est aussi vrai quand il dit que Boko Haram est « techniquement vaincu ». Ce qu’on lui demande, ainsi qu’à ses homologues chefs d’Etat africains, c’est de se donner la main pour rayer, militairement, Boko Haram de la carte du Nord-Est du Nigeria, en nettoyant la forêt de Sambisa, ainsi que les alentours du Lac Tchad. Ce n’est qu’après cette première étape qu’on devra commencer à parler « Projets de développement ».

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